Ayrton Senna, Michael Schumacher et Lewis Hamilton comptent parmi les légendes des Grands Prix, mais il y a eu d’autres as du pilotage avant l’avènement de la Formule 1. Du Grand Prix de l’Automobile Club de France (ACF) inaugural, en 1906, à l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, le sport automobile s’est développé rapidement et de nombreux personnages étaient autant des pionniers que des pilotes.
Certains d’entre eux sont devenus les premiers professionnels du sport automobile et ont dû affronter des circuits de piètre qualité et des voitures difficiles, sans parler du fait que les premiers Grands Prix pouvaient durer plusieurs jours !
Pour établir notre liste des meilleurs pilotes de Grand Prix d’avant-guerre, nous avons pris en compte leur niveau de réussite, les machines dont ils disposaient, leur longévité et leur statut à leur époque.
10e : Robert Benoist
Benoist aurait été sacré Champion du monde en 1927 si un tel titre existait à cette époque.
- Années d’activité principales : 1924-29
- Équipes majeures : Delage, Bugatti
De nombreux pilotes auraient pu occuper la dixième place, notamment Pietro Bordino dont le palmarès relativement modeste ne fait pas honneur à sa pointe de vitesse. De même, le talent de Guy Moll lui aurait probablement permis de figurer sur la liste s’il n’avait pas connu la mort prématurément lors de la Coppa Acerbo 1934.
Benoist a eu un impact plus long et aurait été Champion du monde 1927 si un tel titre avait existé, compte tenu de sa domination cette saison-là. Pilote d’avion pendant la Première Guerre mondiale, Benoist a commencé la compétition après les hostilités et s’est montré rapidement prometteur avec Salmson. Il a rejoint Delage et est devenu l’un des principaux pilotes d’une équipe solide, terminant troisième du GP de l’ACF 1924 derrière son coéquipier Albert Divo.
Divo et Benoist ont fait équipe pour remporter le GP de l’ACF de l’année suivante, marqué par la mort d’Antonio Ascari (un autre candidat à cette liste). Benoist s’est véritablement distingué en 1927 : armé de la Delage Type 15, le Français a remporté quatre des cinq courses qui comptaient pour le Championnat du monde des manufacturiers, n’ayant pas pris le départ des 500 Miles d’Indianapolis. Sur le sec comme sur le mouillé, il a eu une longueur d’avance sur ses concurrents lors des GP de l’ACF, d’Espagne, d’Italie et de Grande-Bretagne.
Dans le livre Great Racing Drivers, WF Bradley décrit Benoist comme « le plus brillant pilote français de l’entre-deux-guerres ». Toutefois, les problèmes financiers de Delage l’ont brièvement laissé sans volant avant qu’il ne rejoigne Bugatti.
Benoist a couru de manière intermittente au cours des années suivantes, avec un succès limité, mais il a tout de même remporté sa dernière course, les 24 Heures du Mans 1937, avec Jean-Pierre Wimille pour le compte de Bugatti. Benoist a également dirigé le département compétition de la marque française avant de devenir agent secret pour la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a été déporté et exécuté à Buchenwald en 1944.
9e : Luigi Fagioli
Fagioli était un personnage fougueux et combatif.
- Années d’activité principales : 1930-36
- Équipes majeures : Maserati, Alfa Romeo, Mercedes
Sûrement l’un des personnages les plus tumultueux de l’histoire des Grands Prix, Luigi Fagioli était également rapide. L’Italien a rejoint Maserati en 1930 et en est devenu une pièce centrale au cours des deux années suivantes. En 1931, il a fini deuxième du GP de Monaco, derrière Louis Chiron, avant de remporter le GP de Monza face aux redoutables Alfa Romeo et Bugatti. Les succès n’ont pas été aussi nombreux en 1932 en raison de la domination d’Alfa, mais Fagioli s’était établi comme un pilote de premier plan.
Lorsque son rival Tazio Nuvolari a quitté la marque au Biscione lors de la saison 1933 pour rejoindre Maserati, Fagioli a fait l’inverse. Au volant de la P3, il a remporté le GP d’Italie et la Coppa Acerbo. Il a été sacré champion d’Italie cette saison-là, ce qui n’était pas un mince exploit compte tenu du nombre de talentueux compatriotes.
Pour son retour en compétition, en 1934, Mercedes s’est heurté à un problème. L’avenir de Rudolf Caracciola était encore inconnu après son accident à Monaco l’année précédente tandis que le prometteur Manfred von Brauchitsch n’avait pas encore fait ses preuves.
