C’est avec Emma, 12 ans, que cet homme a d’abord pris contact. Lui en a 58. Il vit dans une commune d’Ille-et-Vilaine, est sans emploi, et caché derrière son profil Facebook, il lui écrit un premier message : « Coucou ma belle ».

Face à l’absence de réponse de l’enfant, il lui envoie une photo de son pénis. La jeune fille rétorque que « c’est dégoûtant », qu’elle n’a « pas l’âge de voir ça ». Mais l’homme insiste, alterne entre des déclarations ambiguës – « je veux que ton bonheur ma puce », « je t’aime fort mon cœur » – et des menaces à caractère sexuel.

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Sauf qu’Emma n’est pas une vraie jeune fille. C’est l’un des profils virtuels créés par Les Enfants d’Argus, une association de lutte contre la pédocriminalité. Des profils factices dont le seul objectif est d’appâter et de démasquer les pédocriminels. C’est ainsi qu’un signalement remonte au parquet de Rennes, qui saisit la gendarmerie en décembre 2023.

« Rejeté par les adultes »

Les gendarmes mènent une enquête sous pseudonyme, en se cachant à leur tour derrière le profil virtuel d’une enfant de 12 ans. L’homme tombe à nouveau dans le piège, demande à voir « le minou » de la jeune fille, puis envoie des photos de son pénis. Il lui demande de « ne rien dire aux parents ».

Ce dernier message fait tiquer le tribunal judiciaire de Rennes, devant lequel le quinquagénaire a comparu mercredi 16 avril 2025. « Si vous demandez à cette enfant de ne rien dire, c’est que vous êtes conscient que ce que vous faites est illégal, n’est-ce pas ? », interroge la présidente.

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Le prévenu ne nie pas les faits. « J’ai fait des conneries, je sais. Je regrette maintenant. » Le teint buriné, les deux mains plongées dans les poches de sa veste marine, il dit se sentir « rejeté par les adultes » et n’avoir « jamais eu de rapport avec une femme ». Son avocate, Me Alyssa Duranteau, évoque cette « absence totale de connaissance de la sexualité » pour défendre son client. Celui-ci a un déficit de capacités intellectuelles qui lui vaut de vivre sous curatelle. La défense ajoute qu’aucune conversation avec une « vraie victime » n’a été retrouvée dans l’ordinateur du prévenu.

Quatre ans de suivi socio-judiciaire

Le parquet pointe tout de même les propos explicites tenus par cet homme, qui « cherche à pervertir la sexualité des enfants ». La substitut du procureur ajoute qu’il a déjà été condamné pour des faits d’agression sexuelle sur mineur en 2009, et corruption de mineur en 2011. Et s’inquiète qu’il ait, encore récemment, travaillé bénévolement pour aider les écoliers à traverser la route devant une école. Elle requiert un an de prison ferme assorti d’un suivi socio judiciaire pendant sept ans.

Le tribunal a finalement condamné cet homme à quatre ans de suivi socio-judiciaire. Il devra répondre à des injonctions de soins, sous peine d’être incarcéré pendant deux ans. Cette peine est assortie d’une interdiction à titre définitif de toute activité nécessitant un contact avec des mineurs, et l’inscription au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).