- Une vidéo partagée depuis dimanche montrerait des « saluts nazis » lors d’un match de football en Ukraine.
- Les images sont authentiques et ont donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire, d’après nos informations.
- La séquence a été largement amplifiée par des canaux pro-russes.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
La séquence alimente la sphère pro-russe. Une vidéo venue d’Ukraine et partagée depuis le dimanche 3 août montrerait des « saluts nazis » lors du match de foot qui opposait l’équipe de Veres Rivne à celle du Dynamo Kiev. Une affirmation devenue virale tant elle alimente le narratif du Kremlin selon lequel la guerre que mène la Russie à son voisin aurait pour objectif la « dénazification » du pays. Mais que sait-on réellement de ces images ?
Des images authentiques et une enquête préliminaire ouverte
La vidéo laisse peu de doute sur l’intention de la dizaine d’hommes habillés en noir. Debout, ils tendent le bras pour réaliser un salut fasciste et accompagnent le geste d’un slogan scandé à plusieurs reprises. D’abord « gloire à la nation » – « Слава Нації », en ukrainien – interprété à tort comme « gloire aux nazis » par certains internautes. Suivi du cri « Ukraine » (nouvelle fenêtre), lancé à trois reprises. Un document qui ne montre aucun signe de modification ou d’altération.
En effet, d’après nos recherches, cette séquence est authentique. Elle est issue du compte Instagram « Vishnya666steel », tenu par Dmytro Usychenko, sergent du régiment Azov. Partagée initialement en story, elle n’est plus disponible en ligne, ni en archive, mais plusieurs captures d’écran en attestent. Par ailleurs, tous les indices visuels corroborent cette hypothèse. Le stade correspond ainsi au Avanhard Stadium, à Rivne, qui a accueilli la confrontation entre l’équipe locale de Veres et celle de Dynamo Kiev le samedi 2 août (nouvelle fenêtre).
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Si nous n’avons pas retrouvé d’autres occurrences de ce geste, nous avons toutefois reconnu les mêmes individus dans d’autres vidéos de supporters diffusées en ligne. On peut notamment les identifier sur le compte TikTok (nouvelle fenêtre)d’un photographe qui couvrait cet événement et sur une vidéo partagée par le compte officiel de l’équipe de Rivne (nouvelle fenêtre). D’après nos recherches, ces supporters seraient membres du mouvement ultra-ukrainien. Plus précisément des « Black wolf pack ». On retrouve ainsi plusieurs visages sur le compte TikTok officiel (nouvelle fenêtre)de ce groupe.
Preuve de la crédibilité de ces images, une « enquête préliminaire » a été lancée par la police locale, d’après nos informations. Interrogé à ce sujet, ni le club de Veres ni l’association ukrainienne de football ne sont revenus vers nous dans l’immédiat.
Une amplification des canaux pro-russes
Reste que si ce contenu est authentique, il ne permet pas à lui seul d’attester d’une prétendue « nazification » (nouvelle fenêtre)du pays. Il est en revanche le signe de la « perméabilité » de cette idéologie dans le « supporterisme radical ukrainien », comme le souligne Sébastien Louis. Auprès de TF1info, cet historien, spécialiste du supporterisme radical en Europe et en Afrique du Nord, note ainsi que pour la « quasi-totalité » des clubs ukrainiens qui disposent de supporters radicaux, ces derniers sont « proches des thèses d’extrême droite ». « Ils affichent des symboles qui reflètent bien leurs opinions : drapeaux, dialectique, incidents racistes ou gestes comme le salut nazi. »
Un phénomène qui n’est pas propre à Kiev. Il a touché « tous les pays du pacte de Varsovie », qui composaient l’ancien bloc communiste, dans lesquels le mouvement hooligan était constitué de « groupes de skinhead ». « Ce sont désormais des incidents rares, mais qu’on retrouve en Russie » ou « de manière bien plus discrète » dans d’autres pays de l’Est. L’auteur du livre Ultras, les autres protagonistes du football, cite par exemple le cas de la Pologne et la Hongrie, où cette idéologie reste présente « sans s’afficher directement – mais plutôt par des symboles détournés – car elle est sujette à des sanctions ».
Sébastien Louis mentionne également le cas des stades italiens où des « saluts fascistes et des chansons qui se réfèrent à Mussolini » peuvent émailler les matchs de l’Hellas Verona et de la Lazio, avec une « dimension de provocation et d’adhésion ». Même en France, un groupe de hooligans de Reims avait déployé au printemps 2022 (nouvelle fenêtre)un drapeau affichant la croix celtique dans le stade. Une action d’un groupe « indépendant » qui servait de « coup de poing pour se faire remarquer et recruter des jeunes », analyse notre interlocuteur.
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La problématique de défense d’une idéologie néo-nazie dans ces groupuscules est donc loin d’être propre à l’Ukraine. Et ces questions sont régulièrement traitées dans la presse. Ce qui n’a pas empêché les relais privilégiés du narratif pro-Kremlin (nouvelle fenêtre)de s’emparer de cette séquence.
Avant qu’elle ne soit diffusée en France par l’intermédiaire du mouvement anti-fasciste, ce sont d’abord des comptes identifiés comme des relais de la propagande russe qui ont récupéré les images. Partagées dès le dimanche matin par plusieurs canaux en anglais, elles sont apparues ensuite sur les comptes de RT (nouvelle fenêtre), cet organe de propagande du Kremlin interdit dans l’Union européenne. La vidéo a été diffusée dans la matinée du 3 août avec cette légende : « Il n’y a rien à voir, juste des nazis ukrainiens de Rivne qui font le salut nazi ». Une phrase qu’on retrouve ensuite mot pour mot dans une série de publications sur X, en français (nouvelle fenêtre), en anglais et en allemand.
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Felicia SIDERIS