« J’vais faire d’la corde à sauter avec ses putains d’boyaux ! ». Le 23 avril, dans Planète rap, sur Skyrock, le verbe de Kanay n’était pas passé inaperçu. Pas plus que son visage marqué, ses cheveux bruns mi-longs et sa mèche blonde. « On dirait le mec dans le film Shéhérazade ! », avaient remarqué des fans sur Youtube, ignorant alors que, comme l’espoir du cinéma français Dylan Robert, césarisé en 2019, la trajectoire du rappeur de 19 ans aller le mener derrière les barreaux.

Rendez-vous chez Sony et garde à vue

L’histoire avait pourtant bien commencé et quelques jours seulement avant d’être incarcéré pour violences et prostitution de mineure, Kanay alternait passages en studio et rendez-vous avec la maison de disques Sony, en région parisienne. Parti de Marseille quelques jours avant son interpellation, le 3 juin, celui que l’état civil connaît sous le nom d’Erwan Bekhakhecha avait entraîné avec lui Sofia*, mineure de 17 ans. D’après la victime, les deux jeunes marseillais s’étaient liés d’amitié avant de devenir intimes.

Prostituée « à son compte » depuis un an, Sofia avait alors vu en Kanay le protecteur idéal. « C’était un ami qui est devenu mon proxénète, je bosse pour lui depuis trois semaines », avait-elle déclaré aux policiers, précisant que le jeune rappeur assurait sa sécurité, payait le logement et son abonnement premium au site sexemodel.com en échange de la moitié de ses recettes.

En région parisienne, les deux jeunes gens allaient d’hôtels en Airbnb, accompagnés d’un ami de Kanay. Contactés par des hommes via le site et par téléphone, Sofia indique avoir « généralement 15 clients par jour », pour une durée moyenne de 30 minutes (soit 100€).

En cas de problème, le proxénète intervient selon un fonctionnement qui semblait bien rôdé, jusqu’à ce qu’une dispute éclate, le 3 juin. D’après la victime, Kanay s’était emporté alors qu’elle était dans la salle de bain, lacérant ses vêtements avec un opinel et lui assénant des coups en la menaçant de la brûler avec un fer à repasser et de lui plonger la tête dans un évier rempli d’eau.

Interpellé le soir-même, Kanay avait contesté les menaces mais pas d’avoir découpé les effets personnels de la victime avant de la pousser pour la mettre à la porte de l’appartement qu’ils occupaient.

« Il ne l’a pas contrainte ni initiée à la prostitution »

Quant aux faits de proxénétisme, le rappeur avait fini par les reconnaître, contestant néanmoins avoir connaissance de la minorité de la victime.

Le 30 juillet, devant le tribunal correctionnel de Bobigny, le parquet avait requis cinq ans de prison dont quatre ferme à l’encontre du rappeur. Le tribunal l’a finalement condamné à quatre ans de prison dont deux ferme. « Mon client a admis avoir facilité la prostitution de cette jeune femme, qu’il croyait majeure. Il ne l’a pas contrainte ni initiée à cette activité qu’elle pratiquait déjà avant de le connaître. C’est notamment ce qui a conduit le tribunal, compte tenu également de son âge et de son absence d’antécédent, à prononcer une peine inférieure à celle requise par le ministère public », précise Me Julien Pinelli, l’avocat de Kanay.

D’après les chiffres de la Brigade de répression du proxénétisme (BRP) de Marseille, sur la soixantaine de dossiers traités simultanément, les 3/4 concernent des mineurs, majoritairement âgés de 15 à 17 ans.

*Le prénom de la victime, mineure, a été modifié