En novembre prochain, le groupe Nestlé comparaîtra pour avoir « abandonné illégalement » des déchets aux abords de ses sites d’embouteillage vosgiens. Comme le dévoile Mediapart, ces dépôts sauvages ont contaminé aux microplastiques les terres et les nappes souterraines utilisées pour les eaux minérales. Mais l’enquête judiciaire n’établit pas de lien entre la pollution des nappes et la présence de microplastiques dans les bouteilles commercialisées.

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Publié le 11/08/2025 20:32

Temps de lecture : 5min

  (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

  (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

They-sous-Montfort, Contrexéville, Saint-Ouen-Lès-Parey, Crainvilliers : Dans toutes ces communes, proches de la célèbre ville thermale de Vittel, le groupe Nestlé est accusé d’avoir « abandonné illégalement » et conservé des décharges sauvages : des centaines de milliers de mètres cubes de déchets plastique sous forme de bouteilles, stockés de manière occulte et dissimulés, à même les sols, sans imperméabilisation des terres, et sans suivi des percolations, et de l’instabilité des sols subissant les ravages du temps et des intempéries climatiques.

Plusieurs documents, dévoilés par Mediapart et que franceinfo a pu consulter, prouvent que ces décharges ont contaminé les sols, mais aussi les nappes phréatiques dans lesquelles sont puisées les eaux utilisées pour produire les marques Hépar et Contrex. Il s’agit notamment d’un rapport d’enquête de l’Office français de la biodiversité (OFB), mais aussi des réquisitions du parquet de Nancy, telles qu’elles devaient être présentées à l’audience en mai dernier, avant le renvoi du procès fin novembre.

Dans son réquisitoire, le ministère public accuse la société Nestlé d’avoir, en connaissance de cause, géré sans agrément les décharges. Selon la justice, « Nestlé ne s’est pas contenté d’être détentrice de la décharge, la société ayant réalisé des actes de gestion » sans aucune autorisation préfectorale. La multinationale est également poursuivie pour avoir « pollué en laissant s’écouler dans les milieux naturels des microplastiques en grande quantité ». En effet, « les matériaux aux compositions chimiques maintenus sous terre, en contact direct avec les sols et les eaux ruisselantes, sont incompatibles avec la biodiversité et les écosystèmes ».

Dans le cadre de leurs investigations, les enquêteurs ont réalisé des fouilles et des prélèvements d’eau sur deux forages exploités par la société Nestlé pour produire les eaux des marques Contrex et Hépar. Ces prélèvements ont été réalisés par un employé de Nestlé en présence des enquêteurs, début juin 2024.

Les résultats des analyses sont sans équivoque : 515 particules de microplastique par litre pour Hépar ; 2 096 pour Contrex. À titre de comparaison, l’Inéris, cité par les enquêteurs dans un procès-verbal que franceinfo a pu consulter, évaluait en 2018 la présence moyenne de ces particules dans l’eau douce entre 10 et 300 par mètre cube (un mètre cube contenant 1 000 litres, ndlr).

Les sources proches des décharges, encore utilisées par Nestlé, affichent donc des concentrations jusqu’à près de 7 000 fois supérieures « à la normale » selon un procès-verbal du dossier judiciaire consulté par franceinfo. Le réquisitoire du parquet fait quant à lui état de particules « jusqu’à 1,3 millions de fois supérieures aux taux de la Seine ».

Si la pollution des nappes utilisées pour produire de l’eau en bouteille semble avérée par les différents éléments de l’enquête, ces données resteront pourtant en marge du procès : les conclusions de la justice n’établissent en effet aucun lien entre les concentrations relevées dans les forages et celles des eaux mises en bouteille. « Malheureusement, ce lien n’a pas pu être matérialisé » faute d’une investigation plus poussée, confie une source proche de l’enquête. Alors que les travaux scientifiques se multiplient sur les effets délétères des microplastiques pour la santé, la réglementation ne prévoit d’ailleurs aucun seuil, ni aucune obligation de contrôle des microplastiques dans les eaux destinées à la consommation humaine.

De son côté, Nestlé assure avoir demandé à trois laboratoires spécialisés des contre-analyses, qui « montrent, sans équivoque, l’absence de microplastiques dans l’eau de nos forages ». S’agissant des décharges sauvages, Nestlé assure que « la majorité des sites a déjà été nettoyée » et dit « attendre les préconisations des pouvoirs publics quant aux mesures de remédiation à mettre en œuvre » pour les « sites aux profils plus complexes ». Mais pour Bernard Schmitt, président de l’association environnementale Eau 88, le constat reste alarmant : « Dans ce contexte, la préfecture vient d’autoriser Nestlé Waters à réaliser cinq forages exploratoires pour la marque Hépar, sans aucune étude d’impact environnemental, et situés à proximité immédiate de la décharge sauvage de They-sous-Montfort. »

Ces décharges illégales continuent de relarguer lentement leurs composés chimiques dans le sol, dans les nappes, et dans l’eau que l’on boit.