Fagioli était le pilote confirmé vainqueur en Grand Prix dont Alfred Neubauer, directeur d’équipe, avait besoin, mais leur collaboration ne s’est pas faite sans heurts. Presque immédiatement, le fougueux Italien est entré en conflit avec son nouveau patron. Après avoir reçu l’ordre de laisser la victoire à Von Brauchitsch lors de l’Eifelrennen 1934, Fagioli a tout simplement arrêté sa voiture.
Au GP de l’ACF, Fagioli a fait preuve de combativité en passant du fond du classement à la deuxième place, cependant des problèmes de freins l’ont contraint à l’abandon. Deuxième du GP d’Allemagne, derrière l’Auto Union de Hans Stuck, Fagioli a ensuite remporté sa première course pour le compte de Mercedes à la Coppa Acerbo, avant d’ajouter les GP d’Italie et d’Espagne à son palmarès, le premier en ayant relayé Caracciola et le second en ayant ignoré une nouvelle consigne d’équipe !
Si Fagioli a débuté la saison 1935 en dominant le GP de Monaco, la dynamique au sein de Mercedes s’est mise à changer avec le retour en force de Caracciola. Après une nouvelle prise de bec avec Neubauer au GP de Belgique, Fagioli a encore décidé de finir à pied.
Si Caracciola a remporté le titre européen cette année-là, Mercedes s’est retiré avant la fin de la campagne 1936, décevante pour la marque à l’étoile. Les participations de Fagioli ont donc été limitées. L’Italien n’a remporté aucune victoire et a rejoint Auto Union pour 1937, ce qui s’est avéré être une mauvaise décision.
Il est dit que Fagioli aurait agressé Caracciola avec un marteau après le GP de Tripoli 1937, et les courses suivantes ont démontré que le pilote n’était plus au sommet de son art. Bernd Rosemeyer est ainsi resté la star de l’équipe et Fagioli n’a plus jamais été un acteur de premier plan, bien qu’il ait fait partie de l’équipe Alfa Romeo dominatrice en 1950.
8e : Felice Nazzaro
Nazzaro a connu ses plus grands succès avec Fiat et a sans doute été la première star du sport automobile.
- Années d’activité principales : 1906-24
- Équipe majeure : Fiat
Felice Nazzaro a été l’un des premiers grands pilotes du sport automobile et figure dans cette liste en raison de la longévité de sa carrière. Il a terminé deuxième du GP de l’ACF inaugural, en 1906, et se battait encore pour la victoire quinze ans et une guerre mondiale plus tard. Nazzaro a commencé à courir avant le GP de l’ACF 1906 et s’est fait connaître comme un pilote raffiné, doué d’une grande sensibilité mécanique et d’un sens aigu de la préparation. De tels atouts étaient importants à l’époque des longues épreuves, des routes accidentées et des machines fragiles.
Employé Fiat de longue date, Nazzaro s’est distingué en 1907 avec le modèle 16,3 litres de 130 ch. L’Italien a remporté trois des épreuves prestigieuses de l’année, le GP de l’ACF, le Kaiserpreis et la Targa Florio (qui comptait une forte participation), à une époque où des machines similaires pouvaient être utilisées pour des courses au format différent. « Jamais auparavant un homme n’avait remporté trois grandes courses en une seule année », écrit Bradley dans Great Racing Drivers.
Nazzaro est resté un pilote de premier plan, luttant pour la victoire avant une panne moteur lors du GP de l’ACF 1908 et terminant troisième du GP d’Amérique de la même année. Après avoir quitté Fiat pour créer sa propre marque, qui a connu un succès modeste avec notamment une deuxième victoire à la Targa Florio en 1913, Nazzaro y a fait son retour en 1922.
Le règlement de la saison de Grands Prix imposait une cylindrée maximale de deux litres, bien loin des léviathans des débuts de Nazzaro, qui avait pris ses distances avec la compétition depuis plusieurs années. Mais avec la Fiat 804, il a remporté le GP de l’ACF et s’est classé deuxième en Italie, battu par son coéquipier, le rapide Pietro Bordino.
Nazzaro a également failli remporter le GP d’Italie 1923, s’inclinant en fin de course face à son coéquipier Carlo Salamano en raison de la défaillance de sa Fiat. Il a abandonné au GP de l’ACF de l’année suivante et est resté chez Fiat après sa retraite du sport automobile en tant que responsable des travaux routiers expérimentaux.
