Depuis plusieurs mois, les surveillants pénitentiaires de Rennes-Vezin ont pris l’habitude de ne pas baisser la garde, hors les murs. Leur vigilance s’exerce désormais des coursives à la maison, la faute à des pratiques d’intimidation qui se seraient multipliées.
Les récentes et mystérieuses attaques menées contre des établissements pénitentiaires, partout en France, ont ajouté un degré d’inquiétude et de tension. « Les collègues sont évidemment inquiets, parce qu’on n’est pas à l’abri, mais en même temps, ça renforce notre détermination, parce qu’on ne veut pas céder à ces pressions », assure ce délégué syndical Force ouvrière.
Plusieurs collègues ont déjà appelé les forces de l’ordre parce qu’ils étaient suivis en voiture
Difficile toutefois, pour les agents, de faire la part des choses entre ces nouvelles menaces, qui ont conduit à des incendies de véhicules, ou même des tags dans l’immeuble d’une surveillante, et ce qu’ils constatent déjà depuis quelque temps. « Plusieurs collègues ont déjà appelé les forces de l’ordre parce qu’ils étaient suivis en voiture. On a une collègue qui a été suivie presque jusque chez elle, et pour un autre, ce sont ses voisins qui l’ont prévenu, parce que des individus cherchaient à savoir où il habitait. On n’était pas habitué à ça, à Rennes ». Début avril, deux individus ont aussi été aperçus « garés près du portail d‘accès au domaine », en train de filmer les agents, l’établissement et le mirador.
« Gros profils »
Ces nouvelles intimidations, à l’extérieur, leur semblent concomitantes d’un autre changement, à l’intérieur, cette fois : « On a de plus en plus de gros profils à Rennes, liés au narcotrafic, au grand banditisme. Il y a encore un ou deux ans, on avait deux détenus classés particulièrement surveillés (DPS, NDLR). Aujourd’hui, on en est à huit, sans avoir un quartier d’isolement prévu pour. » Conséquence selon le syndicat rennais : les trafics ont explosé au sein de la prison, ces détenus étant soupçonnés de poursuivre leurs activités. Le baromètre, qui sert aux surveillants pour le mesurer, ce sont évidemment les saisies. Et ces saisies sont liées aux « projections » de matériels, depuis l’extérieur, qui alimentent les cellules en téléphones, en drogue ou autre.
On a eu jusqu’à 180 projections en une seule nuit
« On a eu jusqu’à 180 projections en une seule nuit. Les détenus arrivent à découper les caillebotis, ces petits grillages qui sont fixés aux fenêtres, et avec des draps, et des fourchettes, ils récupèrent les colis qui sont presque tous envoyés dans des sacs à patates. » Début avril, un seul individu a lancé plus de 50 paquets dans la prison. « Nous avons quasi-tout récupéré : 730 g de stupéfiants, cinq téléphones, un jeu de clés Torx, utilisé pour dévisser les vis sécurisées sur le mobilier des cellules, 11 paquets de cigarettes, du parfum… »
Des armes
Selon le syndicat Force ouvrière, un autre fléau mobilise actuellement les agents de la pénitentiaire, en conséquence de ce même tableau : « l’explosion de la circulation des couteaux en céramique ». « Ils pullulent, explique le délégué syndical. On en a encore saisi deux hier, on a trouvé un détenu blessé, qui a reconnu avoir été tailladé par ses codétenus. C’est un vrai danger pour les personnels aussi, on est obligé de faire plus attention, mais on ne peut pas fouiller toutes les cellules, tous les jours ».