DÉCRYPTAGE – Le traitement des anomalies sanguines dues à la maladie de Fanconi a fait d’énormes progrès. Mais il reste à traiter les cancers précoces auxquels sont exposés les malades.

La maladie de Fanconi est une maladie génétique rare (300 à 400 cas en France) très hétérogène, associant une insuffisance de la production des cellules sanguines par la moelle osseuse (aplasie médullaire) à des malformations congénitales et à une forte prédisposition aux cancers du sang et aux tumeurs solides. Jusque dans les années 1990, beaucoup de malades n’atteignaient pas l’âge adulte, mais grâce aux avancées de la recherche, l’espérance de vie ne cesse de progresser.

Les anomalies hématologiques apparaissent souvent dans l’enfance : l’appauvrissement progressif de la moelle osseuse entraîne un déficit en globules rouges (anémie), en globules blancs (risques d’infection) et en plaquettes (troubles de la coagulation). « À l’âge de 20 ans, quasiment tous les enfants ont besoin de transfusions », souligne le Pr Régis Peffault de Latour, hématologue à l’hôpital Saint-Louis (Paris) et coordonnateur du centre de référence des aplasies médullaires.


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« Cette maladie est liée à une anomalie de réparation de l’ADN qui peut affecter tous les organes », poursuit-il. Depuis les années 1990, 23 gènes impliqués dans la maladie de Fanconi ont été identifiés. Nécessaires au bon fonctionnement des cellules, ils jouent un rôle dans le maintien de l’intégrité du patrimoine génétique. En général, la maladie est récessive : pour être atteint, il faut avoir hérité d’un variant muté d’un gène Fanconi de chacun de ses parents, ceux-ci étant des porteurs sains.

« La greffe a fait de grands progrès »

« Les patients sont exposés à un risque élevé de cancers de la tête et du cou localisés au niveau de la bouche et de la sphère ORL (cancers épidermoïdes), mais aussi de cancers gynécologiques, du foie, digestifs, etc. » Ils présentent aussi fréquemment des retards de croissance, notamment intra-utérins. « Certains enfants naissent avec un seul rein, avec des malformations cardiaques, ou avec des anomalies des mains. Les taches café au lait sur la peau sont aussi très classiques », précise le Pr Peffault de Latour. De plus, l’anomalie de réparation de l’ADN se traduit par une très mauvaise tolérance aux chimiothérapies et aux radiations.

Dans les années 1980, la mise au point de chimiothérapies à très faible dose a ouvert la voie aux greffes de moelle osseuse. Elle est due au Pr Éliane Gluckman, qui, en décembre 2024, a été la deuxième femme au monde et la première Française à voir sa carrière récompensée par un prix prestigieux décerné par la Société américaine d’hématologie. « La greffe a fait de grands progrès, et les patients peuvent retrouver une vie sans transfusion », se félicite le Pr Régis Peffault de Latour.

L’espoir de la thérapie génique

Mais ils sont exposés à un risque de cancer élevé. « La chimiothérapie ou la radiothérapie sont très toxiques. L’enjeu majeur est donc de parvenir à détecter précocement les tumeurs pour les retirer par chirurgie le plus tôt possible. » Le suivi, qui fait intervenir une dizaine de spécialistes, est très lourd. Il s’organise au sein d’un réseau national animé par le centre coordonnateur de Saint-Louis et le centre constitutif pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré (Paris).

Fruit de vingt ans de recherche, la thérapie génique suscite de nouveaux espoirs pour stabiliser la perte des cellules souches sanguines. Publiés en décembre dernier, les résultats d’un essai clinique international piloté par une équipe espagnole, auquel participe l’équipe de Saint-Louis, ont montré son efficacité et sa sécurité chez des patients Fanconi. De nouvelles thérapies ciblées telles que l’immunothérapie sont, par ailleurs, en cours d’évaluation dans le traitement des cancers.