7e : Hermann Lang
Lang est passé du statut de mécanicien à celui de pilote de GP.
- Années d’activité principales : 1937-1939
- Équipe majeure : Mercedes
Hermann Lang est passé du statut de mécanicien à celui de pilote, et en est rapidement devenu l’un des meilleurs au monde. Ancien motard couronné de succès, Lang a saisi sa chance lors d’un test au volant de la Mercedes W25, sans aucune expérience de la compétition sur quatre roues. Il a suffisamment impressionné pour devenir le pilote junior de l’équipe, tout en restant le mécanicien de Fagioli.
Comme on pouvait s’y attendre compte tenu de son inexpérience, Lang a mis du temps à éclore au cours des quelques sorties qu’il a effectuées, entre 1935 et 1936, mais des progrès ont été observés lorsqu’il a obtenu un poste à plein temps en 1937, après le départ de Fagioli.
Impressionnant sur les circuits rapides, Lang a remporté le GP de Tripoli (en préservant mieux ses pneus que ses rivaux) et l’Avusrennen, ce dernier à une vitesse moyenne supérieure à 260 km/h. Il est également monté trois fois sur le podium au volant de la puissante W125, terminant troisième du championnat d’Europe derrière ses coéquipiers Rudolf Caracciola et Manfred von Brauchitsch.
Après avoir remporté le GP de Tripoli et la Coppa Ciano en 1938, Lang, à la tête froide et à l’esprit tactique, a été la référence de 1939. Il a remporté les GP de Belgique, de Suisse et de Pau, ainsi que l’Eifelrennen au Nürburgring. Sa victoire devant Caracciola à Bremgarten est d’autant plus remarquable qu’elle s’est déroulée sous la pluie, des conditions dans lesquelles il avait été peu performant auparavant.
Lang a également coiffé un troisième succès de rang à Tripoli, en devançant Caracciola pour un doublé Mercedes lors de l’unique sortie de la W165. Il avait désormais remplacé son compatriote en tant que leader d’équipe.
En raison d’un désaccord sur le système d’attribution des points et de l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, Lang n’a pas été sacré champion d’Europe en 1939, mais il ne fait aucun doute qu’il a été le pilote le plus remarquable de la saison. De tous les noms sur cette liste, Lang est probablement celui qui a le plus souffert de la perte de ses meilleures années de pilote pendant la Seconde Guerre mondiale, bien qu’il ait ajouté une victoire au Mans à son CV en 1952.
6e : Louis Chiron
Chiron a probablement décroché sa plus grande victoire au GP de l’ACF 1934.
- Années d’activité principales : 1927-36
- Équipes majeures : Bugatti, Alfa Romeo
Chiron a débuté la compétition au milieu des années 1920 sur des Bugatti. Ses prouesses lui ont permis de trouver une place dans l’équipe d’usine et il s’est illustré en 1928, remportant notamment les GP de Saint-Sébastien, d’Espagne et d’Italie.
Il aurait dû gagner sa course nationale, le GP de Monaco, en 1930, mais un problème d’accélérateur dans le dernier tour a offert la victoire à son coéquipier, René Dreyfus. Chiron a toutefois décroché sa première victoire en Principauté l’année suivante, en prenant la relève de son coéquipier Achille Varzi, victime d’une crevaison, et en battant la Maserati de Fagioli. Il a ensuite gagné le GP de l’ACF, une course de plus de 10 heures, au volant d’une Type 51 qu’il partageait avec Varzi.
La malchance et la puissance des Alfa Romeo d’usine l’ont privé du succès en 1932. Chiron a alors décidé de former une nouvelle équipe avec Caracciola, le duo achetant une paire d’Alfa, mais le partenariat a été de courte durée en raison du grave accident de l’Allemand lors des essais du GP de Monaco 1933.
L’année suivante, au volant d’une Alfa Romeo P3, Chiron a mené presque l’intégralité de la course sur le Rocher mais a été privé de la victoire lors du dernier tour, après le bris de sa direction. Trois mois plus tard, cependant, Chiron cueillait l’une de ses plus célèbres victoires.
À Montlhéry, théâtre du GP de l’ACF 1934, les Mercedes et Auto Union étaient les plus rapides mais assez fragiles. Chiron en a profité en prenant la tête dès le départ et ne l’a perdue que brièvement face à l’Auto Union de Stuck avant que son moteur ne tombe en panne. Toutes les machines allemandes ont connu des problèmes en essayant de rattraper Chiron, qui a mené Alfa vers le triplé.
