Quel est votre plus beau souvenir de vacances ? Annick Vallée-Le Pévédic (Ille-et-Vilaine) a répondu à notre appel à témoignages, dans le cadre de notre rubrique « Courrier des lectrices et des lecteurs ». Voici son histoire…
« C’était à la fin des années 1940. Chaque été nous ramenait, ma sœur et moi, chez nos grands-parents. Ils avaient la chance, pour nous, d’habiter une maison au bord de la mer. Comme les enfants privilégiés, nous aussi, nous passions nos vacances à Étretat (Seine-Maritime), célèbre station balnéaire. Notre célébrité s’arrêtait là ! Nos parents ne jouaient pas au tennis ni au golf et ne fréquentaient pas le casino ! Bien que le père de ma grand-mère s’appelât Sénateur et fut entrepreneur de maçonnerie. Papa travaillant aux Chemins de Fer, le voyage Bretagne-Normandie était gratuit.
Face aux enfants gâtés d’aujourd’hui, je garde à jamais dans ma mémoire des souvenirs de vacances merveilleuses, sans luxe. Et pourtant, qu’elles étaient belles ces journées ! Il suffisait que nous bâtissions un univers de rêve pour être heureuses. Les enfants savent créer le bonheur.
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« Des après-midi à tailler la garde-robe de mes poupées »
Grand-mère, ancienne couturière, nous confectionnait des poupées en chiffon. Les yeux, le nez, la bouche étaient difficiles à réaliser. Peu importe, nous les aimions bien ces poupées ; des « toënes », comme disait grand-mère dans son patois normand. Faites en tissus rose pâle, imitant la peau, il nous restait à les habiller. Couturière en herbe, modéliste, styliste… Moi, l’aînée, je créais, récupérant tous les morceaux de tissus que je trouvais.
Je passais des après-midi entiers, au soleil, assise sur le banc de bois vert devant la maison, à essayer de tailler une garde-robe. Je me souviens encore de ma technique : prenez un rectangle dans le sens de la longueur, laissez assez large pour le devant de la robe, repliez le reste de tissu dans le dos en croisant pour fermer, puis coupez deux trous pour passer les bras de la poupée, un léger arrondi pour l’encolure et pour la fermeture, une ceinture avec un joli ruban.
Pas de berceau, pas de landau, ces jouets étaient restés en Bretagne. Des boîtes en carton faisant fort bien notre affaire : le fond servait de lit, le couvercle posé en hauteur et emboîté dans la nacelle formait la capote du landau, un morceau de voile, un vieux rideau protégeait la poupée contre les mouches. Un trou percé à l’avant du « landau », une ficelle tirée et nous pouvions même promener nos bébés !
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« Grand-mère, ancienne couturière, nous confectionnait des poupées en chiffon. » Photo d’illustration. Getty Images
« Des boutiques éphémères dans des rouleaux »
Quand il faisait moins beau, même s’il pleuvait, car nous y étions à l’abri, Elyane et moi allions nous réfugier dans « nos rouleaux ». C’était d’immenses tuyaux d’égouts en ciment, assez longs et au diamètre assez grand puisque nous nous y tenions assises. Ces rouleaux étaient abandonnés au fond du jardin et servaient de clôture avec un entrepôt de maçonnerie. Au fond des rouleaux, une ou plusieurs planches mises en travers du cercle, elles servaient d’étagères à nos « produits » de vente : tantôt « bar », tantôt « épicerie » ou « pâtisserie ».
De toute façon, ma sœur et moi avions chacune « notre rouleau », puisqu’il y en avait bien une dizaine. Ainsi, nous avions le choix pour « habiter » et décorer nos « boutiques ». Flacons, petites bouteilles dans lesquelles je versais une goutte de peinture rose pour la grenadine, verte pour de la menthe à l’eau… Je fouillais, je fouinais dans le garage, dans le local jardinage de grand-père, dans le grenier, à la recherche de trésors pour nos magasins, me faisant gronder quand je touchais aux pots de peinture !
Les papiers dorés, les papiers transparents rouges, verts, jaunes, conservés quand nous avions mangé des bonbons, enveloppaient de petits cailloux. Nous proposions ainsi à la clientèle des bocaux de friandises. Herbes, coquillages, grappes de sureau, fleurs, gadelles, cassis, s’empilaient sur nos étagères… Les clients ? Grand-père, grand-mère, maman, papa, les oncles, des tantes quand ces derniers venaient en visite.
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« Je faisais du ski… sur des tas de sable ! »
Quand l’envie nous prenait, un regard à gauche, un regard à droite, personne en vue, nous franchissions la barrière des tuyaux et nous partions aux sports d’hiver faire du ski sur les tas de sable de l’entreprise (pas d’ouvrier, ce n’était qu’un dépôt). Souvent, ma sœur me regardait. J’étais intrépide, imaginative, certes ! J’escaladais les hauts tas de sable et, de leurs sommets, je me laissais glisser : je skiais ! La télévision était inconnue chez nous (nous étions en 1947) et je n’étais jamais allée à la montagne. J’avais dû entendre parler de ski à l’école, en voir sur des livres ? Mon imagination me faisait partir à la neige sous le ciel normand.
Une fois, j’ai fureté dans l’entrepôt, qui était toujours ouvert, sans porte d’ailleurs. Parmi la sciure, j’ai récupéré quelques petits morceaux de bois, des déchets qui ne servaient à rien, sauf à moi, l’inventive, qui a voulu fabriquer des bateaux. Pas très experte, je clouais, comme je pouvais, les morceaux de planches, les déchets de charpente. J’assemblais, je pointais, je vissais, j’ai alors posé un mât et des voiles venant de draps usés, un coup de peinture en cachette, quand je pouvais me risquer à ouvrir une vieille boîte et ce travail artisanal me comblait de joie. Restait la mise à l’eau, ou le naufrage, dans le bac de réserve d’eau de pluie.
Fabriquer ses jouets, quand on en possède peu. S’inventer du bonheur, quoi de plus merveilleux !
Elle est loin ma Normandie… Mes chers grands-parents ne sont plus mais il reste ce qu’ils m’ont donné et des souvenirs que je n’ai jamais oubliés, que j’ai transmis à mes enfants, mes petits-enfants. On ne meurt pas, les souvenirs nous font rester vivants. »
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