Par

Antoine Grotteria

Publié le

9 août 2025 à 8h14

Aux abords de la la piscine Cour des Lions, dans le 11e arrondissement de Paris, deux femmes attendent patiemment sur un banc. Elles ne se connaissent pas, mais échangent quelques banalités avant de pénétrer dans l’enceinte. Sans transition, l’une des locutrices fait part de sa méfiance vis-à-vis des « gros pervers » qui agissent « en douce ». Saisi en instantané, le sujet du voyeurisme résonne dans le vécu de plusieurs nageuses. D’autant qu’il a éclaté publiquement en avril 2025 avec le récit de la journaliste Laurène Daycard, laquelle avait révélé avoir été filmée sans son consentement dans une cabine de la piscine Georges-Hermant (19e). Depuis, le discours se « libère ». Interrogé sous couvert d’anonymat par actu Paris, un agent municipal employé dans une piscine indique que les signalements remontent « plusieurs fois par semaine », contre « quelques fois par mois auparavant ».

Un protocole pour signaler les faits de voyeurisme

« Il y a clairement un avant et un après », note à actu Paris Clara. Le 16 janvier 2024, cette éditrice qui « va 5 à 6 fois par semaine » à la piscine a subi un acte de voyeurisme à la piscine Alfred-Nakache, dans le quartier de Belleville (20e). Son amour de l’eau, qu’elle narre sur le compte Instagram « Nageuse parisienne », a soudainement été altéré par cet « événement traumatique ». Si son récit n’a pas reçu l’écho de celui de Laurène Daycard, elle a été conviée par la Ville de Paris à participer à plusieurs réunions dans le cadre du plan d’action porté par l’adjoint à la maire de Paris chargé du sport, Pierre Rabadan.

Car le phénomène s’avère structurel. Dans les colonnes du Parisien, le 31 juillet 2025, l’ex-rugbyman a confié « ne (pas s’attendre) » à ce que les remontées consécutives à l’agression subie par la journaliste soient « d’une telle ampleur ». Pour mesurer ces faits, la Ville a instauré un protocole de signalement. Ce dispositif permet ainsi aux victimes de témoigner plus aisément. Et ce, alors que certaines femmes « hésitent ou se résignent », explique Clara.

Pour juguler le voyeurisme, la municipalité a lancé des groupes de travail. Par deux fois, la détentrice de « Nageuse parisienne » a raconté avoir été filmée à son insu « lorsqu'(elle) était nue ». Lors de la deuxième réunion, elle était accompagnée de trois autres victimes, dont Laurène Daycard. « On avait l’impression d’être écoutées. Cela a permis d’avoir des échanges constructifs », explique-t-elle.

Au registre des doléances, la question de la mixité dans les vestiaires. Dans la majorité des piscines, les femmes et les hommes se mélangent. Ce qui fait tiquer d’aucuns, notamment les parents.

« Cela me dérange beaucoup. Je suis vigilante avec mes enfants. Mais ça ne suffit pas toujours. Ma fille est très gênée au moment de se changer »

Une mère de famille

Les agents sensibilisés, mais…

Pour le moment, la mairie a choisi de placarder des autocollants pour séparer les cabines des femmes de ceux des hommes. Une campagne d’affichage est également en vigueur, informant les témoins ou les victimes de la possibilité de s’adresser aux personnels présents dans l’établissement. La Ville veut ainsi sensibiliser ses agents au recueil de la parole et à la détection des comportements délictuels. Un travail délicat.

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« On butte parfois sur les sensibilités de chacun. Il y a une prise de conscience, mais il reste du travail. Certains vont se montrer très fins, alors que d’autres, de par leur éducation, ne vont pas attacher la même importance à ces faits qui sont pourtant considérés comme une agression dans le droit », contextualise Clara.

D’après l’article 226-3-1 du Codé pénal, une personne qui a commis un acte de voyeurisme encourt une peine d’un an de prison et 15 000 euros d’amende. Celle-ci peut être durcie en cas d’abus d’autorité, de faits commis sur un mineur ou une personne vulnérable, de faits commis en groupe, de faits commis dans un transport en commun et de la prise d’une vidéo ou photo. Ces motifs peuvent entraîner une peine de 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende.

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