Un mètre. C’est la taille précise de la vitrine réfrigérée de la fromagère installée sous la halle Martenot. Malgré son emplacement réduit, difficile de passer devant son étal, sur le marché des Lices à Rennes, sans l’apercevoir. La file des habitués s’allonge. « J’ai le plus petit stand du marché des Lices », souligne la fromagère avec un large sourire amusé. « Quelques fois, les gens ont du mal à passer dans l’allée ».
Dans la vitrine, ses produits phares, comme le gros lait aux couleurs de la ferme « Guyoulait » et les yaourts aux différents parfums, partent rapidement. « On fait aussi deux sortes de fromages : des lactiques, avec différentes étapes d’affinage un peu comme les fromages de chèvre, et de la tomme ». Des produits confectionnés à partir du lait de ses vaches pie noir une race bretonne emblématique qu’elle élève dans une ferme à La Boussac, près de Dol-de-Bretagne.
« J’ai démarré avec 6 vaches »
Travailler avec des animaux, c’est ce que la quinquagénaire a toujours voulu faire : « J’ai toujours eu envie d’élever des vaches. Mon père était éleveur. Moi, j’ai eu des chevaux, des chèvres. J’ai toujours aimé les animaux. C’était pour moi une évidence ». Après un BTS agricole, elle travaille quelque temps comme technicienne de contrôle laitier. Puis rapidement elle concrétise son rêve de toujours. « J’avais le projet de m’installer. J’ai trouvé des terres qui étaient disponibles ».
Elle lance son exploitation de 25 hectares, en bio, avec son mari en 2003. « J’ai démarré avec 6 vaches bretonnes pie noir ». Elle s’occupe de la traite, la transformation du lait et la vente des produits. Lui travaille la terre. Aujourd’hui le cheptel a doublé, limité par la taille de la ferme et son autonomie fourragère : « On n’a pas une grosse production. 12 000 litres de lait transformés par an, c’est une toute petite quantité ». Un choix de mode d’élevage, à l’opposé du système intensif : « On laisse les veaux téter sous la mère, ce qui réduit d’autant la quantité de lait et on ne fait qu’une traite par jour ».
Eglantine et son mari ont lancé leur élevage en 2003. (Photo David Brunet)Favoriser la biodiversité
Une façon aussi d’œuvrer pour le bien-être animal : « C’est quelque chose de très important pour nous ». Car si Églantine s’est lancée dans ce métier, c’est également pour participer à la sauvegarde d’une race qui lui tient à cœur : la bretonne pie noir. « C’est une vache facile à élever et rustique. C’est aussi une race à faible effectif. C’est donc important de pouvoir contribuer à conserver ce patrimoine génétique et à favoriser la biodiversité ».
Il faut dire que la petite vache bretonne autrefois répandue dans les campagnes a bien failli disparaître dans les années 70, comme beaucoup de races locales, car elles n’étaient pas assez productives. « Au début du XXe siècle, c’était la première race laitière française. Il ne restait qu’environ 300 vaches. Aujourd’hui, on est au-dessus de 3 000. Son lait est de très bonne qualité et se prête bien à la transformation fromagère ».
Une qualité qui a su convaincre les clients. Après avoir proposé ses produits sur le marché de Dol-de-Bretagne, elle s’installe en 2017 au marché des Lices. « Je voulais développer mon activité. Un ami qui travaillait les mêmes produits que moi quittait le marché. J’ai profité de cette opportunité ».
« Une clientèle d’habitués »
Des produits bio, locaux, en circuit court : le concept séduit rapidement la clientèle. En moyenne, elle vend ainsi, tous les samedis, entre 500 et 600 pots de yaourts et de gros lait, ses produits phares. « J’ai une clientèle qui revient toutes les semaines ». Un habitué dépose dans une caisse ses pots en verre vides consignés. Un geste devenu normal pour ses clients. « Les gens sont très attentifs au vrac, avec des contenants réutilisables pour le zéro déchet. On fait le maximum dans cette démarche ».
Au cours de l’année, l’activité est importante et les clients nombreux : « Il y a des jours où je n’ai pas le temps de parler avec les gens, car la queue remonte devant l’étal voisin. L’été, il y a moins de monde, ça permet d’échanger avec les clients que l’on voit rapidement autrement. C’est sympa ». Elle écoule ainsi l’ensemble de sa production sur le marché rennais, mais également dans des magasins bio et quelques épiceries. Des commerces qu’elle livre depuis plus de 20 ans et avec qui elle a lié « des liens de confiance ».
Un métier prenant et physique qu’elle exerce maintenant depuis 22 ans. « J’essaie de lever un peu le pied », souligne la fromagère. Pour se diversifier, elle envisage ainsi d’élever quelques moutons et de développer une production de petits fruits.