Le vieux panneau rouge et blanc est assombri par la crasse, mais on lit encore clairement : « Interdit – Voie privée – Sauf desserte des riverains ». La rue des Abeilles est l’une des rares à Strasbourg à être la propriété exclusive des propriétaires des habitations qui la jouxtent. Seuls les riverains peuvent théoriquement l’emprunter, même si elle a l’apparence d’une ruelle habituelle avec ses petits numéros, son panneau de dénomination et son bitume. Un statut hérité du passé brassicole du quartier, les maisons ouvrières appartenant aux brasseries pour y loger leurs salariés. Charles Lorentz habite l’une d’elles depuis près de 60 ans, construite à la fin du XIX e siècle. « Ici c’est notre rue, j’ai fait moi-même l’enrobé ! » explique-t-il.
Mais la petite rue au charme suranné a perdu de sa paisibilité au fil des années. La Ville y a préempté cinq terrains depuis 1960, laissés en friche avec le temps : « Plusieurs sont à l’abandon, jonchés de déchets, de cartouches de protoxyde…