Dans les colonnes du Figaro, Amélie Nothomb évoque la gare de Vierzon comme étant sa destination cauchemar. Un réquisitoire sévère dressé par la romancière belge. Ses critiques suscitent sur place un vive mécontentement de la part des habitants et de la municipalité.

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“Mépris ordinaire d’une élite intellectuelle », Pas sympa”, “Qu’est-ce qu’elle connait de Vierzon ?”, “Désopilant avec un petit trait d’absurdité” etc.  

Il n’a pas fallu attendre très longtemps après la parution de l’article du Figaro, ce lundi 11 août, pour voir les réactions sur les réseaux sociaux fleurir. Des commentaires en chaîne écrits par des habitants de Vierzon pour la plupart et qui font part de leur incompréhension, de leur colère même parfois. 

Il faut dire qu’en ouvrant les pages du quotidien, les Vierzonnais ont eu la mauvaise surprise de découvrir un texte au vitriole sur leur ville signé Amélie Nothomb, la romancière belge.

La gare SNCF de Vierzon est jugée "lugubre et sinistre" par Amélie Nothomb.

La gare SNCF de Vierzon est jugée « lugubre et sinistre » par Amélie Nothomb.

© France3 Centre-Val de Loire

Sur trois colonnes, elle fait part au lecteur de son aversion pour la ville du Cher et de sa gare dans laquelle elle ressent “un néant insoutenable”.  

Et pourtant, à Vierzon, Amélie Nothomb n’y est jamais descendu. “J’ai emprunté à 66 reprises – retours compris – la ligne Paris-Austerlitz – Brive-la-Gaillarde », dit-elle afin de se rendre à la Foire du livre de Brive où elle est présente chaque année au mois de novembre.  

Elle est sinistre, lugubre à l’allure térébrante. Si il existait une échelle du lugubre, la gare de Vierzon en marquerait le degré le plus convulsif 

Amélie Nothomb, romancière belge

Le Figaro

Mais ces 66 “stagnations de deux minutes” induisent selon l’autrice “une forme, sinon de connaissance, au moins d’entrée en matière avec la gare de Vierzon”.

Et pour la décrire, la belge ne mâche pas ses mots : “Une gare sinistre et lugubre à l’allure térébrante” avant d’enfoncer le clou « Si il existait une échelle du lugubre – et j’appelle de mes voeux l’existence d’une échelle aussi indispensable – la gare de Vierzon en marquerait le degré le plus convulsif”.

Amélie Nothomb est passée à 66 reprises à la gare de Vierzon pour se rendre à la Foire du Livre à Brive-la-Gaillarde.

Amélie Nothomb est passée à 66 reprises à la gare de Vierzon pour se rendre à la Foire du Livre à Brive-la-Gaillarde.

© France3 Centre-Val de Loire

Alors pourquoi cibler Vierzon s’interroge t-on sur place ? Car la romancière évoque aussi les autres arrêts présents sur la ligne : Angoulême, Poitiers, Limoges et Châteauroux. Elle égratine également la gare de l’Indre mais dans une autre mesure  « elle est sinistre” mais “c’est du sinistre attendu, du glauque de bon aloi, cela ne me dérange pas”, se justifie t-elle.  

A l’inverse, Vierzon, elle, dérange. Elle traumatise même.

C’est la seule gare à avoir suscité chez moi ce phénomène difficile à qualifier

Amélie Nothomb, romancière belge

Le Figaro

La romancière tente de comprendre pourquoi. “Allergie ? Sidération ? Exécration ? Inquiétante étrangeté ? », liste t-elle. 

Alors même si en introduction elle prie les Vierzonnais de ne pas lui en tenir rigueur… sur place, après la lecture de ces lignes, il était difficile de pardonner à l’autrice. “C’est méprisant et humilant”, réagit Corinne Ollivier. La maire PCF qui dénonce “une diatribe à l’encontre de la gare de Vierzon”.  

Les voyageurs sont également considérés comme des péquenauds et pour les agents qui travaillent dans cette gare et qui ont à cœur de bien faire leur boulot c’est particulièrement humiliant

Corinne Ollivier, maire PCF de Vierzon

Ces critiques sont également mal perçues par les habitants et les commerçants.

La gérante du magasin Relay présent dans la gare se questionne dans un premier temps : “Pourquoi dit-elle tout ça ? Elle ne s’est même pas arrêtée à Vierzon ?” 

Suite aux propos d'Amélie Nothomb, certains commerçants craignent des répercussions sur la fréquentation de la ville de Vierzon.

Suite aux propos d’Amélie Nothomb, certains commerçants craignent des répercussions sur la fréquentation de la ville de Vierzon.

© France3 Centre-Val de Loire

Maryline Batista qui, tous les jours, travaille dans ce lieu décrit comme “antipathique” par Amélie Nothomb ne partage pas du tout le même avis.

C’est sûr que ça n’est pas la plus belle des gares ni la plus parfaite mais il y a des gares beaucoup plus tristes que celle de Vierzon. Il y a pire !

Maryline Batista, gérante du magasin Relay à la gare de Vierzon

« C’est une gare qui vit bien, qui accueille beaucoup de voyageurs. Elle est quand même assez grande. Elle exagère » ajoute -t-elle.

La commerçante craint même que cet article ait des répercussions négatives sur la ville “ça va faire fuir les genres. S’ils lisent l’article ils vont se dire “C’est quoi cette gare ?” peste t-elle !  

Cette attaque littéraire ne va pas améliorer l’image de la ville qui souffre d’un déficit d’image, regrette Rémy Beurion habitant de Vierzon et à la tête de Vierzonitude, un blog qui fait aussi bien la part belle à la valorisation et à la critique de la sous-préfecture du Cher. “C’est cliché et c’est facile » dit-il.

Le problème c’est que ça soit encore une fois tombé sur Vierzon. C’est un peu dommage. Ça aurait pu tomber sur Châteauroux mais la ville est en train de changer d’image !

Rémy Beurion, habitant de Vierzon à la tête du blog Vierzonitude

L’habitant rappelle qu’Amélie Nothomb avait déjà cité la ville de Vierzon en 2014 dans son roman Pétronille. “Elle y avait bu du champagne tiède en gare”, se rappelle t-il avant d’évoquer l’article du Figaro comme un “exercice de style”.

Un style loin de faire l’unanimité. Alors pour éviter que les rancunes ne perdurent, Amélie Nothomb s’apprête à recevoir deux invitations officielles pour venir découvrir la ville du Cher. 

L’une émane de la mairie “Je vais inviter officiellement Madame Nothomb à venir à Vierzon. Après, elle sera peut être moins affectée par ses arrêts en gare de Vierzon”, annonce Corinne Olivier. 

La deuxième émane de Rémy Beurion qui vient d’écrire une lettre ouverte à la romancière. Il l’invite à venir passer trois jours en résidence.

A voir si l’autrice répond favorablement à ces deux invitations, car à l’inverse de ce que chantait Jacques Brel, Amélie Nothomb ne veut pas voir Vierzon et n’a pas vu Vierzon, peut-être que la polémique suscitée par ses propos pourrait la faire changer d’avis…