Depuis trois ans, Marie Eppherre-Provensal anime des ateliers de généalogie basque à la Maison basque de Bordeaux. (© Maison basque de Bordeaux)
“Norat joan jakiteko, nundik jin jakin behar” (Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient, en basque). C’est vrai pour tout un chacun, me direz-vous, mais quand ona la chance d’être de ce pays, comme dit la chanson, con-naître sa généalogie est un plus pour s’ancrer encore davantage dans son identité basque. Parce qu’elle est intimement liée à la sociologie et qu’on ne peut pas en comprendre les spécificités sans prendre en compte l’histoire, les traditions, la culture, voire le caractère des Basques.
Questionnez amatxi !
La généalogie basque n’est pas a priori chose facile. C’est ce qui la rend unique et passionnante ! Je suis tombée dedans il y a une dizaine d’années, loin d’imaginer dans quoi je me lançais. Mon père est 100% basque mais ne nous a pas forcément transmis sa culture. Je partais donc d’une page blanche, en commençant comme tout débutant par mes grands-parents paternels. Si mon grand-père avait un nom rare et lié à un petit territoire, la Soule, celui de ma grand-mère bas-navarraise était déjà plus courant : Etchemendy. On ne le répétera jamais assez mais quand on commence sa généalogie : on interroge les anciens ! Bon, en l’occurrence, mon père avait une vague idée du berceau de sa famille maternelle, mais assez pour circonscrire ma recherche à quelques villages autour de Saint-Jean-le-Vieux. Les registres matricules militaires en ligne sur le site des Archives départementales du 64 (AD64) ont fait le reste. Ensuite, il ne me restait qu’à remonter les branches de mon arbre, génération après génération et partir à la découverte de la vie de mes ancêtres.
Le rôle prépondérant de l’etxe
En généalogie basque, les changements fréquents des noms patronymiques – sans parler de leur orthographe fantaisiste – peuvent dérouter. Au Pays Basque, la maison prime sur l’individu. Beaucoup portent aujourd’hui le nom de l’etxe ondo, la maison-souche, et non celui de la lignée agnatique, c’est-à-dire le patronyme du père. C’est mon cas. Mes cousins, ma fratrie et moi-même portons le nom d’une héritière de la maison Eppherre de Barcus du début du XVIIIe siècle. Car, autre particularité de la généalogie basque, la transmission des biens se faisait à l’aîné de la génération suivante, garçon ou fille, ce que l’on appelle la primogéniture. L’aînée épousait le plus souvent un cadet d’une autre maison qui venait s’installer dans cette maison dont il prenait le nom pour en devenir le “maître adventice”.
La huitième province
Autre particularisme de la généalogie basque mais que l’on retrouve aussi en Béarn et dans d’autres territoires de montagne comme la Maurienne, le sort des cadets les a souvent conduits à quitter leur village pour tenter leur chance ailleurs, souvent comme bergers. L’importance du phénomène est telle que l’on qualifie volontiers la diaspora basque de “huitième province”. L’émigration massive des XIXe et XXe siècles fait que chaque famille a au moins un parent qui a fait souche en Argentine, en Uruguay, au Chili ou dans l’Ouest américain.
Et aujourd’hui, les sources généalogiques sont assez fournies pour permettre de retrouver nos cousins d’Amérique avec un peu de patience et d’opiniâtreté. Quant aux “Amerikanoak”, ils sont aussi très curieux de retrouver leurs racines !
De nombreuses ressources en ligne
De nos jours, il est moins nécessaire qu’avant de courir les mairies pour commencer sa généalogie. Les archives départementales sont souvent en ligne (aux AD64, nous avons la chance d’avoir des minutes notariales dont les plus anciennes remontent au XIVe siècle, une mine !), des sites Internet collaboratifs (Geneanet, Filae, FamilySearch…) sont à notre disposition, et des associations de généalogie ont indexé de nombreux actes, nous faisant gagner un temps précieux. Même si la généalogie reste un loisir chronophage ! Alors, prêts à commencer votre arbre ?
Bon à savoir – C’est souvent la première question qui m’est posée : les archives sont-elles écrites en euskara ? Depuis François 1er et son ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, tous les actes y compris les registres paroissiaux de l’époque sont rédigés en français, langue officielle. Il n’est donc pas nécessaire de parler le basque pour faire sa généalogie, l’espagnol et l’anglais peuvent aider quand on effectue des recherches sur la diaspora basque mais de nombreux dictionnaires sont proposés en ligne.
* Marie Eppherre-Provensal vit à Bordeaux. Passionnée de généalogie, elle a pu retrouver des cousins en Argentine, au Chili et aux États-Unis. Fascinée par ses ancêtres, elle leur a d’abord consacré un blog : Aldaxkatik-aldaxkara.blogspot.com avant de se lancer dans la rédaction du guide Retrouver ses ancêtres basques (Archives et culture, 2019) coécrit avec Isabelle Louradour, présidente de l’association Gen&0. Depuis trois ans, elle anime des ateliers de généalogie basque à la Maison basque de Bordeaux.
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