L’ACTU.

Mi-février 2025, Donald Trump et Vladimir Poutine ont décidé de négociations sur l’Ukraine, pays avec lequel la Russie est en guerre depuis trois ans. Une décision unilatérale, sans l’Ukraine et les autres pays européens, qui tranche avec la politique menée jusque-là par la puissance américaine dans ce conflit.

L’unilatéralisme est au cœur de la politique internationale menée par l’actuel président des États-Unis. En matière militaire, les Européens sont pourtant dépendants de la puissance américaine, via l’Otan, que Donald Trump délaisse. Un changement qui impose de nouvelles réflexions sur une défense collective européenne.

Dès les débuts de la construction européenne dans les années 1950, l’idée d’une armée commune avait émergé. Issue du « plan Pleven », du nom du président du Conseil français de l’époque, la Communauté européenne de défense avait échoué au moment d’être ratifiée par l’Assemblée nationale. Récit en archives.

LES ARCHIVES.

« À Strasbourg, M. René Pleven, président du Conseil, a tiré dans un important discours la leçon des récents événements mondiaux ». Nous sommes en septembre 1950, cinq ans précisément après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quelques semaines plus tôt, les troupes communistes de la Corée du Nord ont envahi la Corée du Sud. En opposant indirectement les États-Unis à l’Union soviétique, cette guerre d’ampleur internationale actait le début de la Guerre froide. À l’autre bout du monde, ce conflit provoquait un séisme, comme le montre l’archive en tête d’article.

Un contexte international pressant

Dans ce monde désormais divisé en deux blocs, où il était difficile d’écarter la possibilité d’une troisième guerre mondiale, le besoin d’organiser une défense commune devenait pressant. D’autant qu’en Europe, l’Allemagne était, comme la Corée, divisée. D’une part, la République fédérale d’Allemagne, sous influence occidentale, et d’autre part, la République démocratique allemande, sous égide russe.

L’Otan, dont le traité de création avait été signé en avril 1949, permettait une alliance militaire défensive entre pays occidentaux en renforçant notamment le lien militaire avec les États-Unis. La guerre de Corée aura une première conséquence : la création d’un commandement intégré au sein de cette alliance dès la fin de l’année 1950 (et que la France quittera avec Charles de Gaulle en 1966). C’était aussi dans ce cadre que les Américains encourageaient à ce que la RFA se dote, de nouveau, de sa propre défense. Les États membres de l’alliance y étaient d’ailleurs favorables, à l’exception de la France et de la Belgique.

Le « plan Pleven »

Pressée par le contexte coréen, la France chercha donc à proposer une solution viable. René Pleven, président du Conseil – ou chef du gouvernement, sous la IVe République – se chargea du dossier, inspiré par Jean Monnet. Il donnait un aperçu de ce « plan Pleven », qui sera surtout connu sous le nom de Communauté européenne de défense, lors d’un déplacement dans l’est de la France en septembre 1950, et dans l’archive en tête d’article. Il avançait : « Pour mettre l’Europe à l’abri d’une surprise à la mode coréenne, les peuples libres doivent, dans les délais les plus brefs, constituer ensemble une force de couverture dans laquelle le gouvernement français a spontanément fixé, en fonction des besoins exprimés par les experts militaires des nations associées pour leur défense, la contribution de la France en tant que paix, à 20 divisions, plus l’aviation défensive correspondante. »

Ce plan prévoyait le rapprochement militaire des pays déjà impliqués dans les débuts de la construction européenne. La Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), qui poursuivait un même objectif de paix, cette fois via la mise en commun des matériaux nécessaires à l’armement, devait être créée en 1951 par la signature du traité de Paris. La CED portait également cet idéal européen et garantissait une forme de contrôle du réarmement de l’Allemagne de l’Ouest en étant placée sous l’égide de l’Otan. De quoi garantir la viabilité du projet, notamment face à une opinion publique française réticente au réarmement allemand.

En octobre 1950, René Pleven présentait son projet d’armée européenne à l’Assemblée nationale. Il affirmait alors : « La France avait déjà résolu d’assumer virilement sa part dans l’effort de défense commune au sein de l’association atlantique. Elle prend aujourd’hui l’initiative d’une proposition constructive pour l’édification de l’Europe unie ». Et de s’appuyer sur l’idée qu’après la CECA, seraient créées des « institutions analogues dans des secteurs de plus en plus nombreux de l’activité européenne, par exemple les transports, la production agricole, la surveillance des prix, la répartition des matières premières et de l’énergie (…). »

Il décrivait une armée européenne, « rattachée à des institutions politiques de l’Europe unie », avec un financement et une politique communs. Ainsi, il se disait, « confiant dans les destinées pacifiques de l’Europe et pénétré de la nécessité de donner à tous les peuples européens le sentiment d’une sécurité collective, le gouvernement français propose de régler cette question par les mêmes méthodes et dans le même esprit. »

L’accord de principe de l’Assemblée nationale

En février 1952, l’Assemblée adoptait le principe de la CED. Après plus d’un an de négociations, les États concernés (France, RFA, Belgique, Italie, Pays-Bas, Luxembourg) se rassemblaient à Paris pour établir un traité, comme l’évoquait l’archive ci-dessous. L’Angleterre, qui faisait également partie de l’Otan, n’était présent qu’en tant qu’État observateur.