Rennes regorge de recoins méconnus, de monuments oubliés et de trésors cachés. De la Courrouze au centre-ville, en passant par des parcs secrets et des murs tagués, la capitale bretonne révèle une autre facette de son histoire. Tour d’horizon de quelques lieux insolites, entre hommage, patrimoine et art contemporain.

Le quai des déportés : un mémorial discret et tragique. « Ce quai, personne ne le connaît. Et pourtant, il devrait faire partie des lieux de mémoire de tout Rennais», confie un voisin. Situé en face de la maison des compagnons du Devoir, dans le quartier de la Courrouze, le quai des déportés longe la voie ferrée. C’est là que, dans la nuit du 2 au 3 août 1944, les nazis firent partir le dernier train de déportation de Rennes, avec à son bord plus d’un millier de prisonniers : résistants, soldats, alliés, mais aussi déserteurs allemands.

Le mémorial, inauguré en 2015, prend la forme d’un long quai de 130 mètres bordé de 29 plaques en bronze. Il côtoie des jardins partagés et un bowl de skate. « Le 6 août, le convoi est mitraillé à Langeais. Certains s’échappent. Puis, le 15, à Belfort, 241 prisonniers, dont 70 femmes seront libérés grâce à Charly, un Alsacien incorporé de force. Les autres mourront sans savoir que Rennes avait été libérée le 4 août », confie la notice explicative. Pour en savoir plus.

Une croix arménienne près de l’église Jeanne-d’Arc. Dans un jardinet discret, à deux pas de l’église Jeanne-d’Arc, une croix de pierre haute de 1,50 m évoque une tragédie bien antérieure à la Seconde Guerre mondiale. Inaugurée en 2017, cette khatchkar arménienne commémore le génocide de 1915. « Elle a été bénie selon la tradition. C’est une pierre votive, protectrice. Elle relie les morts aux vivants », convient un habitant du quartier. Les khatchkars sont un savoir-faire ancien, transmis de maître à apprenti. Chaque croix est unique, sculptée à la main, et porte en elle les symboles de l’Arménie : croix, fleurs, animaux, figures humaines. Cette pierre sainte offre une rare trace de la culture arménienne à Rennes, où la communauté célèbre ses offices dans l’église voisine.

Le cadran solaire caché de l’hôtel de ville. Tout le monde connaît la mairie de Rennes, mais peu savent qu’elle abrite un instrument scientifique exceptionnel. « Un cadran solaire à la verticale d’un mur, haut de 4 mètres : c’est une méridienne de temps moyen, gravée en 1760. Unique en Bretagne. » Situé sur le pavillon nord, ce cadran permettait de régler avec précision les horloges municipales, bien avant les GPS. Il indique le midi solaire et le mois zodiacal à l’aide d’un jeu d’ombres. Il aurait servi à la faculté des sciences, installée dans les murs de l’Hotel de ville autrefois. Aujourd’hui encore, il donne l’heure, avec quelques minutes de retard.

 

La tour de Nankin, trésor d’Orient au Musée des Beaux-Arts. Haute de 110 cm, faite de nacre sculptée et de bois exotique, la tour de Nankin trône dans le cabinet de curiosités du Musée des Beaux-Arts. Ce chef-d’œuvre chinois du XVIIe siècle avait disparu… dans une boîte. « Elle était en morceaux. On l’a retrouvée, puis comparée à une copie conservée dans un château anglais. Cinq ans de restauration », indique le conservateur. Des artisans du Musée de la Nacre lui ont redonné sa splendeur : oiseaux, femmes, clochettes dorées. Un bijou de finesse à ne pas manquer, même s’il faut le chercher dans les dédales du musée.

Francis Simon, l’oublié du Soldat inconnu. C’est au cimetière de l’Est qu’un monument rend hommage à un homme qui eut une idée simple, mais géniale : célébrer un soldat inconnu pour incarner tous les morts de la guerre. Francis Simon, imprimeur, militant du Souvenir Français, proposa cette idée le 26 novembre 1916. »Pourquoi la France n’ouvrirait-elle pas les portes du Panthéon à l’un de ces combattants ignorés ? » Quelques années plus tard, le Soldat inconnu sera enterré sous l’Arc de Triomphe. Mais à Rennes, peu savent que le concept naquit ici, dans un cimetière paisible. « C’est un devoir de mémoire », répètent ses descendants encore aujourd’hui.

Le parc des Ecotais : un jardin secret au Sud de Rennes. Ouvert exceptionnellement lors des Journées du patrimoine, le parc des Ecotais dévoile ses allées secrètes, son orangerie, ses bancs de pierre et ses arbres centenaires. Propriété familiale depuis 1790, le domaine a survécu aux bombardements, aux troupes d’occupation, et aux promoteurs. Grâce à la volonté d’une femme, Mlle Delanoë, il est resté presque intact. Une bouffée d’air hors du temps, à deux pas du boulevard Oscar Leroux.

Rue de Toulouse, l’interdiction la plus chic de Rennes. En levant les yeux au 5 rue de Toulouse, on aperçoit une restriction inscrite dans le bois : « Interdit aux chevaux ». « C’est d’un autre temps, celui où les rues de Rennes résonnaient du pas des sabots et du bruit des autos », confie un vieux Rennais. Ce vestige pittoresque rappelle que la rue, baptisée en l’honneur du fils de Louis XIV, fut autrefois la rue des Halles. C’est aujourd’hui un clin d’œil figé au passé, à mi-chemin entre l’anecdote et le patrimoine.

Le mur de Teenage Kicks : le street art en direct. Le long des voies ferrées, boulevard du Colombier, un mur respire au rythme du street art. Le collectif Teenage Kicks invite régulièrement des graffeurs français et internationaux à repeindre ce mur en direct, devant le public. »On dessine en musique, sous la pluie ou le soleil. C’est éphémère et vivant », notent les organisateurs de cet évènement. Personnages fantasques, lettrines colorées, masques de protection… Une performance artistique à ciel ouvert, où la ville devient toile.

Texte inspiré de « 111 lieux à ne pas manquer à Rennes », par JC Collet