Si le pilote n’a pas décroché de grandes victoires par la suite, des performances impressionnantes ont suivi. Chiron s’est ainsi classé troisième de l’Eifelrennen 1935 dans une P3, seulement battu par la Mercedes de Caracciola et le jeune prodige d’Auto Union, Bernd Rosemeyer. « Après la course, plusieurs membres des équipes allemandes l’ont félicité pour son pilotage », indique David Venables dans le livre First Among Champions: The Alfa Romeo Grand Prix Cars.
Chiron a rejoint Mercedes en 1936 mais n’est pas arrivé au bon moment en raison du manque de performance de la W25K. Malgré quelques coups d’éclat, il a souffert de la fiabilité hasardeuse de sa machine et a pris une semi-retraite peu après. « Il a été l’un des meilleurs pilotes du monde pendant plus de huit ans et on se souviendra toujours de son style raffiné », écrivait George Monkhouse à la suite de la décision de Chiron en 1936.
Chiron est revenu à la compétition après la Seconde Guerre mondiale, remportant le GP de l’ACF 1947 et terminant deuxième à Monaco l’année suivante. Il a même pris part à 15 épreuves du Championnat du monde de F1, montant sur le podium lors du GP de Monaco 1950, avant de raccrocher son casque et de devenir directeur général du Rallye Monte-Carlo et du GP de Monaco.
5e : Georges Boillot
Après deux victoires consécutives au GP de l’ACF, Boillot a été le perdant magnifique de l’édition 1914.
- Années d’activité principales : 1912-14
- Équipe majeure : Peugeot
Georges Boillot, plus grande star de l’époque précédant la Première Guerre mondiale, est devenu un héros en France lorsqu’il a remporté son GP national pour Peugeot en 1912. Le triomphe de sa relativement petite L76 face aux géants de Fiat a sonné le glas des monstres à gros moteurs et le début d’une approche plus sophistiquée du design automobile.
Mécanicien compétent qui pouvait également participer au travail de conception, Boillot pilotait avec précision. Seul David Bruce-Brown, tué dans un accident en octobre 1912, pouvait espérer l’égaler en termes de vitesse.
Malgré un retard dû à des problèmes d’allumage et à l’éclatement d’une durite de radiateur, Boillot a remporté le GP de l’ACF 1913, devançant Jules Goux pour un doublé Peugeot. Il a également gagné deux autres courses de moindre importance cette année-là, mais Boillot est peut-être le mieux connu pour sa plus grande défaite.
Le GP de l’ACF 1914 reste l’un des événements les plus emblématiques de l’histoire du sport automobile, 13 équipes étant représentées dans un peloton de 37 voitures pour une course de sept heures. Peugeot était le favori sur ses terres mais Mercedes faisait son retour en compétition avec cinq voitures. La course s’est rapidement transformée en une bataille entre Mercedes et Boillot. L’équipe allemande bénéficiait de pneus Continental plus résistants que les Dunlop de la voiture française et d’une meilleure tenue de route, mais Boillot pouvait compter sur des freins aux quatre extrémités (au lieu de deux, habituels à l’époque) et sur sa persévérance.
La Mercedes de Max Sailer était en tête au début de la course, poursuivie par Boillot, jusqu’à la casse de son moteur. Nouveau leader à l’approche de la fin de la course, malgré des arrêts aux stands supplémentaires, avec trois Mercedes toujours à sa poursuite, Boillot « pilotait comme quelqu’un d’inspiré, avec tout son corps et avec une superbe habileté », avait écrit le pilote et célèbre journaliste automobile Sammy Davis. « Son talent était superbe, son pilotage magnifique à observer. »
Utilisant chaque centimètre carré de la piste, contrairement aux Mercedes, Boillot a fini par céder dans les derniers kilomètres, lorsque le moteur de sa Peugeot a rendu l’âme, laissant les Mercedes faire le triplé et son coéquipier Jules Goux prendre la quatrième place, à près de dix minutes du vainqueur Christian Lautenschlager.
Cela a été le dernier Grand Prix de Boillot. La Première Guerre mondiale a débuté quelques jours plus tard et le pilote, devenu un as de l’aviation, a été abattu en 1916.
4e : Achille Varzi
Varzi a brillé avec Alfa Romeo et Bugetti mais la dernière partie de sa carrière a été marquée par la toxicomanie.
