Prévention et dépistage –

«Plus de la moitié des cancers du foie sont évitables»

Publié aujourd’hui à 08h33Patient en surpoids portant une blouse d’hôpital, assis dans une salle d’examen médical, tenant sa tête avec une expression de douleur et d’anxiété.

Illustration prétexte. Le surpoids, l’obésité et le diabète de type 2 font partie des facteurs à risque pour développer un cancer du foie.

IMAGO/HalfPoint Images

Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio.BotTalkEn bref:

  • Les experts prévoient un doublement des cancers du foie d’ici à 2050.
  • L’obésité et le diabète augmentent considérablement les risques de cancer hépatique.
  • Les hommes sont plus touchés car ils négligent davantage leur santé.
  • La vaccination contre l’hépatite B fait partie des mesures de prévention contre cette maladie.

Dans une étude publiée fin juillet, les experts de la commission de «The Lancet», revue scientifique britannique de référence, lancent l’alerte: le nombre de cancers du foie explose. Selon leurs projections, les carcinomes hépatocellulaires pourraient quasiment doubler d’ici à 2050, passant de 870’000 en 2022 à 1,5 million.

Au niveau mondial, ce type de cancers est le sixième le plus fréquent, et le troisième qui tue le plus. Alors que dans 60% des cas il est évitable, rappelle l’étude. Le développement du cancer du foie se caractérisant par une progression allant d’une maladie hépatique chronique à la cirrhose puis au cancer, cette période étendue offre une opportunité d’intervention pour empêcher que la maladie ne se manifeste.

Pour freiner la progression du crabe, un effort particulier doit être mis sur la prévention. Les experts de la commission de «The Lancet» proposent un certain nombre de recommandations. Comme renforcer le dépistage et la vaccination contre l’hépatite B (qui peut précéder un cancer du foie), sensibiliser aux dangers de l’alcool ou encore promouvoir une activité régulière et une alimentation saine.

La doctoresse Antonia Digklia est médecin associée au Service d’oncologie médicale du CHUV. Elle revient sur les points clés de l’étude.

Une femme aux cheveux bruns et raides portant une chemise rayée rouge et bleue, souriant légèrement.

La doctoresse Antonia Digklia est médecin associée au Service d’oncologie médicale du CHUV.

DR

Qu’avez-vous pensé de l’étude publiée dans «The Lancet»?

Elle confirme ce que nous constatons ces dernières années dans notre pratique clinique: le nombre de cancers du foie augmente. Alors que, comme le rappelle aussi l’étude, un certain nombre de facteurs de risque sont bien connus et évitables. Mais que pas grand-chose n’est mis en place en Suisse, notamment en matière de politique de santé publique, pour cibler ce problème.

Au CHUV, quels sont les chiffres qui témoignent de cette hausse?

Nous ne tenons pas de statistiques spécifiques, mais ce que nous voyons au niveau clinique c’est une augmentation des patients cirrhotiques dont le cancer du foie n’est pas lié à une consommation d’alcool mais se caractérise par une accumulation de graisses dans le foie, associée à des troubles métaboliques comme l’obésité (soit un indice de masse corporel de plus de 30), le diabète ou une dyslipidémie (une anomalie du bilan lipidique).

De quelle manière ces cancers peuvent-ils être évités? Par une politique de santé publique ciblée, comme vous l’évoquez?

Une politique de santé publique efficace devrait, à mon sens, se concentrer sur une meilleure sensibilisation de la population à cette problématique. Les hommes, en particulier, sont plus touchés que les femmes et devraient par conséquent être ciblés en priorité. Ils ne se rendent pas compte des effets de leur consommation d’alcool sur leur santé. Ils imaginent que seuls les alcooliques profonds sont touchés. Alors qu’une consommation régulière, quotidienne, est un important facteur de risque. Les personnes en surpoids semblent aussi ignorer que l’obésité et le diabète de type 2 font partie des facteurs de risque pour développer un cancer du foie. On devrait, là encore, mieux sensibiliser ces personnes.

Pourquoi les hommes sont plus touchés que les femmes?

Les hommes ont tendance à banaliser leur consommation d’alcool, ils font moins attention à leur image, et la société stigmatise moins leur embonpoint. Alors que les femmes sont en général beaucoup plus soucieuses de leur apparence, de ne pas prendre du poids. De manière générale, les hommes prennent moins soin d’eux et vont moins souvent chez le médecin.

Le foie a une particularité: il ne fait pas de bruit. Qu’est-ce que ça veut dire?

Je dis souvent que c’est un organe «féminin» parce qu’il souffre en silence. Si vous avez un problème de cœur, ou un problème aux poumons, vous allez rapidement voir des signes. Vous allez tousser, par exemple. Mais pour le foie, lorsque les symptômes apparaissent, c’est souvent déjà trop tard. Même une prise de sang ne permet pas toujours d’identifier les problèmes. Des patients nous le disent d’ailleurs souvent: ils ne comprennent pas, ils ont fait régulièrement des contrôles sanguins qui ne montraient rien de spécial. D’où l’importance de la prévention.

Et du dépistage. Quels sont les freins qui empêchent les patients de se faire dépister?

Ce qu’on voit, de manière générale, c’est que les adultes qui sont en bonne santé vont rarement voir leur médecin. Ils commencent à consulter à la cinquantaine, lorsque des symptômes apparaissent. Or pour une bonne partie de ces patients, si on avait pu les voir avant que la maladie ne se déclare, on aurait eu du temps d’agir en amont et d’éviter le développement de la pathologie. On aurait par exemple pu les vacciner contre l’hépatite B (ce qui réduit les risques de développer un cancer du foie), s’ils ne l’étaient pas déjà. Ou leur rappeler l’importance d’un mode de vie sain pour lutter contre ce type de cancers. C’est à ça que doit servir le dépistage. Mais pour cela il faut encore une fois sensibiliser la population. C’est du reste ce qu’on est parvenu à faire pour les femmes et le cancer du sein. C’est parce qu’on a martelé l’importance de le détecter au plus tôt qu’elles ont pris l’habitude de régulièrement se faire examiner.

Quels sont les conseils en matière de prévention à suivre?

La prévention du cancer du foie repose principalement sur la vaccination contre l’hépatite B et la réduction des facteurs de risque liés à l’hépatite C et à la consommation d’alcool. Le surpoids et le diabète peuvent augmenter le risque de stéatose hépatique non alcoolique (ndlr: MASLD, connue autrefois sous le nom de «foie gras»), qui est un facteur de risque de cancer du foie. Une hygiène de vie saine, comprenant une alimentation équilibrée et une activité physique régulière, peut également contribuer à diminuer les risques. De plus, un dépistage régulier – par prise de sang et échographie afin de surveiller l’état du foie – est recommandé pour les personnes à risque, comme les porteurs chroniques de l’hépatite B ou C.

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Autoriser les cookiesPlus d’infosCatherine Cochard est journaliste à la rubrique vaudoise et s’intéresse aux sujets de société. Elle produit également des podcasts. Auparavant, elle a notamment travaillé pour Le Temps ainsi qu’en tant que réalisatrice indépendante pour l’Université de Zurich.@catherincochard

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