La liste des journalistes tués dans la bande de Gaza s’allonge une nouvelle fois. Al Jazeera a annoncé la mort de cinq de ses journalistes dimanche 10 août lors d’une frappe israélienne dans l’enclave palestinienne, dont un reporter bien connu de ses téléspectateurs. L’armée israélienne a reconnu avoir délibérément ciblé ce dernier, le qualifiant de «terroriste».

Au moment où le gouvernement israélien se montre déterminé à mettre en œuvre son nouveau plan d’opération dans le territoire palestinien dévasté et affamé par vingt-deux mois de guerre, la chaîne basée au Qatar a fait état de «ce qui semble être une attaque ciblée israélienne» sur une tente utilisée par ses journalistes à Gaza-city, devant l’hôpital Al-Shifa.

Elle a fait part du décès de ses correspondants Anas al-Sharif et Mohammed Qreiqeh, ainsi que des cameramen Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal et Moamen Aliwa. Leurs noms s’ajoutent à la liste des près de 200 journalistes, selon Reporters sans frontières, tués dans la guerre lancée en représailles à la sanglante attaque du mouvement palestinien Hamas du 7 octobre 2023.

L’organisation de défense de la presse Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé ce lundi «avec force et colère l’assassinat revendiqué» par l’armée israélienne du journaliste de la chaîne Al Jazeera. «Anas al-Sharif, l’un des journalistes les plus célèbres de la bande de Gaza, était la voix de la souffrance imposée par Israël aux Palestiniens de Gaza», a déclaré l’ONG dans un communiqué, en demandant une «action forte de la communauté internationale pour stopper l’armée israélienne».

Selon RSF, «le Conseil de sécurité des Nations unies doit se réunir d’urgence sur le fondement de la résolution 2222 de 2015 sur la protection des journalistes en période de conflit armé», afin d’éviter «de tels meurtres extrajudiciaires de professionnels de médias». L’ONG souligne avoir déposé «quatre plaintes» contre l’armée israélienne «auprès de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre commis contre les journalistes à Gaza».

Anas al-Sharif, 28 ans, était l’un des visages les plus connus parmi les correspondants couvrant au quotidien le conflit à Gaza. L’armée israélienne a confirmé l’avoir ciblé, le qualifiant de «terroriste» qui «se faisait passer pour un journaliste». Il «était le chef d’une cellule terroriste au sein de l’organisation terroriste Hamas et était responsable de la préparation d’attaques de roquettes contre des civils israéliens et les troupes» israéliennes, a-t-elle assuré sur Telegram.

RSF a rétorqué que ces accusations avaient été formulées «sans preuves», en reprochant à l’armée israélienne d’avoir «reproduit un procédé connu et déjà éprouvé, notamment contre des journalistes d’Al-Jazeera». «Le 31 juillet 2024, l’armée israélienne avait tué les reporters Ismail al-Ghoul et Rami al-Rifi dans une frappe ciblée et revendiquée, accusant le premier d’être un terroriste», a fait valoir l’ONG.

En juillet, le Comité pour la protection des journalistes avait également accusé l’armée israélienne de mener «une campagne de diffamation» envers le journaliste en le présentant dans des messages en ligne comme un membre du Hamas. «La tendance d’Israël consistant à qualifier les journalistes de militants sans fournir de preuves crédibles soulève de sérieuses questions sur ses intentions et son respect de la liberté de la presse», a dénoncé Sara Qudah, directrice régionale de l’organisation basée à New York dans la nuit de dimanche à lundi. «Les journalistes sont des civils et ne doivent jamais être pris pour cible. Ceux qui sont responsables de ces meurtres doivent rendre des comptes», a-t-elle ajouté dans un communiqué.

Israël avait déjà décidé en mai 2024 d’interdire la diffusion d’Al Jazeera dans le pays et d’y fermer ses bureaux, résultat d’un conflit de longue date entre le média et le gouvernement du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, qui s’est aggravé pendant la guerre en cours dans la bande de Gaza. L’armée israélienne a accusé à plusieurs reprises les journalistes de cette chaîne d’être des «agents terroristes» à Gaza affiliés au Hamas.

Plus généralement, la presse internationale n’est pas autorisée à travailler librement dans le territoire palestinien depuis le début du conflit. Seuls quelques médias triés sur le volet y sont entrés, embarqués avec l’armée israélienne, leurs reportages étant soumis à une stricte censure militaire. La presse internationale travaille en s’appuyant sur des journalistes et correspondants locaux, qui ont payé un lourd tribut au conflit.

Dans ses derniers messages postés sur X dimanche 10 août, Anas al-Sharif faisait état d’«intenses» bombardements israéliens sur le territoire palestinien et avait diffusé une courte vidéo montrant des frappes sur la ville de Gaza. Un texte posthume que le journaliste avait écrit en avril en cas de décès a été publié sur son compte ce lundi matin, où il appelle à «ne pas oublier Gaza».

Mis à jour : à 11h50 avec la réaction de RSF.