- Années d’activité principales : 1928-36
- Équipes majeures : Alfa Romeo, Bugatti, Auto Union
Également ancien pilote moto, Varzi avait un style lisse qui contrastait avec celui de son compatriote Tazio Nuvolari, plus flamboyant. Leur féroce rivalité sur la piste a débuté lorsque Varzi a rejoint la nouvelle équipe de Nuvolari en 1928. Ce dernier ayant eu tendance à prendre le dessus sur le premier, Varzi décida alors d’acheter une Alfa Romeo P2 vieillissante.
L’Italien a remporté quelques courses avec cette machine, notamment le GP de Monza, et est devenu champion national. Cela lui a permis d’intégrer l’équipe Alfa d’usine aux côtés de Nuvolari, qui l’a battu lors de Mille Miglia épiques en avril 1930. Varzi a riposté en remportant la Targa Florio malgré un petit incendie sur sa P2, qui avait été améliorée par l’usine.
Ayant repéré la montée en puissance de la nouvelle firme Maserati, Varzi a alors quitté Alfa pour acquérir une 26M. Il l’a immédiatement faite triompher à la Coppa Acerbo, puis aux GP de Monza et d’Espagne pour redevenir champion d’Italie. En fin de saison, Varzi a cependant à nouveau changé de crèmerie en rejoignant Bugatti. La firme française n’était plus dans sa période la plus faste mais Varzi a continué à accumuler les victoires. Il a remporté le GP de l’ACF 1931 en partageant le volant avec Louis Chiron, puis s’est battu contre l’Alfa de Nuvolari au GP de Belgique jusqu’à la casse de sa Type 51.
Toujours chez Bugatti, Varzi a remporté l’une de ses plus belles victoires lors du GP de Monaco 1933. En pole position, l’Italien a été rejoint par l’Alfa 8C Monza de Nuvolari, qui était quatrième… « Pendant trois heures et demie et 100 tours, les deux Italiens se sont livrés un duel qui a rarement, voire jamais, été égalé », écrit Chris Nixon dans Racing the Silver Arrows: Mercedes-Benz versus Auto Union 1934-39.
« Dans la montée vers le Casino, au dernier tour, Varzi a maintenu la Bugatti en troisième [vitesse] et, moteur hurlant, dépassé Nuvolari. Tazio, lui aussi, est monté en régime mais l’effort était trop important pour le moteur de l’Alfa et une conduite d’huile s’est rompue. »
La star de Bugatti était sur le déclin, cependant. Varzi a rejoint la Scuderia Ferrari pour 1934, au moment où le rouleau compresseur allemand se mettait en place. Les victoires ont été rares, bien que Varzi ait remporté de justesse le GP de Tripoli face à son coéquipier et étoile montante Guy Moll, ainsi que la Targa Florio. Il a obtenu suffisamment de bons résultats pour remporter sa troisième couronne italienne.
Varzi a rejoint Auto Union en 1935 et rapidement pris le rythme, s’illustrant à Tripoli et remportant la Coppa Acerbo. Mais au cours de la saison 1936, sa partenaire Ilse Engel l’a initié à la morphine. Après avoir survécu à un terrible accident à Tunis, Varzi a vu la toxicomanie s’installer dans son quotidien. Sa forme a rapidement décliné, parfois il ne se présentait pas aux épreuves.
Absent de l’équipage Auto Union en 1937, Varzi y est brièvement revenu mais sa santé lui a fait comprendre que ses meilleurs jours étaient derrière lui. Le pilote a vaincu sa dépendance pendant la Seconde Guerre mondiale et a fait un retour réussi à la compétition en 1946 avec Alfa Romeo, avant de mourir dans un accident lors des essais du GP de Suisse 1948.
Une fin cruelle pour un pilote qui commettait rarement d’erreur : cela n’était que son deuxième accident grave. D’une certaine manière, il était l’Alain Prost de son époque et Nuvolari l’Ayrton Senna, mais son train de vie tumultueux l’a probablement empêché d’accumuler encore plus de succès.
3e : Bernd Rosemeyer
Rosemeyer a maîtrisé la délicate Auto Union Type C comme personne d’autre.
- Années d’activité principales : 1935-37
- Équipe majeure : Auto Union
« Y a-t-il jamais eu un phénomène de la course automobile comparable à Bernd Rosemeyer ? » s’interroge Nixon dans Racing the Silver Arrows. « Certainement pas. » Preneur de risques talentueux, cet ancien pilote moto a fait irruption sur la scène automobile en 1935, a remporté le championnat d’Europe l’année suivante, puis n’a effectué qu’une seule saison de plus avant d’être tué lors d’une tentative de record de vitesse, à l’âge de 28 ans.
