Parmi les milliers de tirages photographiques du journal Le Temps conservés à la Bibliothèque de Genève, la rubrique Iconographie a porté son regard sur les clichés témoignant de manifestations en Suisse romande. Rétrospective subjective sur cinq revendications, toutes défendues dans la rue et par la rue.

Le 6 mai 1995, la ville de Zurich s’habille de bleu et d’étoiles. A l’occasion de la Journée de l’Europe, plusieurs milliers de jeunes militants venus de tout le pays défilent derrière des banderoles appelant à l’ouverture européenne. Parmi eux, les activistes du mouvement «Né un 7 décembre 1992» – date du rejet du référendum sur l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen. Ils appellent à l’ouverture de négociations pour l’adhésion de la Suisse à l’UE avec l’initiative populaire «Pour notre avenir au cœur de l’Europe», qui se transformera l’année suivante en l’initiative «Oui à l’Europe!». A leurs côtés, la photographe Monique Jacot saisit, en noir et blanc, les visages, les gestes, l’élan. Son reportage paraîtra dans Le Nouveau Quotidien, témoin d’un moment rare où l’engagement politique juvénile occupe la rue et revendique l’avenir.

Cette mobilisation des jeunes gagne en expérience et organisera plusieurs opérations d’envergure durant cette année marquée par les élections fédérales. En pleine campagne, l’UDC isolationniste Christoph Blocher entend monopoliser le débat autour de la question européenne. Le parti annonce à grand fracas la tenue d’un grand défilé patriotique anti-UE, le 23 septembre à Zurich. En réaction à cette provocation, le mouvement pro-européen parvient à rassembler les soutiens nécessaires pour organiser deux contre-manifestations d’ampleur. La première aura lieu à Zurich le même jour que celle de l’UDC et rassemblera 10 000 participants. La deuxième se déroulera à Bienne la semaine suivante, avec des personnalités politiques d’envergure à la tribune, comme la conseillère fédérale Ruth Dreifuss. Celle-ci adressera ces mots aux militants du mouvement: «Vous êtes nés le 7 décembre, mais ce jour-là vous êtes surtout nés à la politique. C’est nous qui devons marcher vers l’Europe, et elle nous attend.»