Par

Jean-Marc Aubert

Publié le

7 août 2025 à 16h32
; mis à jour le 7 août 2025 à 16h34

Près de trois ans après la spectaculaire sortie de piste du Boing 737-400 de la compagnie Swiftair en bout de piste de l’aéroport de Montpellier Méditerranée, sur le site de Fréjorgues, dans la commune de Mauguio, le Bureau Enquête Accident – BEA – vient de rendre public son rapport, ce jeudi 6 août 2025. Il relève des erreurs de pilotage en raison de mauvaises conditions climatiques : cisaillement de vent, atterrissage long, sortie longitudinale de piste à l’atterrissage.

Rappel des faits : dans la nuit du 23 au 24 septembre 2022, l’équipage du Boeing 737-400 immatriculé EC-NLS, exploité par Swiftair, effectuait un vol de transport de courrier entre Paris-Charles de Gaulle et Montpellier-Méditerranée. Le commandant de bord en place gauche était Pilot Monitoring -PM-, le copilote, en place droite, était Pilot Flying, PF. Un mécanicien était également à bord de ce vol, assis en zone cargo. Après avoir préparé et briefé l’approche avec l’instrument de bord -Ils- pour la piste numéro 30R, l’équipage a été informé du changement de piste en service. Il a alors préparé l’approche via le dispositif de mesure instantané pour la piste numéro 12L, mais la nouvelle approche n’a pas été briefée, est-il mentionné dans ce rapport de 70 pages.

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« Une cellule orageuse s’approchait de l’aéroport depuis le sud-ouest. Au moment de l’approche, l’équipage avait une faible conscience de la présence de cette menace météorologique, malgré les informations à leur disposition. En courte finale, le commandant de bord et le copilote ont échangé leur rôle d’un commun accord. Mais, le copilote, désormais PM, n’a pas assuré les tâches de surveillance. Lors du passage du seuil, l’avion a subi un cisaillement de vent, caractérisé par une brusque réduction du vent arrière. Ce phénomène n’a pas été détecté par l’équipage qui n’a pas perçu son impact sur les paramètres de vol. En particulier il n’a pas remarqué que l’avion dépassait la zone de toucher sans entrer en contact avec le sol », est-il écrit dans ce rapport.

Il est également indiqué que, « l’avion a touché la piste au-delà de la zone de toucher, à environ 1 500 m du seuil de piste 12L. Il est ensuite sorti longitudinalement de piste et a terminé sa course, le nez dans l’étang de l’Or. L’équipage à bord est, fort heureusement, sorti indemne.

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Le 24 septembre 2022 , vers 1 h, le BEA a été informé de l’accident par les services de permanence opérationnelle de la Direction Générale de l’Aviation Civile, la DGAC. Conformément à la Convention relative à l’Aviation Civile Internationale et au Règlement Européen sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une enquête de sécurité a été ouverte par le BEA. Les boîtes noires de l’appareil ont été saisies et analysées. Le rapport final a été rendu en mai dernier.

Enregistreurs de vol analysés et témoignages

L’équipage réalise le premier vol d’une rotation de trois étapes, au départ de Paris-Charles de Gaulle, à destination de Montpellier-Méditerranée. Le décollage a lieu à 23 h 33. À 23 h 50, en croisière, le copilote réalise le briefing pour une approche pour la piste 30R à Montpellier. L’atterrissage est prévu et le freinage automatique est sélectionné. Après avoir réalisé la checklist avant descente, l’équipage discute des réglages du radar en raison d’échos que le copilote attribue au mauvais temps, mais que le commandant de bord attribue au relief. Il explique au copilote les réglages pour distinguer les échos liés à la météorologie des échos liés au terrain.

À 0 h 02, le copilote contacte temporairement la tour de contrôle de Montpellier pour obtenir les informations météorologiques actualisées. Le contrôleur lui fournit les conditions, notamment une visibilité de 2 700 m, du vent, de la pluie et la présence de cumulonimbus. Il l’informe également qu’un orage vient de passer sur l’aéroport et que les conditions changent rapidement. L’équipage commence à préparer l’approche pour la piste 12L. En particulier, ils discutent du mode vertical pour la descente finale, sans prendre une décision claire.

