«La décision unanime de cette Cour est que les termes  »femme » et  »sexe » dans la loi sur l’Egalité de 2010 se réfèrent à une femme biologique et à un sexe biologique. » Ce mercredi, la Cour suprême du Royaume-Uni a rendu sa définition juridique de ce qu’est une femme.

Une décision lourde de conséquences, notamment pour les femmes transsexuelles, et qui n’est pas sans faire réagir de nombreuses personnes, opposées ou non à cette vision. Décision, réactions, on fait le point.

Une association écossaise à l’origine de l’affaire

Les cinq magistrats de la plus haute instance du pays ont été amenés à s’exprimer sur la question à la suite d’un litige qui oppose, depuis 2018, le gouvernement écossais, fortement engagé en faveur des droits des personnes transgenres, et l’association « For Women Scotland ».

Au cœur du débat se trouvait l’interprétation de la loi britannique sur l’Egalité (Equality act) de 2010. Pour le gouvernement écossais, l’Equality act était clair : si une femme transgenre a obtenu un certificat de reconnaissance de genre (GRC) à l’issue de sa transition, elle est considérée comme une femme, et a droit aux mêmes « protections que celles déclarées femmes à la naissance ».

Une vision opposée à celle de l’association qui s’est pourvue en justice en faisant valoir que la définition d’une femme doit se baser sur le sexe biologique, « un critère biologique immuable », et non le genre.

Après une première victoire juridique, « For Women Scotland » avait été déboutée deux fois en 2023 en Ecosse.

Quelles conséquences pour les femmes trans ?

Si la décision est si sensible, c’est qu’elle peut avoir des conséquences lourdes. Dans sa communication, la Cour suprême précise que sa décision ne diminuait pas les protections des femmes transgenres contre la discrimination. « Un homme qui s’identifie comme une femme et qui est traité de manière moins favorable en raison (de son changement de genre) pourra déposer une réclamation », ont affirmé les juges.

Toutefois, la décision de la Cour suprême laisse de nombreuses questions en suspens. Tout d’abord pour les femmes trans qui ont obtenu un certificat de reconnaissance de genre (GRC) à l’issue de leur transition, au nombre de 8.500 personnes depuis sa création en 2004 en Ecosse. Le pays a toujours maintenu que les femmes titulaires du certificat étaient considérées comme des femmes, et avait droit aux mêmes « protections que celles déclarées femmes à la naissance ». Resteront-elles considérées comme femmes au regard de la loi désormais ?

Les associations s’inquiètent également du traitement de ces femmes trans dans les hôpitaux, les hébergements pour femmes et autres refuges, l’accès aux programmes sociaux ou d’accompagnement qui pourraient désormais leur être refusés ou interdits. De la même manière, la question des toilettes ou encore des pratiques sportives seront relancées avec cette décision.

De plus, cette décision de justice pourrait trouver un écho à l’international. Aux Etats-Unis en particulier où Donald Trump cible les personnes transgenres en voulant notamment les expulser de l’armée ou restreindre les procédures de transition pour les moins de 19 ans.

Les réactions de tous bords

La décision de la Cour suprême a provoqué de vives réactions, à la hauteur de la sensibilité du sujet. A l’extérieur de la Cour, la décision a été accueillie par les cris de joie de militantes venues soutenir « For Women Scotland », qui se sont tombées dans les bras en saluant « un grand jour ».

La cheffe de l’opposition conservatrice britannique, Kemi Badenoch, s’est félicitée d’une « victoire » : « Dire que « les femmes trans sont des femmes » n’a jamais été vrai dans les faits, et ne l’est plus non plus en droit. » « Les juges ont dit ce que nous avons toujours pensé : les femmes sont protégées par leur sexe biologique », s’est réjouie Susan Smith, codirectrice de « For women Scotland ». « Les femmes peuvent désormais se sentir en sécurité en sachant que les services et les espaces désignés pour les femmes sont réservés aux femmes ».

Cette association a notamment reçu le soutien de l’autrice d’Harry Potter J.K. Rowling, qui vit en Ecosse et régulièrement accusée de transphobie. « Il a fallu trois femmes écossaises extraordinaires et tenaces, avec une armée derrière elles, pour que cette affaire soit entendue par la Cour suprême et, en gagnant, elles ont protégé les droits des femmes et des filles à travers le Royaume-Uni », a-t-elle écrit sur X.

L’organisation de défense des droits des LGBT+ Stonewall, l’une des principales en Europe, a elle fait part de sa « profonde inquiétude suscitée par les répercussions très larges de la décision rendue » par la Cour, qu’elle juge « incroyablement inquiétante pour la communauté transgenre ».

« Stonewall partage la profonde inquiétude suscitée par les répercussions très larges de l’arrêt rendu aujourd’hui par la Cour suprême. Elle est incroyablement inquiétante pour la communauté transgenre et tous ceux d’entre nous qui la soutiennent », a souligné Simon Blake, PDG de cette organisation de défense des droits des LGBT+, l’une des principales en Europe.