La plus grande Nana de Niki de Saint Phalle
Vingt-trois mètres de longueur, 6 mètres de hauteur, 6 tonnes, 100 000 visiteurs en trois mois : Hon est la statue de tous les records. Signifiant « Elle » en suédois, cette œuvre est commandée par Ponthus Hulten, directeur du Moderna Museet de Stockholm en 1966, qui nourrit le désir d’une statue monumentale éphémère pour l’été. Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely (son mari) et l’artiste finlandais Olof Ultvedt veulent concevoir une grande pièce de pop art européenne, en rupture avec celles observées aux États-Unis. Après maintes réflexions et une première proposition de théâtre mécanique par Jean Tinguely, les quatre esthètes misent sur une pièce pensée comme une cathédrale. Finalement, c’est le modèle des Nanas de Niki de Saint Phalle qui est retenu. En version allongée, enceinte et les jambes écartées, cette immense femme enceinte est pensée pour s’offrir aux visiteurs via son sexe.
La statue Hon, exposée au Moderna Museet de Stockholm entre juin et août 1966.
Gai Terrell/Getty Images
Le concept est osé, mais le groupe d’artistes se lance dans la fabrication de Hon dans le plus grand secret. « Il n’y avait rien de pornographique dans la Hon même si l’on y entrait par son sexe, explique Niki de Saint Phalle à l’époque. Pontus savait qu’avec cette vaste dame il s’embarquait pour une aventure périlleuse. Aussi décida-t-il de garder secret tout le projet. Autrement les autorités auraient pu mal interpréter les rumeurs et interdire l’exposition avant son ouverture. Nous dûmes construire un écran géant derrière lequel nous travaillions. Personne n’était autorisé à voir ce que nous faisions ».
Niki de Saint Phalle devant la version réduite de son œuvre.
Keystone/Getty ImagesLa folle série des Nanas
Hon n’est pas la première Nana de Niki de Saint Phalle. La première, Gwendoline, voit le jour au début des années 1960, avant de laisser place à une longue lignée de sculptures féminines qui jalonneront la carrière de l’artiste franco-américaine, née en 1930 à Paris. Ces statues plantureuses, comme des poupées aux grosses poitrines et grosses fesses, sont, chacune, nommées d’après les proches de la créatrice : Elizabeth, sa sœur, Clarisse, son amie… Elles représentent à la fois l’univers de la sculptrice, dont la nourrice s’appelait Nana, et se teintent de revendications politiques. Imaginées dans le contexte féministe des années 1960, ces silhouettes incarnent une féminité différente, en opposition avec les diktats corporels en vigueur ; le terme ancien « nana » désignant, aussi, les prostituées. On les retrouve, aujourd’hui, aux quatre coins du monde, de Nice à Hanovre, de Stockholm à New York.