« Nous sommes trois pompiers de profession, spécialisés dans les feux de forêts. » Julien Lafitte officie à Vence, tandis que son collègue, Pierre, est à Nice. Leur troisième comparse, Raphaël, vit, lui, en Auvergne-Rhône-Alpes. « Quand vous intervenez sur un feu de forêt, quand vous luttez contre les flammes et voyez le désastre après, ça serre le cœur », explique Julien Lafitte. Habitations dévastées, nature carbonisée, vies brisées, les conséquences sont nombreuses.

Réchauffement et crise de la profession

Peu avant de lancer Firebreak, deux éléments interpellent les soldats du feu, le réchauffement climatique, d’abord,  et les hausses de température, toujours plus importantes, et la baisse du nombre d’effectifs chez les pompiers.

« Avant, on avait des feux entre juin et septembre maximum… constate Julien Lafitte. Aujourd’hui, ça brûle tout le temps. » A cela s’ajoute une chute du nombre de pompiers professionnels : « 30 000 pros pour 200 000 pompiers volontaires », poursuit Julien Lafitte. 

« Comment soutenir les collègues? », s’interrogent les trois pompiers. « Avec des capteurs, on s’est dit qu’on pouvait intervenir sur la partie détection des incendies et soulager les équipes. »

Analyse fine 24/24

Le principe est simple : une caméra capable de balayer une zone à 120 degrés et jusqu’à 15 km en ligne droite, un cliché toutes les dix à quinze secondes et une mise au point constante de l’appareil à la reconnaissance des incendies.

« Est-ce que c’est un véritable départ de feu ou une simple fumée de barbecue ? « , commente Julien Lafitte. L’appareil partage immédiatement distance et coordonnées GPS. En plus de fonctionner 24 heures sur 24, 365 jours sur 365. Là où auparavant, les signalements humains manquaient d’exactitude et arrivaient très tard, le détecteur permet d’agir plus vite.

Collaborations

Des technologies qui peuvent coûter cher. « Nous essayons de contenir nos prix », explique Julien Lafitte qui affirme être sollicité par de nombreuses communes… dont les moyens sont réduits.

Firebreak a ainsi installé 5 capteurs à Tourrettes-sur-Loup. L’entreprise collabore également avec le SDIS 06 et a équipé une entreprise de production de panneaux solaires, plus accidentogènes. 

Régulations

C’est une entreprise polonaise qui a conceptualisé ces détecteurs. « Pour protéger les entreprises situées dans des grandes forêts de mélèzes », explique Julien Lafitte. C’est un tout autre paysage que les détecteurs ont dû surveiller sur la côte d’azur. Et il a fallu les calibrer pour.

« Au départ, l’IA confondait le ciel et la mer. Il a fallu lui apprendre à distinguer les deux », explique Julien Lafitte. 

Multiplications des dispositifs

Aujourd’hui, des détecteurs ont été placés à la montagne du Cheiron, aux Courmettes, à Valbonne et jusqu’à Vigo en Espagne. « On était à deux doigts de signer avec la Nouvelle-Calédonie », assure encore Julien Lafitte. En un an dans les Alpes-Maritimes, 800 alertes ont été données. 785 étaient positives.

Un marché en plein essor

Plusieurs autres entreprises développent ces technologies. Des capteurs ont ainsi été installés sur le Mont Chauve à Nice. En Ardèche, encore, l’association Pyronear propose depuis 2023 un système expérimental associant des caméras de vidéosurveillance à un micro-ordinateur équipé d’un logiciel d’apprentissage profond.

Un recours à l’IA qu’une note du Sénat sur l’IA et le service public juge « précieux » pour la gestion de crise. Un gain de temps en réactivité et une finesse d’analyse qui devraient servir dans d’autres domaines, comme la détection d’inondations, de fortes crues ou encore d’avalanches.