Après avoir fait bonne impression lors d’un test Auto Union fin 1934, il a intégré l’équipe de course en tant que pilote junior l’année suivante. Et ses débuts en course automobile ont eu lieu sur l’Avus, l’un des circuits les plus rapides du monde, dans une voiture de Grand Prix ! Contraint à l’abandon à la suite d’une crevaison, Rosemeyer a ensuite attiré l’attention de tous en manquant de battre le maître du Nürburgring, Rudolf Caracciola, lors de l’Eifelrennen.
Son pilotage intrépide a été la cause de nombreux incidents mais sa pointe de vitesse était évidente. Sa première victoire a été décrochée à Brno, en septembre, devant l’Alfa Romeo de Nuvolari, bien qu’en l’absence de l’équipe Mercedes.
En 1936, l’Auto Union Type C s’est avérée trop compétitive pour la capricieuse Mercedes W25K. L’année de Rosemeyer commença mal toutefois avec un accrochage lors du GP de Monaco et quelques incendies mais une victoire lors de l’Eifelrennen, course hors-championnat mais non moins importante, relança sa saison.
Sur le mouillé et dans le brouillard, Caracciola menait la danse avant d’être dépassé par l’Alfa Romeo de Nuvolari et par Rosemeyer, puis d’abandonner sur ennui mécanique. L’Allemand a ensuite pris le dessus sur l’Italien et s’est imposé. « Rosemeyer devait être capable de sentir son chemin à travers le brouillard », avait estimé Motor Sport.
Rosemeyer s’est ensuite imposé au GP d’Allemagne, sur la même piste, et a remporté le GP de Suisse à Bremgarten et le GP d’Italie à Monza pour s’emparer de la couronne européenne. Il a également remporté l’importante Coppa Acerbo.
Un vent de travers a entraîné la mort de Rosemeyer en janvier 1938.
La légendaire W125 a remis Mercedes aux avant-postes en 1937, mais il y eut encore des moments forts pour Rosemeyer et Auto Union. Il a à nouveau gagné l’Eifelrennen et la Coppa Acerbo, ainsi que la Vanderbilt Cup et le GP de Donington en fin de saison, bien que Caracciola ait été sacré.
« Dans ce rythme infernal que nous nous imposions mutuellement, tout était impitoyablement dur », avait écrit Caracciola dans son autobiographie. « Nous ne nous accordions pas une seconde. C’était la jeunesse sauvage et orageuse contre l’expérience d’un adversaire de dix ans plus âgé. Il voulait me pousser de mon trône alors que je voulais y rester encore un peu. »
Un vent de travers lors d’une tentative de record de vitesse a entraîné Rosemeyer dans un accident mortel en janvier 1938, mettant un terme à une carrière qui aurait pu le mener au sommet de cette liste. Rosemeyer a remporté près d’un tiers de ses courses en GP et s’est assuré que son nom reste dans les mémoires.
« Nous avons craint pour sa vie à chaque course », avait reconnu Caracciola. « D’une certaine manière, je ne pense pas qu’une longue vie lui était promise. Cela devait arriver tôt ou tard. Mais que sa fin survienne au cours d’une tentative de record de vitesse, personne ne s’y attendait. »
Et Nixon de conclure : « Dans une époque comptant de très grands pilotes, Rosemeyer était un véritable phénomène, un pilote de course de génie. »
2e : Rudolf Caracciola
Caracciola était considéré comme le pilote le plus complet de son époque.
- Années d’activité principales : 1926-39
- Équipes majeures : Mercedes, Alfa Romeo
Rudolf Caracciola a peut-être été le pilote le plus complet de son époque. Rarement exubérant au volant, l’Allemand a accumulé plus de victoires majeures que tout autre pilote et a remporté ses trois couronnes européennes après avoir subi un accident qui a failli mettre fin à sa carrière.
Travaillant comme vendeur, Caracciola avait demandé à Mercedes, qui l’employait, un volant et s’est fait connaître en remportant le GP d’Allemagne 1926, sur l’Avus, dans des conditions dantesques. Ses prouesses par mauvais temps ont fait de lui le premier « regenmeister » (maître de la pluie) de l’Histoire. Sa course à bord de la W25K lors du GP de Monaco 1936, au cours duquel il a relégué Varzi, deuxième, à près de deux minutes, est l’une des plus grandes performances par temps de pluie.
