Sa peau est parsemée de tatouages. Trente d’entre eux font référence à son mari qu’elle a tant aimé. Son visage, ses yeux, les mots d’amour qu’il lui écrivait sont gravés en elle.

Un amour hors norme né dans l’ombre d’une sombre affaire. C’est en 2013 que Katie découvre Dominique Cosme… dans une émission de faits divers. « J’adore les émissions de crimes, et puis un jour je me suis réveillée au son de sa voix, comme ça, d’un coup. Et là j’ai vu ce médecin avec la larme à l’œil. J’ai eu un gros boom », se souvient-elle. Touchée, elle lui écrit. Il lui répond.

Deux semaines plus tard ils se rencontrent, puis s’installent ensemble, se marient et ne se quittent plus. À l’époque, même innocenté, Dominique Cosme, médecin biologiste, traîne le poids d’une lourde accusation. Celle d’avoir assassiné son associé.

Un enfer judiciaire

Le 28 février 1998, à Nice, Pascal Vito, 49 ans, est retrouvé sans vie allongé sur son lit. L’enquête s’oriente d’abord vers un suicide, puis vers un accident, avec un passage pour Dominique Cosme devant le tribunal correctionnel pour « homicide involontaire ». L’incompétence de la juridiction est requise, car pour le procureur Ludovic Dupré, les faits relevés sont « de nature à entraîner une peine criminelle ». Dominique Cosme, médecin biologiste, est alors accusé d’avoir volontairement administré à la victime une dose létale d’Équanil, un anxiolytique interdit depuis, dans le but de bloquer la vente du laboratoire de la rue Gioffredo à Nice dont il détenait 75% des parts. Et dans lequel, Pascal Vito jouait le financier sans que son nom n’apparaisse dans les statuts de la société, ni qu’il n’en détienne la moindre part. Par discrétion fiscale dit-on. L’information judiciaire est clôturée en octobre 2007.

Le 29 juin 2009, Dominique Cosme assisté de ses avocats, Maîtres Pascal Klein et Gérard Baudoux, comparait devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Après cinq jours d’un procès mouvementé et très médiatisé, le verdict tombe: Cosme est acquitté. Une décision probablement influencée par les réquisitions de l’avocat général Éric de Montgolfier, qui reconnaît publiquement ne pouvoir apporter la charge de la preuve. Il déclare: « Je suis entré dans cette enceinte convaincu de sa culpabilité. Aujourd’hui, je suis sûr de ne pas pouvoir la démontrer. Je ne sais pas s’il y a eu assassinat ou suicide. Quant à la dernière option, l’homicide par imprudence, je ne peux pas davantage prouver que l’accusé ait pris conscience du danger (en injectant par voie intraveineuse à son associé une dose d’équanil) ».

Un homme brisé

Pour Katie, le doute n’est pas permis. Dominique est innocent. « Il n’aurait pas fait de mal à une mouche. C’était un homme d’une sensibilité exceptionnelle, d’une extrême douceur », confie-t-elle. Elle souligne combien les 13 années de procédure l’ont profondément affecté. Même après son acquittement, Dominique restait hanté par cette affaire. « Il lui arrivait d’avoir le regard perdu. Je lui disais: “Arrête de ressasser le procès » ». Katie raconte que son mari se rendait fréquemment sur la tombe de Pascal Vito et fondait en larmes à chaque fois. Il parlait souvent de cet ami cher avec qui il avait des projets, selon la veuve. Des envies d’ailleurs.

Un deuil volé, une mémoire piétinée

Dominique Cosme meurt en décembre 2020 à l’âge de 74 ans, emporté par la Covid-19. Katie l’accompagne jusqu’à son dernier souffle. « J’ai tout fait. Je lui ai fait sa toilette mortuaire. C’était mon mari, ma moitié, mon organe vital. » Elle est aujourd’hui encore profondément dévastée et continue de faire face à ce qu’elle considère comme « des attaques ». Parfois, lorsqu’elle indique son nom, on lui rétorque: « Cosme? Comme l’assassin? ». Sur Facebook, elle a même dû changer de nom.

« Il a tellement été sali, on est même venu caillasser notre maison. J’en subis encore les affres aujourd’hui », souffle-t-elle. Et d’ajouter, épuisée: « En deuil, j’allume la télé: une émission. Je vais sur YouTube: un podcast. Des messages, des insultes. Des gens ont même volé des photos de moi avec lui pour les publier sans autorisation. » Une émission dénonce-t-elle a même osé titrer « Un médecin maquille un crime en suicide ». Elle contacte ses avocats, bataille, fait retirer l’épisode. « C’était un combat, en plein deuil, en plein choc post-traumatique. » Elle le dit sans détour: « Je veux qu’on respecte la mémoire de Dominique. Il a été acquitté. Il faut arrêter de haïr au nom d’une affaire qu’on ne connaît pas. »

Un appel à la paix et au respect

Une imprimante qui s’allume seule. Une lumière qui clignote. « Trois jours après sa mort, j’ai senti une pression sur mon pouce. Il m’avait promis de me faire des signes. Il tient parole », affirme-t-elle les yeux remplis de larmes. Pour le convaincre qu’il n’était pas un fardeau lorsqu’on lui a détecté un cancer de la prostate en 2015, elle l’a même redemandé en mariage, à son insu. « Je voulais lui montrer à quel point j’étais fière d’être son épouse ». Aujourd’hui, Katie demande la paix. Pour elle, pour lui. « On m’a volé mon deuil. Il est temps qu’on respecte la décision de justice de 2009. » Et elle conclut, le cœur serré: « C’était l’amour de ma vie. Et je veux que le monde le sache. »