Ça n’arrête pas. En ce début août, le ballet des navires de la Corsica Ferries bat son plein dans le port de Toulon. Les bateaux à tête de Maure font le bonheur des touristes qui se rendent sur l’île de beauté ou qui rentrent sur le continent… mais pas toujours celui des locaux. Nombre d’entre eux continuent, année après année, de se plaindre de la pollution générée sous leurs fenêtres par le trafic maritime. Et de crier leur ras-le-bol (entre autres) sur les réseaux sociaux.
Pourtant les installations d’alimentation électrique à quai sont aujourd’hui « pleinement opérationnelles », assure le consortium ABB (1) qui a conduit les travaux de cette infrastructure écologiquement vertueuse, considérée comme « la plus grande jamais réalisée en France ». Autrement dit, quand un ferry arrive à Toulon, il peut désormais éteindre son générateur diesel pour se connecter aux câbles moyenne tension d’Enedis. En théorie donc, fini les fumées qui empoisonnent l’air toulonnais. Mais en théorie seulement.
Certains navires ne sont pas encore compatibles
Pas besoin d’être ingénieur pour constater que les cheminées des navires amarrés cet été crachent toujours autant. Pour quelles raisons? Le militant Guillaume Picard, cofondateur du collectif Stop croisières, a sa petite idée sur la question. « Pour les compagnies, ça revient 3 à 6 fois moins cher de produire son courant à bord que de payer à la Chambre de commerce pour se brancher à quai« , peste celui qui est lui-même… commandant de ferries en retraite.
Un raisonnement qui serait pour le moins fumeux, d’après la métropole TPM, qui a porté ce projet dit « CENAQ ». « En réalité, tous les navires de Corsica Ferries ne sont pas encore compatibles avec ce système de connexion », explique-t-on à l’intercommunalité. « Par ailleurs, en raison du temps nécessaire à l’arrêt et au redémarrage des groupes électrogènes, au couplage et à la manutention des équipements de raccordement, la connexion n’est pas activée pour des escales inférieures à 2h30 ».
En d’autres termes, si tout est en ordre de marche pour purifier l’atmosphère des oxydes d’azote, de soufre et autres particules fines quand les bateaux jaune et blanc sont en bord de rade, dans les faits, la haute saison ne serait pas la meilleure période pour le constater. « L’été, les escales sont courtes – 1h30 en moyenne », confirme la Corsica Ferries. « Ce délai est trop court pour rendre le branchement techniquement possible. »
Quant au fait que toute la flotte n’est pas encore adaptée au CENAQ, là aussi, l’armateur franco-italien confirme. Mais promet également qu’en 2026, toute son armada pourra se « pluguer » aux prises toulonnaises. « Aujourd’hui, 50% de la flotte est équipée, avec les navires Mega Express, Mega Express 2, Mega Express 3, Mega Express 5 et Mega Regina. Un programme d’investissement a été engagé sur les unités restantes. «
Une inauguration « en comité restreint »
Pour résumer, une partie des bateaux sont équipés, les installations marchent « depuis le 13 février »… mais les premiers n’utilisent pas les secondes. Ou presque. Corsica Ferries évalue tout de même à 250 heures de connexion le temps passé par ses navires au pied du Faron, groupe électrogène éteint. Un chiffre à relativiser, puisqu’ »incluant les phases de test et de certification » réalisés cet hiver et au printemps. En juillet, le Mega Regina s’est branché à seulement deux reprises. « Une montée en charge du dispositif » est annoncée pour la suite de l’été.
Dans ces conditions de « mise en exploitation progressive », on comprend mieux pourquoi aucun coupage de ruban n’a encore eu lieu. « Une inauguration en comité restreint, réunissant uniquement les acteurs du projet, sans présence médiatique » a déjà été organisée, affirme néanmoins ABB, qui promet une cérémonie officielle « ultérieurement ». En attendant, le département du Var se retrouve en alerte pollution ce dimanche. Des restrictions s’appliqueront à la circulation automobile. Mais toujours pas au trafic maritime.
1. Le consortium dirigé par le groupe suisse ABB comprend aussi Eiffage Construction (génie civil) et Fauché (installation et raccordement).