La franchise Godzilla, la plus longue de l’histoire du cinéma, est née sur les cendres des bombes atomiques qui ont frappé Hiroshima et Nagasaki il y a 80 ans. Et comme le regard sur le nucléaire, le protagoniste principal a beaucoup évolué depuis.

Alors que l’on commémore les 80 ans des bombardements qui ont dévasté les villes de Hiroshima et de Nagasaki en 1945, c’est l’occasion d’évoquer une figure étroitement liée à la bombe atomique : Godzilla !

Monstre emblématique du cinéma japonais, à l’aspect de dinosauredinosaure plus ou moins gigantesque selon ses apparitions, celui que l’on nomme Gojira dans sa langue natale, voit le jour en 1954 comme une métaphore assez transparente des dangers liés au « feu nucléaire ». 

Lors de sa première apparition, il est ainsi décrit comme étant né à partir des déchets radioactifsdéchets radioactifs issus d’une ancienne bombe nucléaire. Ce qui permet de désigner sans le nommer directement l’ennemi américain. Et ce, l’année même où l’armée des États-Unis entame de nouveaux essais encore plus puissants qu’Hiroshima dans le Pacifique. La peur de la bombe atomique est donc d’autant plus forte dans la culture japonaise.

Bande annonce du premier Godzilla, sorti en 1954.

Et si Godzilla devenait gentil ?

Mais le monstre évolue. À l’horreur aveugle et destructrice des débuts succèdent quelques années en dents de scie où l’on découvre Godzilla père de famille, robotrobot, mais aussi et surtout défenseur de la Terre contre des monstres extraterrestres.

Ce qui pourrait n’être vu que comme un moyen de faire durer une franchise autour d’une créature devenue extrêmement populaire, est aussi à mettre en relation avec l’évolution du rapport au nucléaire.

Si l’arme atomique reste un ennemi absolu, la science autour du nucléaire est pourtant bel et bien ce qui fait tourner l’économie du Japon, jusqu’à lui faire connaître une croissance phénoménale pour un pays complètement miné par la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1960 et 1970, le Japon se lance à corps perdu dans la technologie de pointe, l’électronique et les centrales nucléairescentrales nucléaires. Pendant que Godzilla se démène pour protéger l’humanité face à King Ghidorah en 1965, Hedorah en 1971 ou Mechagodzilla en 1974.

Bande annonce de Godzilla Resurgence sorti en 2016.

Toujours politisé à l’heure de l’engagement écologique

Comble de l’ironie, Godzilla devient même américain en 1998. Roland Emmerich joue à fond la carte patriotique, faisant oublier Hiroshima et Nagasaki en prétendant même que le monstre destructeur est né à cause d’essais nucléaires français !

Mais si le message initial de Godzilla semble bien dénaturé au vu des dizaines d’adaptations parfois bancales, le sous-texte politique demeure dans les esprits. La nouvelle franchise américaine apparue en 2014 tente de moderniser l’esprit en apportant des personnages qualifiés d’écoterroristes, pendant que les japonais n’ont pas oublié la force évocatrice du monstre.

Après la catastrophe de Fukushima, la peur d’un désastre nucléaire et d’une mort venue de la mer réapparaît au grand jour. Le tsunami de 2011 a marqué les esprits et c’est à cela que fait référence Godzilla Resurgence (ou Shin Godzilla) sorti en 2016.

Après Fukushima, et au-delà

Dans ce film, Godzilla est bien produit par une contaminationcontamination nucléaire, et détruit tout sur son passage. Mais le monstre est presque secondaire. L’essentiel de l’histoire se déroule dans des bureaux, au milieu d’une masse administrative étouffante et inefficace qui ne sait pas comment gérer la crise.

On y croise des fonctionnaires, des experts, des chefs de cabinet, des groupes de travail, des sous-directeur de département… Bref, une bureaucratie bruyante et inutile impuissante face au désastre qui se profile. Ensuite, Godzilla Minus One (2023) aborde frontalement les bombardements de Hiroshima et Nagasaki en se plaçant à peine quelques années après.

70 ans après sa création, Godzilla est désormais la plus longue franchise de l’histoire du cinéma. Un monstre qui fut destructeur, héroïque, ou simplement le fruit de nos erreurs. Et si le prochain film intitulé Godzilla x Kong : Supernova, attendu pour 2027, ne promet pas autre chose qu’un grand spectacle à l’hollywoodienne, il est bien la preuve que le monstre n’est pas prêt de disparaître.