Désaccord dans le cockpit

À 0 h 14, l’équipage commence la descente. Dans les minutes qui suivent, il continue à discuter de la trajectoire à suivre pour rejoindre l’approche finale, le copilote n’ayant jamais réalisé d’approche à Montpellier. À 0 h 20, l’équipage quitte la fréquence du contrôle en route et contacte le contrôle de Montpellier. Le contrôleur les informe que la visibilité s’améliore, mais qu’il pleut encore. « L’équipage s’est basé pour cela sur l’information de piste en service à Montpellier fournie par le contrôleur en route. La procédure qui devait être suivie n’a pas été appliquée. À 0 h 26, le contrôleur autorise l’équipage à l’approche pour la piste 12L. Le pilote automatique et l’automanette sont actifs. Une discussion s’engage sur le choix du mode vertical, mais les deux pilotes ne sont pas d’accord sur le choix », selon ce rapport.

À 0 h 30, la check-list qui approche est réalisée. À ce moment du vol, le briefing pour l’approche en piste 12L n’a pas été formellement réalisé. Deux minutes plus tard, alors que l’avion est sur le palier d’approche intermédiaire, l’équipage configure l’avion train sorti, une configuration retenue pour l’atterrissage. L’avion subit alors un vent du nord. Approchant du point de contrôle le copilote annonce que l’avion est au-dessus du plan de descente. L’avion passe le point de contrôle au-dessus de l’altitude publiée. « À trois reprises, le copilote suggère d’augmenter le taux de descente, puis semble hésiter.  À 0 h 34, l’équipage est autorisé à atterrir, l’équipage ne relèvant pas le changement d’information de vent au sol, par rapport à la valeur fournie précédemment par le contrôleur. L’avion subit à ce moment un vent du nord. 

À 0 h 35 min 35, le copilote annonce que la piste est en vue et dans le cockpit, une discussion s’engage entre le commandant de bord, le copilote et les agents de la tour de contrôle, sur la confirmation de l’identification de la piste. Après cet échange, l’équipage constate qu’ils sont « un peu haut ». Le copilote suggère de passer en pilotage manuel pour rejoindre l’axe de la piste. L’annonce de vérification de la stabilisation n’est pas réalisée.

À 0 h 35 min 53, l’équipage désengage le pilote automatique et l’automanette. Simultanément, il tire légèrement les manettes de poussée et l’équipage effectue une action à cabrer, la vitesse verticale diminue. À 0 h 36, les manettes de commande des inverseurs de poussée sont tirées, la pression sur les freins est augmentée, toujours de manière asymétrique. À 0 h 37,,  l’action de freinage devient symétrique sur chaque côté, cohérente avec une action de freinage manuel maximum. La sortie de piste est estimée à 0 h 37, le Boing finit sa course avec le nez dans l’étang de l’Or. Le commandant de bord demande l’application de la procédure d’évacuation d’urgence.

L’avion a subi des dommages importants au niveau de la zone du train avant et des groupes propulseurs. La partie avant inférieure de l’avion est restée immergée pendant plus de 24 heures. Au vu de ces dommages, les propriétaires de l’avion ont décidé qu’il n’était pas économiquement justifié de le réparer. Celui-ci a été démantelé dans les mois qui ont suivi l’accident. Par ailleurs, trois balises du seuil de la piste 30R, ainsi qu’une balise de la rampe d’approche, ont été cassées par le passage des roues de l’avion. En raison de la présence de l’avion dans les servitudes et dans l’axe de la piste, l’aéroport a été fermé pendant près de 60 heures.

Selon le rapport du BEA, le commandant de bord âgé de 48 ans, était titulaire d’une licence délivrée en juin 2007. Son expérience totale était de 14 390 heures de vol, dont 12 173 sur Boeing 737 et 7 890 en qualité de commandant de bord.

Les missions du BEA

Le Bureau Enquête Accident est l’autorité française d’enquêtes de sécurité de l’aviation civile. Ses enquêtes ont pour unique objectif l’amélioration de la sécurité aérienne et ne visent nullement la détermination des fautes ou responsabilités. Les enquêtes du BEA sont indépendantes, distinctes et sans préjudice de toute action judiciaire ou administrative visant à déterminer des fautes ou des responsabilités. Lors de cet accident spectaculaire, les premiers enquêteurs arrivés sur zone avec les sapeurs-pompiers de l’aéroport étaient les gendarmes de la brigade des transports aériens de Montpellier, qui avaient notamment installé un vaste périmètre de sécurité autour du Boeing 737 pour permettre le déroulement des investigations. 

> À LIRE : le rapport intégral du BEA  https://bea.aero/fileadmin/user_upload/EC-NLS.pdf

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