Élu Meilleur joueur du Top 14 en 2022 avec Montpellier, qu’il a porté vers le tout premier Brennus de son histoire, Zach Mercer avait choisi de rentrer en Angleterre (à Gloucester) en 2023 pour renouer avec son destin international. Finalement jamais rappelé en sélection, l’Anglais (28 ans, 2 capes) a décidé de revenir en France cet été. Car le Top 14 et la façon de pratiquer le rugby dans l’hexagone lui manquaient? Ça tombe bien, le RCT avait besoin d’un n° 8 capable de renverser un adversaire, mais également de faire jouer autour de lui. Désormais Toulonnais, et ce pour les trois prochaines saisons, « Zack Merci » comme le surnomme déjà le vestiaire varois a (très) faim.

Alors que votre nom circulait depuis des mois, peut-être même des années, vous voilà enfin à Toulon…

Et quelle joie! C’est un endroit spécial, avec une atmosphère rare. Quand on voit le nombre de supporters [au moins 500] ce matin [le 5 août] pour un « simple » entraînement, c’est complètement irrationnel. Moi, je suis arrivé la première semaine de juillet. C’était un deal avec le staff médical. On voulait observer un peu mon genou avec les kinés, pour être certain qu’à la reprise, fin juillet, je serais à 100%. Puis ça m’a permis de prendre un peu la mesure de ma nouvelle vie à Toulon.

Justement, que savez-vous de Toulon?

Ça peut paraître anecdotique mais c’est à Mayol que j’ai fait mon tout premier match avec Montpellier, en septembre 2021. D’ailleurs, je vais faire mon premier match avec le RCT à Montpellier, c’est un chouette clin d’œil. À l’époque, lors de ces débuts avec le MHR, j’avais inscrit l’essai qui avait permis à Montpellier d’arracher le nul. J’espère que le public toulonnais ne m’en tiendra pas rigueur (rires). Pour revenir à la question, et en étant très honnête, je continue de découvrir Toulon, le club, la région. Tout le monde dit que c’est extraordinaire de jouer au rugby ici, et je le constate chaque jour.

Cependant, quand on est Anglais, porter ce maillot n’est jamais anodin…

Parce que Toulon, pour un Anglais, ça rime avec Jonny [Wilkinson], c’est bien ça? Bon, je suis lucide, si j’accomplis ne serait-ce que la moitié de ce qu’a réalisé Jonny ici, ce sera déjà extraordinaire. Moi, je veux gagner le Brennus et la Champions Cup. Pour la ville, pour le club, pour ce groupe. Pour Bernard [Lemaitre, le président]. Ça fait deux saisons que Toulon s’en rapproche, et je suis convaincu qu’on peut le faire depuis ma première discussion avec Pierre [Mignoni, le directeur du rugby] et Laurent [Emmanuelli, le directeur sportif]. Ils savent où ils veulent aller, et pouvoir travailler avec eux, mais également avec des légendes comme Andrea Masi ou Sergio Parisse, c’est fantastique.

À quand remontent les premiers contacts?

Bernard m’a contacté juste après ma non-sélection à la Coupe du monde 2023. Mais il me restait deux années de contrat avec Gloucester et je souhaitais les vivre pleinement. Il n’empêche que, rapidement après mon départ de Montpellier, le rugby français m’a manqué. Alors, même si ce n’était pas possible immédiatement, il était clair que j’avais envie de revenir en France. Donc, quand l’opportunité s’est présentée, je l’ai saisie des deux mains.

Revenir en France ok, mais on imagine que vous aviez d’autres opportunités que Toulon. Montpellier par exemple…

J’ai aimé plus que tout au monde mes deux saisons à Montpellier. Nous avons vécu des choses extraordinaires, remporté le premier Brennus de l’histoire du club, nous étions une bande de potes géniale… Nous avons vécu quelque chose de dingue mais, rouvrir cette parenthèse, c’était aussi risquer que ce soit moins génial. Puis le groupe a beaucoup changé, des très bons amis à moi sont partis. Et, de toute façon, j’aime relever de nouveaux défis, découvrir une nouvelle culture. Enfin, quand on voit les joueurs qui ont porté le n° 8 à Toulon, qui n’aurait pas envie de se challenger? J’aurais été dingue de ne pas signer au RCT.

Vous évoquez le n° 8. Les attentes autour du poste ont énormément évolué ces dernières années. On attend moins qu’il soit un tank, mais plutôt qu’il participe au jeu, ce qui est votre cas. Comment expliquer cette évolution?

Le rugby est de plus en plus rapide, les joueurs sont de plus en plus sveltes et tu n’as plus de joueurs dont la seule qualité est d’être lourd. Il faut d’autres compétences, car le ballon se déplace énormément et il faut multiplier les courses. De fait, le rôle du n° 8 a évolué. On attend qu’il participe au jeu. Regardez Mickaël Guillard à Lyon: il est ultra-puissant mais aussi très rapide, et a d’excellentes mains. Il y a des années, vu son gabarit, on l’aurait enfermé dans un profil de n° 5. Mais, aujourd’hui, on met ses qualités au profit de tout le pack, puisqu’il joue du poste 4 au 8. Donc d’un 8, on attend qu’il soit capable de renverser un mec, mais aussi de faire vivre le ballon. C’est le lien entre le pack et les trois-quarts.

Nous vous avons peu vu jouer depuis votre départ de Montpellier. Votre jeu a-t-il évolué depuis?

Quand je suis arrivé à Montpellier, j’avais 24 ans. Donc 60 matchs avec Montpellier et 30 avec Gloucester plus tard, heureusement que je ne suis plus tout à fait le même (rires). Pour tout vous dire, après mes saisons à Montpellier, j’avais tellement joué que mon corps me demandait un peu de repos. Je pense que, sur ce point, revenir en Angleterre m’a permis de faire du frais. Et je sens comme un renouveau. Dans la tête, dans le corps. Je vais même aller plus loin, mais avec un peu de recul, je pense que la blessure au genou (lire par ailleurs) m’a fait du bien. C’est dur d’être éloigné des terrains sept mois mais il faut comprendre que, depuis mes 18 ans, je n’avais jamais pu me mettre sur le bord de la route. Bath, Montpellier, Gloucester, des matches tous les week-ends… Là, j’ai fait du frais, et j’ai plus faim encore.

Là où certains joueurs vivent les blessures comme un jour sans fin, vous semblez avoir tiré des bénéfices de cette coupure…

Est-ce que je voulais être blessé? Non. Mais c’était fait, donc il fallait avancer. Et ça m’a notamment permis de passer un temps précieux avec mes enfants, ce qui n’aurait jamais été possible sans ma blessure. J’étais à la maison, je les ai vus grandir bien plus que je ne pouvais l’imaginer. C’était très spécial. Vous savez, je pense que les choses arrivent pour une raison. Mon corps était fatigué, j’avais besoin de passer du temps avec ma famille et, finalement, au sortir de cette blessure, je suis affamé. Excité de revenir.