La grande messe de la présentation de GPT-5, le 7 août 2025, devrait marquer un tournant. Les Cassandres annonçaient l’arrivée d’une super-intelligence, capable de renvoyer les élites cognitives au musée des espèces disparues. Résultat : GPT-5 est bon… mais pas transcendant. L’outil est plus fiable et il a progressé en raisonnement logique et en cohérence. Mais il n’y a pas de saut qualitatif équivalent à la transition entre GPT-3 et GPT-4.
Le progrès reste spectaculaire pour le grand public, mais l’écart avec les prédictions apocalyptiques est tangible. Les investisseurs sont un peu déçus, les concurrents reprennent confiance et certains experts revoient à la baisse leurs scénarios de décollage accéléré. GPT-5 n’est pas un dieu algorithmique.
Ce ralentissement perçu est une fenêtre historique pour la France et l’Europe.
Depuis deux ans, le discours dominant affirmait : « Il est trop tard, l’Amérique a gagné la guerre de l’IA ». Ce fatalisme suicidaire paralysait les décideurs. Chaque annonce d’OpenAI, Anthropic ou Google renforçait l’idée que nous étions condamnés à devenir une colonie cognitive, dépendante de serveurs californiens pour penser, créer et décider.
Or, GPT-5 prouve que la course est moins linéaire qu’on le croyait. Même les géants californiens trébuchent. Cela ne signifie pas que le danger est écarté mais que la fenêtre stratégique ne s’est pas encore refermée.
C’est maintenant ou jamais
Si la France veut peser, elle doit exploiter cette pause relative pour construire ses propres modèles et investir massivement pour préparer l’arrivée des générations suivantes qui, elles, seront peut-être réellement surhumaines. Nous avons 24 à 36 mois. Pas plus.
La France doit fédérer ses ressources pour créer des centres de calculs capables d’entraîner des modèles de classe mondiale et non se contenter d’optimiser des modèles américains. La valorisation des données et des talents est essentielle. Nos corpus culturels, juridiques, scientifiques sont un trésor stratégique. Il faut les mobiliser pour entraîner des IA à notre image et non abandonner notre ADN cognitif en open bar aux géants californiens.
La relative déception de GPT-5 est une alerte positive puisqu’elle nous prouve que la partie n’est pas jouée. Ce n’est pas une pause technologique, c’est un répit stratégique. Les États qui l’utiliseront pour combler leur retard auront encore voix au chapitre en 2030.
Le problème, c’est que notre système éducatif est le Titanic.
Cette respiration technologique donne à la France un sursis éducatif. La super-IA mettra à nu l’obsolescence de nos diplômes. Pourquoi passer cinq ans à apprendre un métier qu’un algorithme gratuit fera mieux, plus vite et sans erreur ? Ce répit offre une chance inespérée de transformer le système éducatif pour qu’il forme des esprits adaptables, capables de travailler avec et non contre des Intelligences Artificielles démesurées. Mais il faut agir dès aujourd’hui, car GPT-6 ne préviendra pas avant d’effacer les métiers intellectuels intermédiaires.
Le problème, c’est que notre système éducatif est le Titanic. L’Éducation nationale continue de produire des diplômés pour un marché du travail qui va cesser d’exister et devient donc une fabrique de chômeurs diplômés. On continue à formater des cerveaux comme au XXe siècle, alors qu’il faudrait former des intelligences adaptatives, capables d’inventer et de dialoguer avec les machines.
Les limitations de GPT-5 nous donnent un sursis éducatif : deux ou trois ans pour repenser tout le cursus, du primaire au supérieur. C’est court, mais c’est faisable si on cesse de traiter l’Éducation nationale comme une vache sacrée intouchable. Il faut casser les routines pédagogiques, intégrer massivement l’IA dans l’apprentissage, enseigner le travail avec des IA, réhabiliter la prise de risque intellectuelle et récompenser la créativité au lieu du conformisme.
Si nous ne faisons pas cette révolution, la France sera alors réduite au rôle pathétique de musée culturel pour touristes asiatiques et américains venus admirer comment un ancien pays de savants est devenu un parc à thème du passé.
La déception GPT-5 est donc un signal : pas pour ralentir, mais pour accélérer. Nous n’avons pas de temps à perdre. Un État stratège utiliserait ce répit comme on exploite une trêve dans une guerre. Pour se réarmer, reconfigurer ses défenses et redéfinir sa doctrine. Mais un État irresponsable en profiterait pour somnoler, persuadé qu’il reste « du temps ».
Par Laurent Alexandr, médecin et entrepreneur et Alexandre Tsicopoulos, startuper