C’est la discussion qui pourrait influencer l’issue de la guerre en Ukraine, trois ans et demi après le début de l’invasion russe. Le président américain Donald Trump a annoncé, sur son réseau Truth Social, qu’il allait rencontrer en personne le dirigeant russe Vladimir Poutine, le 15 août, en Alaska.

Voilà plusieurs semaines que la Maison-Blanche assène des ultimatums à la Russie pour mettre fin à la guerre – cinquante jours, puis dix jours, avec une date d’expiration fixée au 8 août. En vain. Les deux dirigeants se seront finalement mis d’accord, sans que l’on sache encore pourquoi, sur une entrevue, dont l’annonce a été dévoilée par le New York Times. Si la date et le lieu du rendez-vous ont été communiqués, l’ordre du jour abordé lors de cette discussion – à laquelle le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’a pas été convié – reste quant à lui bien plus flou.

L’Alaska, un symbole de proximité

Le lieu n’a pas été choisi au hasard. Au cours de la semaine, au milieu des tergiversations, la Russie évoquait la possibilité d’un accueil des négociations par un pays du Golfe. Les Émirats arabes unis auraient été « un endroit tout à fait approprié », a déclaré Vladimir Poutine, jeudi. Mais c’est finalement en Alaska, territoire du nord des Etats-Unis, que le Kremlin a confirmé la rencontre avec Donald Trump, lui-même convié à visiter la Russie prochainement.

Et pour cause : ce vaste territoire à cheval sur le cercle polaire arctique, vendu aux Etats-Unis par la Russie en 1867, n’est séparé de celle-ci que par le détroit de Béring. Le choix de cet Etat a été qualifié d' »assez logique » par le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov, cité vendredi par les agences russes.

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Les Etats-Unis ne reconnaissent pas la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Vladimir Poutine en raison de la guerre en Ukraine, le dirigeant ne risque pas de se faire arrêter. « La Russie et les Etats-Unis sont des voisins proches, avec une frontière commune », a souligné Iouri Ouchakov. « L’Alaska et l’Arctique sont des zones où les intérêts économiques de nos deux pays se recoupent et il y a des possibilités de projets de grande ampleur mutuellement avantageux », a-t-il par ailleurs relevé, rappelant toutefois que les discussions porteraient avant tout sur l’Ukraine.

Le sort de Kiev au cœur des discussions

Quel sort sera réservé à Kiev lors de ces discussions ? Vendredi à la Maison-Blanche, le président américain a évoqué un possible « échange de territoires » entre l’Ukraine et la Russie, dans le cadre d’un futur accord entre les deux pays, sans plus de précision. Des déclarations qui laissent entrevoir que Donald Trump serait tenté de vouloir régler la guerre en Ukraine « comme un conflit entre magnats de l’immobilier », pour reprendre les mots du journal allemand Der Spiegel.

Quant à Vladimir Poutine, il a tout à y gagner : « Il est convaincu que c’est au moyen d’une entrevue, plutôt que grâce aux progrès sur le terrain, qu’il obtiendra la victoire en Ukraine », estime le New York Times. « Une possibilité est que Poutine se soit montré plus flexible sur la question de la division ou de l’échange de territoire […] le maintien de l’Ukraine hors de l’Otan, la limitation de ses capacités militaires et la perspective d’un gouvernement pro-Moscou à Kiev – sont plus importantes que la question des territoires contrôlés par la Russie », analyse le journal.

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Pour la presse russe, pas de doute possible, un élément a fait changer Donald Trump d’avis – lui qui disait, il y a quelques jours être très « déçu » du comportement de Vladimir Poutine, et rompre les discussions. Moskovski Komsomolets, un tabloïd proche du Kremlin, évoque ainsi une »manœuvre audacieuse de Poutine qui a changé le cours du jeu en Ukraine ». « Une phrase mystérieuse glissée par Poutine à l’envoyé spécial de Trump aurait changé la donne » – affirme-t-il, sans plus de précision.

Volodymyr Zelensky et l’Europe absents

La dernière rencontre des deux dirigeants remonte à juin 2019, en marge d’un sommet du G20 au Japon, lors du premier mandat du président républicain. Le président ukrainien n’a, quant à lui, pas été convié au sommet du 15 août.

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Volodymyr Zelensky estime toutefois qu’une rencontre entre lui et Vladimir Poutine est une « priorité » et qu’il « est légitime que l’Ukraine participe aux négociations » concernant l’avenir de son pays. Mais pour M. Poutine, les « conditions » ne sont pas réunies pour une telle rencontre, qui selon lui n’aurait de sens qu’en phase finale des négociations de paix.

Quant à Donald Trump, sa réponse a été limpide : sur la question de savoir s’il pensait que Vladimir Poutine devait d’abord s’entretenir avec Volodymyr Zelensky avant de le rencontrer lui, le président américain a répondu « non ».

Négociations à l’arrêt

Le dernier cycle de négociations directes à Istanbul en juillet n’avait débouché que sur un nouvel échange de prisonniers et de dépouilles de soldats. Parallèlement, la Russie poursuit ses attaques aériennes mortelles sur l’Ukraine, où elle grignote chaque jour du terrain sur le front. Moscou réclame que l’Ukraine lui cède quatre régions partiellement occupées (celles de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson), en plus de la Crimée annexée en 2014, et qu’elle renonce aux livraisons d’armes occidentales et à toute adhésion à l’Otan.

Des exigences inacceptables pour Kiev, qui veut le retrait des troupes russes et des garanties de sécurité occidentales, dont la poursuite des livraisons d’armes et le déploiement d’un contingent européen, ce à quoi s’oppose la Russie. L’Ukraine demande aussi, de concert avec ses alliés européens, un cessez-le-feu de 30 jours, auquel se refusent les Russes. L’Union européenne, une fois de plus, n’a pas été incluse dans les négociations.