Leur multitude de badges annonce la couleur : « Strasbourg j’arrive ! » « Tura do Strazbura, pedalom za pravdu » (En route pour Strasbourg, pédaler pour la justice), et « Pumpaj » (« Pomper ! »), référence à la pompe à vélo et au refus de laisser la pression retomber.

Leur mouvement dure depuis novembre, commencé après l’effondrement meurtrier d’un auvent de la gare de Novi Sad (16 morts) , qui venait pourtant d’être refait. Symptomatique selon eux de la corruption qui ronge le pays. Le mouvement a essaimé et fait défiler régulièrement des centaines de milliers de gens. Les universités sont à l’arrêt, les étudiants multiplient les modes d’action, et c’est ainsi que 80 d’entre eux, à Novi Sad, ont pris leur vélo pour aller porter leur message à Strasbourg « ville-symbole des droits de l’homme et des institutions européennes ».

1 400 km de bitume et de sueur plus tard, les voici devant le Conseil de l’Europe (46 États membres, dont la Serbie). « Certains ne sont pas cyclistes du tout et leur vélo est en mauvais état. J’en ai vu un freiner avec les pieds ! », nous raconte Slobodan, installé à Munich depuis 20 ans, qui s’est joint aux étudiants pour rouler les dernières centaines de bornes. « C’est une évidence de les soutenir, il se passe quelque chose de très fort », ajoute le quinquagénaire.

« 600 000 personnes ont quitté la Serbie ces dix dernières années. Ces jeunes manifestent pour ne pas devoir faire pareil »

« On veut sauver notre pays de la corruption et de l’injustice, on veut un pays qui fonctionne », résume Tara, étudiante en biologie moléculaire de 21 ans, qui a fait la route à vélo et se retrouve « très émue d’être arrivée à Strasbourg ».

« 600 000 personnes ont quitté la Serbie ces dix dernières années. Ces jeunes manifestent pour ne pas devoir faire pareil. Ils aiment leur pays, ils n’ont pas envie de le quitter, alors ils essaient de le sauver », explique Patrick Strajnic, artiste franco-serbe installé à Strasbourg depuis 40 ans, venu soutenir la troupe comme les centaines d’autres personnes de tous âges qui agitent le drapeau serbe.

« Je vais en Serbie tous les ans pour voir mes parents, poursuit le Serbo-Strasbourgeois. C’est la première fois qu’un mouvement politique me donne les larmes aux yeux. Tous ces rêves que les Serbes avaient froissés au fond de leur poche, le mouvement des étudiants les a réveillés. »

« Nous ne voulons pas libérer la Serbie, nous voulons la ranimer ! », s’exclame l’un des jeunes cyclistes dans un mégaphone, dans un message pour le président français (jugé trop complaisant avec le président serbe) et les institutions européennes.

Au Parlement, trois députés européens accueillent les 80 cyclistes. La centriste alsacienne Fabienne Keller, sa collègue slovène Irena Joveva, et l’écologiste croate Gordan Bosanac écoutent leurs doléances. « Vous défendez les principes que l’Europe doit incarner, leur dit l’élue slovène. Je vous promets que nous ferons tout ce que nous pourrons pour vous aider. »