Il entend en effet adapter le livre de son ami, Charles Pellegrino, Ghosts of Hiroshima. Une histoire aussi authentique qu’improbable, celle de Tsutomu Yamaguchi, un ingénieur japonais décédé le 4 janvier 2010 à deux mois de son 94e anniversaire. « Il était à Hiroshima pour son travail, mais vivait à Nagasaki, a expliqué James Cameron à Rolling Stone. Il a subi les effets de l’explosion, avec des brûlures, puis est retourné à Nagasaki pour se présenter à son travail chez Mitsubishi Heavy Industries. Il a expliqué à son supérieur que Hiroshima avait disparu, anéantie en un instant. Son supérieur lui a répondu : ‘C’est impossible. Vous êtes ingénieur. Vous savez que cela ne peut pas arriver’. » Peu de temps après, son chef mourrait, lors de l’attaque nucléaire contre Nagasaki. Tsutomu Yamaguchi, lui, a s’en est à nouveau sorti. « Survivre à deux explosions nucléaires de suite, c’est sans doute la statistique la plus improbable de l’histoire », ajoute James Cameron. L’ingénieur a passé le reste de sa vie à combattre cette arme destructrice. « Ce n’était pas un grand orateur, poursuite le cinéaste, mais son message était très simple : ‘J’ai été bombardé deux fois par des armes nucléaires et j’ai survécu. Peut-être ai-je survécu pour une raison, pour faire cela. Je suis capable de pardonner aux personnes qui ont largué ces bombes. Et je suis capable de pardonner ce qui m’est arrivé, à ma famille, à ma ville et à mon pays. Si je peux pardonner cela, vous pouvez tout pardonner’. »
« Avoir un impact positif »
Un discours qui va droit au cœur du réalisateur de 70 ans. « Depuis 20, je justifie Avatar non pas en fonction de l’argent, mais par l’espoir d’avoir un impact positif. »
Avec Ghosts of Hiroshima, il entend dépasser l’événement historique pour élargir le débat. « Bien sûr, il existe un parti pris occidental à propos Hiroshima, explique-t-il dans Discussing Film. Cela reste un sujet brûlant, même des années plus tard. Cela déclenche toutes ces notions nationalistes et patriotiques qui poussent les gens à nier la réalité. Je suis sûr que mon film va raviver toutes ces controverses, mais peu importe. Plutôt que polémiquer, je veux vous montrer ce que c’était. Vous êtes simplement là. Vous êtes témoin de l’histoire, vous êtes témoin de ce qui s’est passé. Mon film doit finalement réussir à faire comprendre que toute personne que vous ciblez, toute personne contre laquelle vous pensez pouvoir justifier l’utilisation d’une arme, est un être humain. Elle vit sur cette terre et obéit aux mêmes règles que nous : le besoin d’amour, le besoin d’une famille, le besoin d’être pris en charge. De plus, quels que soient leurs défauts et leurs agressions, en fin de compte, ce sont des êtres comme nous. J’espère que ce film pourra faire passer ce message et montrer les horreurs que représente l’utilisation de ces armes. »
« Il y a trois menaces existentielles »
À ses yeux, la bombe atomique ne constitue pas la seule source de crainte. « Il y a trois menaces existentielles : le climat avec toutes les dégradations de la nature, les armes nucléaires et la super-intelligence. Et elles atteignent toutes leur pic en même temps. »
Fan de nouvelles technologies, il se montre plutôt favorable à l’IA (« elle permet de couper de moitié les frais d’effets spéciaux ») sauf dans deux cas : l’écriture de scénarios (« elle ne parviendra jamais à émouvoir le public ») et le domaine militaire. « Je pense vraiment qu’il existe toujours un risque d’apocalypse à la Terminator en associant l’IA à des systèmes d’armement, voire à des armes nucléaires, à des contre-attaques nucléaires défensives, et tout ça, conclut-il dans Rolling Stone. Étant donné que le théâtre des opérations évolue très rapidement et que les délais de décision sont très courts, il faudrait une super-intelligence pour pouvoir traiter tout cela, et peut-être serons-nous assez intelligents pour garder un humain dans la boucle. «
C’est le propre des grands cinéastes : offrir en même temps des spectacles marquants et des pistes de réflexion. Et James Cameron fait partie des géants du 7e art.