Par un jeudi synonyme de retour de canicule, parler pluie semble anachronique. C’est pourtant pour faire face à l’accélération du réchauffement climatique et ses conséquences dans une capitale encore très minérale, où les températures dépassent de plus en plus souvent les normales, que la Ville a présenté ce jeudi le nouveau plan ParisPluie. Comprendre : une version améliorée du plan du même nom lancé en 2018, adapté désormais au nouveau plan climat et au PLU bioclimatique, pour recourir davantage à l’eau de pluie, anticiper sa rareté et parfois son trop-plein.

Pour cela, la municipalité propose de transformer Paris en « ville éponge » en désimperméabilisant au moins à 55 % de ses sols d’ici à 2050. Elle entend aussi améliorer la collecte des eaux pluviales grâce à des installations comme le bassin d’Austerlitz (XIIe). Car l’eau de pluie, qu’elle soit trop abondante ou trop rare comme actuellement — un arrêté de vigilance sécheresse court depuis le 11 juillet à Paris — est encore trop peu utilisée. Aujourd’hui, elle est en grande partie rejetée dans le réseau d’assainissement où elle est mélangée aux eaux usées, lesquelles sont traitées dans des stations d’épuration.

Antoine Guillou, adjoint à la maire de Paris en charge notamment de la propreté de l’espace public et de l’assainissement, tire un bilan « encourageant » du premier ParisPluie « 150 ha végétalisés et 950 000 m3 d’eaux de pluie en moyenne qui ont évité les égouts chaque année depuis sa mise en application, notamment grâce à la désimperméabilisation. » Mais la majorité estime aujourd’hui qu’il faut aller plus loin. « La Ville de Paris est une ville radiateur. La Ville fait énormément mais il faut accélérer et repenser l’urbanisme totalement différemment, comme une ville éponge », plaide Chloé Sagaspe, élue écologiste et vice-présidente de la 8e commission (environnement – climat et biodiversité, et propreté) au Conseil de Paris.

Plus de bouches de récupération

Pour mieux la récupérer, la Ville mise sur l’installation de bouches de récupération d’eau en bord de chaussée. Le XIIIe arrondissement en fait l’expérimentation avec la récente installation, rue Brillat-Savarin, de ces ouvertures au pied des jardinières. Elles permettent à l’eau de pluie de venir s’écouler directement dans les plantations, moyennant un filtre pour certaines « afin de retenir les polluants, métaux lourds et hydrocarbures issus de la route », explique Marie Gantois, cheffe de la division expertises sol et végétal de la Ville de Paris.

Ces aménagements permettront d'éviter à 430m3 d'eau de se retrouver dans les égoûts. LP/Sarah KrakovitchCes aménagements permettront d’éviter à 430m3 d’eau de se retrouver dans les égoûts. LP/Sarah Krakovitch

Déjà utilisée dans certaines villes de Seine-Saint-Denis, la bouche de récupération d’eau pourrait permettre non seulement de faire des économies, cette eau ne passant plus par les stations d’épuration, mais aussi de transformer davantage de lieux en îlots de fraîcheur, dans une ville où le ratio d’espaces verts par habitant est très faible.

Les chantiers de désimperméabilisation des sols, eux, s’annoncent complexes en certains points de la capitale, où la densité de construction et les réseaux souterrains compliquent ce type d’aménagements. « La plupart du territoire parisien est imperméabilisé. Il faut faire une révolution haussmannienne à l’envers, préconise Chloé Sagaspe. Il faut plus de plantations en pleine terre, notamment dans les quartiers populaires. Viser les arrondissements qui sont déficitaires. Mais il y a la difficulté des réseaux en sous-sol », admet-elle, encourageant « une politique au cas par cas ».

Un profit pour les îlots de fraîcheur

« Déconnecter cette eau des réseaux d’égouts permettrait de limiter les aléas et de faire « réintégrer le cycle de l’eau » à l’eau pluviale, ajoute Cyril Doizelet, ingénieur au sein du Service technique de l’eau et de l’assainissement de la Ville. Pour lui, environ 430 m3 d’eau de pluie pourraient ainsi échapper aux égouts parisiens chaque année. De quoi profiter aux végétaux « absorbent l’eau et servent, notamment lors de fortes chaleurs, d’îlots de fraîcheurs » comme sur la place de Catalogne (XIVe), fait valoir Antoine Guillou. Pas de quoi convaincre Chloé Sagaspe, pour qui « les forêts urbaines sont des gadgets environnementaux qui coûtent très chers ».

Ce PlanPluie doit enfin prendre en compte le parc privé, où le dispositif CoprOasis créé en 2023 permet aux copropriétaires de bénéficier d’aides financières et techniques pour récupérer les eaux de pluie afin d’arroser les plantes et de nettoyer les espaces communs. Une eau de pluie mieux collectée doit enfin permettre de préserver une bonne qualité d’eau dans la Seine, alors que trois sites de baignade pérennes ont ouvert pour l’été.