De joueurs en fin de carrière à de jeunes talents, les clubs saoudiens ont changé de braquet sur le mercato. Le grand objectif reste de renforcer le foot du royaume en vue du Mondial 2034 organisé en Arabie saoudite.
Le temps où les clubs saoudiens ne juraient que par des noms clinquants pour se construire des équipes de rêve paraît déjà loin. Si les Al Hilal, Al Ittihad ou Al Nassr continuent toujours d’enrôler des joueurs en milieu ou fin de carrière à l’image de Théo Hernandez et Alexandre Lacazette, ils misent aussi maintenant sur la nouvelle génération.
En témoigne le récent recrutement de Nathan Zézé à Neom depuis le FC Nantes. Les Canaris ont laissé partir leur pépite de 20 ans mais ont empoché une vingtaine de millions d’euros, hors bonus, soit la vente la plus chère de l’histoire du club. Les Saoudiens ont ici choisi de recruter un jeune au fort potentiel qui a déjà une petite expérience en Europe (35 rencontres) et ont aussi bouclé la venue de Saïmon Bouabry, espoir de l’AS Monaco qui n’a lui joué que cinq bouts de matches en Ligue 1.
Recruter de jeunes joueurs
Enzo Millot, milieu de terrain de Stuttgart, un temps convoité par de grands d’Europe, devrait lui aussi s’engager en Arabie saoudite avec Al Ahli. L’arrivée de ces trois talents française s’inscrit dans une nouvelle stratégie des clubs du royaume amorcée à l’été 2024. Al Ittihad a d’abord fait venir Moussa Diaby, 25 ans à l’époque et ailier confirmé en Premier League avant de miser sur des joueurs encore plus jeunes et inexpérimentés à l’image du Colombien Ricardo Caraballo (21 ans) et de l’Argentin Isaias Rodriguez (18 ans).
Al Nassr n’est pas en reste avec les arrivées du Français Mohamed Simakan et très récemment du Portugais João Felix, en perte de vitesse à Chelsea. Il est le premier Golden Boy (en 2019) à rejoindre la Saudi Pro League. Le Brésilien de 20 ans Joao Costa a aussi sauté le pas vers Al Ettifaq, l’ancien club de Jordan Henderson et Steven Gerrard (en tant qu’entraîneur).
Avant de s’attaquer à la Ligue 1, les Saoudiens s’étaient intéressés à la Liga espagnole. Le transfert qui avait fait le plus de bruit de l’autre côté des Pyrénées était celui d’Unai Hernandez, talent du FC Barcelone tout droit sorti de la Masia ayant rejoint Al Ittihad pour cinq millions d’euros à seulement 20 printemps malgré les avances répétées des Catalans pour le prolonger. Le triplement de son salaire a sans doute convaincu le jeune espagnol.
Pas de place pour les profiteurs
L’objectif des décideurs des clubs de Saudi Pro League est de développer le championnat en profondeur en faisant confiance à des jeunes qui peuvent écrire leur propre histoire sur place plutôt que d’empiler les stars en déclin venant s’offrir une retraite dorée.
Quand les nouveaux joueurs ne s’investissent pas assez et qu’ils n’ont pas une réputation suffisamment importante comme John Duran, arrivé cet hiver à Al Nassr depuis Aston Villa pour 72 millions d’euros, les dirigeants des clubs n’hésitent pas à les faire partir rapidement. Le Colombien a été prêté à Fenerbahçe dès cet été. Même parcours pour Jota (rien à voir avec Diogo Jota, décédé début juillet), invité à s’en aller seulement un an après sa venue.
Pour les jeunes joueurs, rejoindre l’Arabie saoudite est bien sûr intéressant au niveau salarial. Ils touchent en général «très peu» au début de leur carrière en Europe et ont donc l’occasion de multiplier leurs émoluments par trois, cinq voire dix. Ce championnat se transforme peu à peu en un tremplin puisque sa visibilité s’accroît au fil des saisons. Dans les prochaines années, les transferts de joueurs confirmés de Saudi Pro League vers l’Europe pourraient se multiplier.
Faire mieux que la Chine
Les Saoudiens ne veulent surtout pas reproduire l’échec du championnat chinois, qui a tenté de se projeter sur la scène internationale dans les années 2010 à renfort d’investissements pharaoniques. Ils ont un temps réussi à attirer de très bons joueurs européens à l’image de Yaya Touré, Javier Mascherano, Pato ou Oscar mais le soufflé est vite retombé.
Le Guanghzou Evergrande a bien réussi à remporter deux Ligue des champions asiatiques (en 2013 et 2015) mais une descente aux enfers menant jusqu’à la dissolution du club a suivi. Aujourd’hui, presque aucun joueur du top 5 du vieux continent ne tente l’aventure à Pékin. La culture du pays est aussi plus éloignée, ce qui a limité l’exode de superstars du vieux continent. Les multiples scandales de corruption qui ont émaillé le foot chinois n’ont pas aidé.
Le projet saoudien a l’air d’avoir les reins plus solides. Ils sont parvenus à obtenir l’organisation de la Coupe du monde 2034, ce que la Chine avait tenté de faire pour l’édition 2030, finalement attribuée au trio Canada – États-Unis – Mexique. Le fait que deux lieux saints de l’Islam soient présents sur le territoire saoudien a aussi incité bon nombre de footballeurs jouant en Europe à s’y retirer, à l’image de Karim Benzema et N’Golo Kanté, même si le côté financier a joué une immense part dans ces transferts.
Améliorer la sélection saoudienne
Toute cette stratégie de renforcement du foot dans le royaume vise aussi à élever le niveau des jeunes saoudiens en vue de la Coupe du monde 2034… organisée en Arabie saoudite. Le pays veut faire mieux que le Qatar, qui avait été éliminé en phase de poules à domicile lors du Mondial 2022. L’équipe n’avait récolté aucun point et marqué un seul but dans un groupe composé de l’Équateur, du Sénégal et des Pays-Bas.
Quand le niveau des footballeurs saoudiens ne suffit pas, plusieurs pays du Golfe dont les Émirats arabes unis, procèdent aussi à des naturalisations de joueurs étrangers d’après le média OrientXXI . Cette pratique, dont le Qatar a longtemps été le spécialiste, se démocratise, ce qui a poussé la FIFA à durcir ses règles d’attribution de nationalité.
L’Arabie saoudite pourrait bien emprunter le même chemin que son rival et voisin qatari. Sa coupe du monde se déroulera à au moins 48 pays, ce qui laisse une plus grande marge de manœuvre qu’en 2022 où «seules» 32 équipes y participaient. Le projet saoudien se met petit à petit en place.