Par

Emma Derome

Publié le

7 août 2025 à 17h23

Il ne s’agissait pas, finalement, d’un simple « voyage touristique » en Croatie. Trois hommes âgés de 31 à 38 ans, de nationalité française et/ou tunisienne, ont été condamnés dans le cadre d’une affaire de trafic de migrants, ce mercredi 6 août, par le tribunal judiciaire de Nantes.

Il leur était reproché d’avoir, à deux reprises, en juin et août 2024, pris part à un trafic de migrants entre la Bosnie (territoire de Bosnie-Herzégovine) et la Croatie, qui fait partie de l’espace Schengen.

Simple mécano ou cerveau ?

L’énoncé des faits a notamment dépeint l’un d’entre eux, Hamdi B. S., domicilié à Châteaubriant, comme ayant un statut d’organisateur du trafic. Il s’agissait de trouver des véhicules, d’en trafiquer les papiers, de recruter des chauffeurs dans la région avant de les envoyer en Bosnie pour faire passer la frontière à des migrants, entre une dizaine et une vingtaine par trajet, selon les véhicules.

« Sans mentir madame la juge, moi je suis seulement chargé des voitures », a expliqué le mécano, polo Lacoste et cheveux gominés, devant le tribunal, niant toute implication dans le suivi et le recrutement des chauffeurs envoyés là-bas, malgré certains témoignages et des captures d’écran retrouvées dans son téléphone.

« Rien n’était organisé, j’ai dû payer l’hôtel de ma poche »

Déjà incarcéré en Allemagne il y a quelques années pour participation à un trafic de migrants en tant que chauffeur, le prévenu, qui cette fois est resté en France, a juré qu’il ne mesurait pas les conséquences de ses actes.

« C’est pas parce que je l’ai fait avant que cette fois je suis vraiment coupable. Oui, j’ai été faible. Mais vous pensez que si j’étais le chef, ce que vous dites, je laisserais ma femme faire des ménages ? », en désignant sa compagne, auxiliaire de vie, présente à l’audience.

« Les chefs, ils sont pas là, ils ont la belle vie, ils sont même pas en France », assure-t-il, sans désigner personne. Les deux autres prévenus, Mehdy J. et Amir K., se sont tout de même bien rendus en Croatie avec un véhicule issu des « magouilles » d’Hamdi B. S.. Eux assurent pourtant qu’ils ont voulu faire demi-tour une fois arrivés là-bas… au bout de quatre jours.

« Rien n’était organisé, j’ai dû payer l’hôtel de ma poche », déplore Mehdy J., visiblement peu sujet à regret sur le fond. « Au début, je voulais me faire un peu d’argent rapidement et aider les gens, ils fuient des pays en guerre », ajoute-t-il, avant que la juge ne le coupe, « mais dans des conditions tout à fait détestables ».

Il lui était promis 2 000 euros. Amir K., malgré un interprète, s’est contenté laconiquement de nier. Deux autres de leurs connaissances ont, elles, bel et bien été arrêtées à la frontière avec des migrants à bord d’un véhicule.

Un trafic raté révélé par un chauffeur poids lourd

Ce trafic n’aurait peut-être jamais été découvert sans un témoignage crucial, apparu au commissariat de Nantes, il y a un an, le 8 août 2024. Un certain Khalid Z., chauffeur poids lourd, débarque ce jour-là devant les policiers en expliquant avoir été menacé, frappé, et séquestré par quatre hommes, dont les trois prévenus, qui auraient voulu l’embarquer dans leur trafic.

« Si tu ne travailles pas pour nous, t’es mort », auraient-ils dit. La victime évoquera un couteau, un pistolet, ou encore un fusil. Malgré les 14 jours d’ITT constatés sur ce monsieur, des armes factices retrouvées et une vidéosurveillance récupérée au café La Beaujoire à Nantes, les montrant tous les trois ensemble, tous nient les violences et les menaces.

« Vous croyez vraiment que si je veux tabasser un mec je l’emmène au café ? », a justifié Mehdy J., qui assure qu’ils ont « juste parlé » d’une dette d’argent de « 700 ou 800 euros ». Pour autant, la victime a dévoilé des informations précises sur les opérations menées en Croatie, permettant à la police d’arrêter les trois complices, entre août et octobre 2024.

Hamdi B. S. a été condamné à 3 ans de prison avec un an de sursis probatoire, alors que le procureur avait requis 4 ans. Sous toute réserve, il n’y aura pas d’appel, selon son avocat, Maître Toussaint. « Pour nous, le tribunal a rendu une décision juste, mesurée au regard des réquisitions. On est sur le bas de l’échelon de ce genre d’affaire, et non pas sur des leaders », indique-t-il.

Mehdy J. a été condamné à deux ans dont un an de sursis et Amir K. à 18 mois, dont la moitié avec sursis. Ils sont donc tout deux sortis de prison, ayant passé déjà un an en détention.

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