Les sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot avaient trouvé la formule en intitulant l’une de leurs études sur la concentration de la grande bourgeoisie les Ghettos du gotha. Moins subtil, Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble, s’est lui fendu d’une expression encore plus directe pour justifier sa volonté de développer la construction de logements sociaux dans sa ville. L’élu veut «casser les ghettos de riches», comme il l’a rappelé ce mercredi 6 août : «Nous allons fixer un taux de logements sociaux qui dépend du nombre de logements sociaux déjà présents dans le quartier», a-t-il assuré au micro de RTL.
Si la mesure est défendue par l’édile élu en 2014 comme un moyen d’encourager la mixité sociale notamment à l’école, cette bonne intention a été quelque peu effacée par une phrase prononcée dans le Dauphiné Libéré, le 31 juillet. Au cours d’un entretien portant sur les quartiers populaires de la capitale des Alpes, le maire avait affirmé que «ce que nous, nous cherchons à faire c’est casser les ghettos mais les ghettos il faut se rappeler que c’est surtout des ghettos de riches». La phrase avait suscité une polémique, et l’écologiste avait notamment été taclé par l’ancien maire de droite de Grenoble (de 1983 à 1995) Alain Carignon, qui avait dénoncé une communication «indécente».
Pourtant, l’ambition de celui qui est aussi porte-parole des Ecologistes n’est pas une découverte. La ville d’environ 155 000 habitants a en effet franchi, en 2024, le seuil de 25 % de logements sociaux qu’impose la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain), contre 21,7% à son arrivée, en 2014. Et Eric Piolle ne veut pas s’arrêter là. «Après avoir atteint les 25 % de logements sociaux en 2025, nous visons les 30 %», avait-il affirmé sur X en réponse au débat suscité par ses propos dans le quotidien régional.
Pour ce faire, l’édile compte donc s’attaquer aux quartiers où les logements sociaux sont les plus rares, les fameux «ghettos de riches», dont l’élu a évité de préciser la localisation au micro de RTL. «Il y a quelques poches dans l’hypercentre, il y a quelques poches à l’échelle grenobloise dans certains quartiers, mais il y en assez peu», s’est contenté de répondre Eric Piolle. Ce dernier préférant détailler son plan censé stimuler la mixité sociale : «Nous allons fixer un taux de logements sociaux qui dépend du nombre de logements sociaux déjà présents dans le quartier. S’il y a moins de 5 % de logements, effectivement il faut faire 45 % de logements sociaux dans les nouvelles opérations. S’il y a déjà 25 % de logements sociaux, il faut en faire 30 %. Et là où il y en a déjà beaucoup nous n’en faisons plus».
Si le maire assure être en capacité d’imposer la mesure aux promoteurs en s’appuyant sur le plan local d’urbanisme (PLU), le plus difficile pourrait être de faire accepter la mesure aux Grenoblois. Dans un reportage diffusé par la RTL quelques minutes avant son interview, l’annonce semblait diviser les habitants. «C’est une belle opportunité de mélanger les populations», se félicitait un interrogé tandis qu’un autre y voyait de «l’affichage» et considérait qu’on «est trop dans l’idéologie». Un troisième administré s’interrogeait, lui, sur la faisabilité de la mesure : «Il n’y a pas de foncier à Grenoble, comment voulez-vous construire des immeubles ? C’est illusoire». Aucun n’y voyait, en tout cas, une mesure électoraliste, Eric Piolle ayant annoncé qu’il ne serait pas candidat à un troisième mandat.