Ce titulaire d’une Maîtrise en Économie de l’Université de Kiev se tourne vers le métier de taximan après avoir fait des petits boulots. « Lorsque j’étais étudiant, je conduisais un taxi pendant les vacances d’été pour me faire de l’argent ». Il aimait le job, même si ce n’était pas de tout repos. « Les clients étaient agressifs, ils fumaient alors que c’était interdit, ils partaient sans payer », se souvient-il, lui qui a pu suivre des études universitaires grâce à une Bourse d’État.
« Je me suis installé comme indépendant ». Il déménage de Ganshoren (région de Bruxelles-Capitale) à Wemmel, en Région flamande. « C’était plus facile pour obtenir les documents nécessaires ». Cela prendra toutefois 9 mois pour boucler le dossier et obtenir sa plaque. Nous sommes en 2019. Il travaille pour Uber. » Je n’ai jamais eu de problème ». Il est très bien noté par les clients.
« Après deux ans, le moteur de ma voiture m’a lâché. C’était une Mercedes. Pour le réparer, on me demandait entre 13 et 14000 euros ». Une somme qu’Oleksandr ne peut tout simplement pas débourser.
. « J’utilise presque tout mon argent pour acheter des voitures. Je reçois un acompte et les voitures partent pour l’Ukraine »
Opportunité
Il change alors d’activité et se lance dans l’achat et la vente de voitures, notamment vers son pays natal. Il collabore pendant quelques mois avec une autre personne, également originaire d’Ukraine. « Il m’annonce qu’il a trouvé un client en Ukraine qui veut acheter au minimum dix voitures ». La bonne affaire, apparemment. « J’utilise presque tout mon argent pour acheter des voitures. Je reçois un acompte et les voitures partent pour l’Ukraine ». Il ne sera jamais payé de la totalité. « J’ai perdu beaucoup d’argent ».
Il reprend son activité au volant d’un taxi en 2024. « J’aime ce travail, proposer un bon service, servir le client ». Surtout, il n’a jamais été accidenté. Il rejoint une compagnie qui possède quelques taxis. Oleksandr se retrouve ensuite dans une autre société, qui assure cette fois le transport de ses clients VIP dans des limousines de luxe.
« Le patron recherche un chauffeur qui parle anglais, français, néerlandais et qui n’a jamais été accidenté ». Un chauffeur qui est également prêt à faire de longues distances, vers des aéroports ou des villes étrangères, au volant d’une Mercedes Classe S. « Cela fait maintenant plus d’un an que j’y travaille »
Début 2025, il a la possibilité d’avoir une licence pour un taxi pour la Région Bruxelloise. Une très belle opportunité qu’il peut gérer en parallèle de son activité d’indépendant. « Je peux commencer mon business si je trouve une voiture et un chauffeur ». Il crée la compagnie, la Belgium Royal Ride. Il trouve au chauffeur, un Ukrainien. « Je sais qu’il est très difficile pour eux de décrocher un job en Belgique. Je suis passé par les sites et groupes ukrainiens actifs en Belgique ».
Crédit pour une Tesla
Il ne reste plus qu’à trouver la voiture et surtout à la payer. « C’est là que le problème commence ». Il se rend d’abord chez BNP Paribas Fortis pour obtenir un crédit. Il essuie un refus. « C’était une nouvelle compagnie et je n’avais pas d’expérience ». La banque l’oriente vers Microstart. « Ma mère se porte garante pour le crédit ». Il obtient les 25 000 euros demandés. Il ajoute 5 000 euros de sa poche.
Le choix s’est porté sur une Tesla. « C’est une voiture électrique. C’est écologique et l’utilisation est moins chère qu’une voiture diesel », explique-t-il. Le gros avantage, c’est la sécurité. « Les passagers d’un taxi n’aiment pas mettre leur ceinture de sécurité. En Tesla, chaque passager est obligé d’attacher sa ceinture, sinon, il y a une alarme ». Cela permet aussi de faire tourner la voiture quasiment 24 heures sur 24. « La batterie peut être rechargée très rapidement. Il y a un chauffeur le jour et un autre la nuit ». Aujourd’hui, il est à la recherche d’une autre voiture Tesla, qui fera aussi le taxi pour le compte d’Uber. « Cela me permet de donner du travail à des Ukrainiens ».
Tesla massacrée sur le neuf, mais sauvée sur l’occasion ?Retour en Ukraine ?
Lui reste chauffeur dans la compagnie de transports pour VIP. Dans son planning, un déplacement sur Dijon quelques jours plus tard. C’est 519 kilomètres le trajet. Des journées avec des itinéraires de 1 000 kilomètres, ce n’est pas rare. La course la plus longue a été un aller-retour vers Berlin.
De retour en Ukraine, il n’en est pas question. « Malheureusement non. Presque tous mes amis ont quitté l’Ukraine. Pour ma fille de 6 ans, son pays, c’est la Belgique. Ma femme est assistante comptable. On paye beaucoup de taxes en Belgique, mais on y est très bien. Et puis, l’Ukraine a changé depuis que je suis parti, ce n’est plus le même pays. Je suis Ukrainien, je connais la langue ukrainienne, mais j’ai toujours parlé russe dans la famille et je préfère parler russe. Si vous dites bonjour en Russe en Ukraine, c’est très mal vu ».