Renouveler un parc historique bientôt classé au titre des monuments historiques, lui donner les moyens d’affronter les changements climatiques, remplacer certains sujets malades par des espèces plus adaptées, être à l’écoute des attentes des usagers tout en préservant un héritage arboricole du XVIIIe siècle. Les défis à affronter sont nombreux pour les gestionnaires du parc Borély, fleuron des 61 grands parcs de la ville de Marseille que l’adjointe au maire, Nasserra Benmarnia, a arpenté avec La Marseillaise et son équipe de la Direction de la Nature en ville pour présenter d’importants travaux à partir d’octobre sur certaines sections.
Ce parc de 19,7 hectares inauguré en 1863 bénéficie du « Plan Arbres », un programme municipal qui prévoit la plantation de 308 000 arbres, arbrisseaux et plants forestiers à l’horizon 2029. La moitié a déjà été plantée. Pour nuancer ce miracle vert, il n’est question que de 8 000 plants d’arbres de haute tige (2,5 %) à proprement parler.
Arrosage connecté et chocs hydriques
Jérémie Curt, coordinateur du Plan Arbres, s’arrête devant une des allées de tilleuls qui encadrent les bassins dans l’axe du château. « Ces tilleuls ont été plantés il y a une trentaine d’années en remplacement des platanes malades. Ils ont presque 50 ans en comptant leurs 15 années de culture en pépinière. » Victime du foulage des piétons, il est devenu nécessaire d’aérer le sol, de le déminéraliser, d’éloigner les usagers en posant des ganivelles.
Un des tilleuls est dévoré par l’amadouvier, un champignon lignivore qui ronge sa structure. Quatre autres sujets ont dû être abattus après expertise de l’ONF. « Quand on s’en rend compte, le champignon a déjà détruit une grosse partie des racines » détaille Didier Blanc, surveillant de travaux au service arboriculture. « L’ONF l’a expertisé. Si on ne fait rien, il tombera. Il doit être abattu prochainement. On prendra toutes les mesures d’affichage aux entrées du parc pour expliquer et dire aux usagers qu’on s’engage à replanter » ajoute Didier qui inspecte deux fois par an les 19 parcs qu’il a en gestion. « Je dresse un état complet de tous les arbres. Quand j’ai un doute, j’alerte l’ONF. »
Deux sujets replantés sont tout rabougris. « Malgré l’arrosage connecté, ils ont subi fin juin un choc hydrique. Comment réussir à protéger les nouveaux arbres avec des températures à 42 degrés ? C’est un vrai sujet » reconnaît Jérémie Curt. « On a aussi les brûlures corticales dues aux reflets du soleil au couchant qui éclatent les troncs et les griffes de chiens que leurs maîtres entraînent. »
Près de la Roseraie de 1923, le Chicot du Canada a perdu sa cime. « Les rosées du matin ont disparu. Ces arbres du nord tenaient à 35 degrés, mais 42 degrés c’est trop pour eux. » À Borély, la strate arbustive est devenue prédominante. « Regardez comme ce platane étouffe. Il a atteint sa maturité absolue. On va tout faire pour le maintenir. Il faut réguler ces bosquets, y faire entrer la lumière et sauver ce qui peut l’être. Ils sont envahis de cépées de lauriers sauce. On va en supprimer 70 % pour recréer une strate arborée avec des chênes chevelus, des orangers des Osages, des érables de Montpellier qui vont redonner de la diversité. »
Certains arbres figurent dans l’inventaire de 1860. Ainsi de Zelokva carpinifolia (à ne pas confondre avec l’orme de Sibérie nous dit-on) et ces magnifiques cyprès chauves qui vont être « mis en défens » pour préserver leurs racines. « En mai prochain, des visites guidées seront proposées pour présenter cet arboretum d’arbres remarquables et le sentier pollinier qui explique au public le potentiel allergisant des végétaux » annonce Nassera Benmarnia.
Certains arbres centenaires profitent depuis les années 70 de l’arrosage automatique des pelouses herbacées. « Ce séquoia y est habitué depuis 50 ans, explique M. Curt. On l’a rendu fainéant et même s’il a un ancrage puissant et qu’il va chercher l’eau à peu près partout, il aura toujours besoin de cet arrosage de surface. Ce serait une catastrophe de le lui enlever » souligne-t-il.