LE MATCH DES TUBES (26 / 40) – Avec « Les Sucettes », Serge Gainsbourg fait chanter un texte à double sens à France Gall tandis que Lio consacre un dessert glacé plein de sous-entendus.

Les chansons à double sens sont légion dans la variété française. Derrière un rythme sucré et léger se cachent des paroles aux sous-entendus plus ou moins évidents. Alors que ce sont des jeunes femmes qui les interprètent, on se demande si les auteurs ne se sont pas servis de la naïveté des artistes. Deux exemples pour ce nouveau duel : « Les Sucettes » de France Gall et « Banana Split » de Lio. Attention, à ne pas mettre dans toutes les oreilles.

Après sa victoire à l’Eurovision avec « Poupée de cire, poupée de son », France Gall, 19 ans, revient avec un nouveau titre signé Serge Gainsbourg : « Les Sucettes ». De son visage poupin, la chanteuse raconte l’histoire d’Annie qui aime les « sucettes à l’Anis » qui donnent à ses baisers « un goût ani… sé ». Pour ceux qui n’auraient pas saisi les subtilités, Gainsbourg laisse d’autres indices : « Pour quelques pennies, Annie a ses sucettes à l’anis. Elles ont la couleur de ses grands yeux, la couleur des jours heureux […] Lorsque le sucre d’orge, parfumé à l’anis, coule dans la gorge d’Annie. Elle est au paradis. » « No comment », comme dirait l’autre. Les paroles passent d’autant plus que la mélodie, sucrée à souhait, est un petit bijou sublimé par la voix enfantine de France Gall. Le problème, c’est que l’interprète n’a pas pipé mot à propos de ce morceau car elle n’a pas compris le double sens. « Je l’ai enregistrée très, très, très innocemment. Contrairement à ce qu’on a pu dire. Je suis partie au Japon pendant que le disque sortait à Paris. Les programmateurs de radio ont hurlé : « Elle est complètement folle, elle va se ridiculiser ». Moi, je n’en savais rien », expliquait la chanteuse en 1968. Un abus de faiblesse.

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Le mea culpa de Lio

En 1979, autre année érotique, Lio a 17 ans. La jeune fille interprète cette chanson signée Jay Alanski et Hagen Dierks et Jacques Duvall sur un « amour de dessert », le « Banana split ». Sur un rythme électro effréné, Lio se déhanche : « C’est le dessert que sert l’abominable homme des neiges à l’abominable enfant teenage. Un amour de dessert. » Les allusions s’enchaînent dans les couplets : « Baisers givrés sur les montagnes blanches, na-na-na. On dirait que les choses se déclenchent, na-na-na. La chantilly s’écroule en avalanche, banana. » Pas besoin de dessin. Un peu plus subtil que le titre de Gainsbourg, le morceau ne provoque que très peu de polémique car, différence majeure, Lio a tout de suite compris les sous-entendus. Surtout, il lance la carrière de Lio qui enchaînera les tubes et sera une des reines des années 1980. Mais 23 ans après, la chanteuse des « Brunes comptent pas pour des prunes » fait machine arrière dans un livre (« Toutes pour la musique », de Chloé Thibaud) : « Je sais que j’ai totalement ouvert la porte aux pédocriminels et que j’ai apporté de l’eau à leur moulin. Je m’en aperçois aujourd’hui. »

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Match difficile et polémique. D’un point de vue musical, « Banana Split » ne peut que l’emporter. Le morceau est un excellent titre porté par une mélodie entêtante et une formidable interprétation. Et puisque Lio le regrette, on pourra vous encourager vers une autre chanson à double sens et sur la même thématique : « Plus que tout au monde » de Pascal Obispo.