Après quelques succès majeurs au volant des monstrueuses voitures de sport SSK/SSKL, notamment aux RAC TT 1929, Mille Miglia 1931 et GP d’Allemagne 1931, Caracciola fut contraint de courir avec des Alfa Romeo en 1932 à la suite du retrait de Mercedes.
Il a tenu tête à Nuvolari au GP de Monaco de la même année avant de se rabattre sur la deuxième place pour permettre à l’Italien de l’emporter avec une voiture mal en point et ainsi s’attirer les faveurs de l’équipe d’usine. Une décision judicieuse puisque Caracciola a ensuite remporté le GP d’Allemagne, devant Nuvolari, pour le compte de l’usine.
Il a formé une nouvelle équipe, la Scuderia CC, avec son ami Chiron pour engager une paire d’Alfa Monza en 1933, mais un grave accident aux essais à Monaco l’a mis hors course pendant de nombreux mois et l’a laissé boiteux à vie.
Caracciola a fait son retour avec Mercedes en 1934 mais les doutes subsistaient quant à sa capacité physique à gérer les machines de Grand Prix, et la mort de sa femme Charlotte dans un accident de ski n’a fait que renforcer sa douleur. Mais son ami Alfred Neubauer, directeur de l’équipe de course de la marque à l’étoile, lui a donné du temps pour récupérer et des signes d’amélioration sont apparus au cours de la saison.
En 1935, Caracciola et la W25 formaient la combinaison parfaite. L’Allemand a mené une course intelligente à Tripoli pour l’emporter : dans une épreuve aux multiples arrêts au stand, il a laissé passer l’Alfa Bimotore de Nuvolari pour qu’il se batte avec l’Auto Union de Varzi, puis a pris les commandes lorsque les deux voitures rentrèrent au stand avec des pneus détruits.
Rudolf Caracciola, Mercedes-Benz W125
En plus de l’Eifelrennen, hors-championnat, Caracciola a également remporté les GP de l’ACF, de Belgique, de Suisse et d’Espagne de cette année-là pour s’emparer de la couronne européenne.
Les principaux problèmes liés à la formule 750 kg concernaient les pneus et les freins, alors que les puissances augmentaient fortement, ce qui a joué en faveur de l’approche mesurée de Caracciola. « Le vainqueur des courses de cette époque n’était pas le pilote le plus rapide dans les virages, qui freinait au dernier moment, mais celui dont l’expérience ou l’instinct lui permettait de prendre les courbes en utilisant le moins possible les freins et les pneus », a écrit Adriano Cimarosti dans The Complete History of Grand Prix Motor Racing.
Hormis son récital à Monaco et une victoire à Tunis, Caracciola a connu une année 1936 médiocre en raison du manque de compétitivité de sa Mercedes, mais il a rebondi pour remporter le titre en 1937 au volant de la légendaire W125 de 650 ch. Il a remporté les GP d’Allemagne, de Suisse et d’Italie, trois des cinq manches comptant pour le championnat d’Europe, ainsi que le GP de Tchécoslovaquie face à des adversaires de premier plan.
La puissance et la vitesse devenant trop élevées, les voitures de GP furent limitées à des moteurs suralimentés de trois litres pour 1938. Caracciola a décroché sa troisième couronne européenne, mais Lang devenait de plus en plus menaçant et a pris le leadership en 1939.
Caracciola a néanmoins réussi à remporter le GP d’Allemagne pour la sixième fois en 1939. Cinq de ces victoires ont eu lieu sur le Nürburgring, où il a également remporté quatre Eifelrennen, soulignant ainsi sa maîtrise de ce circuit réputé.
Peu avant sa mort au GP de Belgique 1939, le pilote Richard Seaman avait estimé que Caracciola, Rosemeyer et Nuvolari étaient dans « une classe à part » dans la course automobile : « Rosemeyer et Nuvolari avaient tous deux une maîtrise absolument incroyable de leur voiture et pouvaient se livrer aux plus extraordinaires ‘voiturobaties’ pour se sortir de toute situation difficile dans les virages. »
« Caracciola, personnage calme et discret face aux personnalités hautes en couleur de ses deux rivaux, est pourtant à mon avis le pilote le plus parfait au monde sur le plan technique. Il est très rare de voir sa voiture prendre un virage autrement qu’en glissade parfaitement contrôlée. »
1er : Tazio Nuvolari
Tazio Nuvolari, l’un des plus grands selon Enzo Ferrari.
