La scène est absurde : les producteurs français fournissent tellement d’électricité en ce moment qu’elle en devient gratuite. Il arrive même que les prix soient négatifs, autrement dit ces mêmes producteurs paient (!) pour qu’on consomme leur énergie. C’est exactement ce qui se passe. À la mi-juillet, le pays avait déjà cumulé 368 heures de prix d’électricité négatifs ou nuls, battant ainsi le record de 2024 (352 heures), lui-même déjà en forte hausse par rapport aux années précédentes.
Une électricité à prix négatif, mais une facture inchangée
Le phénomène est directement lié à la montée en puissance des énergies renouvelables, notamment l’éolien et le solaire. Ces sources produisent de l’électricité de façon intermittente, souvent en décalage avec la demande réelle. Résultat : lors des week-ends ou des après-midis ensoleillés, la production dépasse largement les besoins. Comme l’électricité ne se stocke pas facilement, les prix s’effondrent, comme le souligne Selectra.
Le problème vient surtout des installations renouvelables sous contrat d’obligation d’achat, résume la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE). Ces contrats garantissent aux producteurs un prix fixe pendant vingt ans, même si le marché passe en territoire négatif. Dans ce contexte, il est plus rentable pour certains producteurs de continuer à injecter leur électricité, quitte à aggraver la saturation du réseau.
Pour les consommateurs, l’ironie est cruelle : l’électricité peut se vendre à -50 € le mégawattheure sur le marché, mais ils continuent à la payer autour de 20 centimes du kilowattheure. Le « signal prix » ne passe pas, regrette la CRE. Contrairement à d’autres pays européens, comme l’Espagne ou la Suède, la France n’a pas généralisé les offres dites « dynamiques », qui suivent les variations horaires du marché.
Ces prix négatifs ont pourtant un coût bien réel. Quand les producteurs sous contrat continuent à injecter leur électricité dans ces conditions, l’État doit compenser les pertes. Selon la CRE, l’arrêt des installations concernées lors des heures de prix négatif aurait permis d’économiser 15 millions d’euros rien qu’au premier semestre 2024. Et le compteur tourne encore plus vite cette année.
La question d’une réforme du mécanisme de soutien aux renouvelables est donc de plus en plus pressante. Plusieurs experts estiment que l’incitation actuelle pousse à une production aveugle, sans tenir compte des besoins réels du réseau… Une situation ubuesque.
Pourtant, des alternatives existent. L’option Tempo d’EDF, ou les offres de fournisseurs comme Ohm Énergie et TotalEnergies, tentent d’introduire une forme de flexibilité tarifaire. Mais ces formules restent marginales et souvent peu lisibles pour le grand public.
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