- Années d’activité principales : 1928-39
- Équipes majeures : Alfa Romeo, Maserati, Auto Union
Nuvolari, un autre ancien (excellent) pilote moto a été classé, avec Stirling Moss, parmi les plus grands pilotes qu’Enzo Ferrari ait jamais vus. Il était largement considéré comme la référence de son époque. Après s’être essayé aux voitures, Nuvolari a acheté deux Bugatti pour courir aux côtés de Varzi. Il a remporté le GP de Tripoli 1928, mais c’est en rejoignant Alfa Romeo que sa carrière a véritablement décollé.
Déjà vainqueur des Mille Miglia et Targa Florio, Nuvolari a été la star de l’année 1932, d’abord au volant de la 8C Monza puis celui de la P3. Il a triomphé aux GP de Monaco, d’Italie et de l’ACF, ainsi qu’à la Coppa Acerbo, et s’est emparé de la couronne européenne.
Nuvolari était l’homme à battre en 1933 mais la fiabilité hasardeuse de son Alfa Romeo l’a poussé à quitter le navire pour Maserati en cours de saison. Et puisqu’il s’est immédiatement mis à gagner, Alfa n’a pas eu d’autre choix que céder ses P3, mises au placard, à l’équipe privée d’Enzo Ferrari, dont les relations avec l’homme de Mantoue ont souvent fluctué.
Varzi a rejoint Auto Union en 1935, mais Ferrari ne voulait pas se séparer de son pilote. « Il savait que Nuvolari lui offrait la possibilité de battre les Allemands et de remettre Alfa Romeo au sommet », peut-on lire dans First Among Champions. « Même si les voitures n’étaient pas aussi bonnes, l’impossible et incroyable habileté de Nuvolari pouvait lui donner une chance de décrocher la victoire. »
Avec l’arrivée de l’armada allemande, Nuvolari s’est retrouvé dans le rôle de l’outsider. De retour au volant d’Alfa engagées par Ferrari, il a renforcé sa réputation en étant une épine dans le pied des Flèches d’Argent, remportant probablement sa plus célèbre bataille lors du GP d’Allemagne 1935, sur piste mouillée, au volant d’une P3.
Face à neuf voitures allemandes, Nuvolari circulait au sixième rang en début de course. Il s’est ensuite lancé dans une fantastique course-poursuite, se hissant à la deuxième place avant de dépasser la Mercedes de Caracciola, en tête. Un ravitaillement désastreux semblait avoir mis Nuvolari hors course, mais il a vite dépassé Fagioli, Rosemeyer, Caracciola et Stuck. À la poursuite du leader Von Brauchitsch, il a vu l’infortuné Allemand être victime d’une crevaison dans les derniers instants.
Nuvolari a affronté les puissantes voitures allemandes et a souvent triomphé dans son rôle d’outsider.
Les accidents n’étaient pas rares et Nuvolari, un pilote prêt à courir même blessé, pas du genre à s’occuper du bien-être de sa machine. Une fois, sur le rapide Avus, il a détruit ses pneus en seulement deux tours. « Parfois, l’intense compétitivité de Nuvolari semblait l’emporter sur la prudence et le bon sens », estime David Venables.
Mais c’est aussi cet acharnement qui a permis à Nuvolari de réaliser des miracles. Il a à nouveau battu les équipes allemandes lors du GP de Hongrie 1936 et enfin roulé en argent en intégrant l’équipe Auto Union.
Nuvolari a maîtrisé les machines à moteur central et assuré le rôle de leader d’équipe après la mort de Rosemeyer. Si Mercedes a eu l’avantage entre 1938 et 1939, Nuvolari a remporté les GP d’Italie et de Donington en 1938, ainsi que le GP de Yougoslavie l’année suivante. Ce dernier succès, peut-être fort à propos, a fait de lui le dernier vainqueur de Grand Prix d’avant-guerre. Même si, en fait, la course de Belgrade s’est tenue deux jours après le début officiel de la Seconde Guerre mondiale.
En dehors du monde des GP, Nuvolari s’est également imposé lors de sa seule participation aux 24 Heures du Mans, en 1933, et a failli réaliser un autre miracle lors des Mille Miglia 1947, à l’âge de 54 ans, s’inclinant au volant de sa minuscule Cisitalia de 1,1 litre après que son moteur a commencé à avoir des ratés.
« Même s’il était dépourvu de toute arrogance, il savait qu’il était le plus grand pilote au monde ; pas nécessairement le plus performant, mais le plus grand », avait écrit John Eason-Gibson dans Great Racing Drivers. « C’est lui qui a prouvé qu’il était possible de battre la farouche discipline tant vantée des équipes allemandes. »
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