Cette SF horrifique mâtinée de mélo semble vouloir convoquer l’imagerie de la franchise qui combat les xénomorphes tout en se pliant aux règles de la diffusion en streaming.
Sept films issus de l’univers Alien ont envoyé des sales bêtes sur nos écrans, ce qui situe la saga initiée par Ridley Scott dans la moyenne des franchises hollywoodiennes essorées par le capitalisme des images. La nouveauté de Alien: Earth se situe dans son canal de diffusion – le streaming, pour la première fois – mais aussi sa proximité temporelle avec l’original mythique de 1979, où la géniale Ellen Ripley (Sigourney Weaver) nous faisait découvrir un monde dangereux, claustrophobe et hanté par les mutations des corps. Les huit épisodes de cette première saison se déroulent deux ans avant l’irruption de l’héroïne qui a popularisé le terme “badass”. Nous sommes en 2120.
La sécheresse et le choc de l’original ne seront plus jamais au rendez-vous, ce que Alien: Earth semble comprendre en convoquant une imagerie référencée – couloirs de vaisseaux sombres, xénomorphes aux mâchoires flippantes – tout en affirmant son identité de pure série. Un processus de rapprochement et d’éloignement, pour résumer. Dans les quatre premiers épisodes que nous avons pu voir, le récit se déploie entre divers niveaux connectés/indépendants.
Une ambiance à infusion lente
Tout commence quand un vaisseau spatial américain s’écrase sur Terre dans la mégapole de Prodigy, avec à son bord une flopée de créatures prédatrices qui ne veulent du bien à personne. Elles suscitent les convoitises de plusieurs corporations – qui dirigent la Terre – et notamment l’une d’elles, propriété d’un milliardaire jeunot et forcément cruel, qui a décidé de faire joujou avec la nature, les corps et les cerveaux.
Noah Hawley, le créateur d’Alien: Earth, retrouve un univers de science-fiction métaphysique qu’il avait expérimenté une première fois avec la série Marvel Legion (2017-2019), une tentative ambitieuse et parfois pesante de représenter la schizophrénie et de réfléchir au libre arbitre en créant un monde visuel et sensoriel impressionnant. On le connaît aussi pour Fargo, qui a exploré l’Amérique profonde et ses folies durant cinq saisons.
C’est un showrunner expérimenté, qui doit savoir exactement où il va, même si ce n’est pas forcément une évidence ici, tant nous sommes devant le prototype old school d’une série dite “à infusion lente”, où le façonnage patient d’une mythologie importe plus que la tension immédiate des scènes. Cela donne une entrée en matière qui pourrait durer toute la saison, dans laquelle Hawley pose les fondations. Il est question d’I.A., de libéralisme sans limites et d’expériences sur le vivant symbolisées par le mélange entre les personnages humains, les hybrides (humanoïdes doté·es d’une conscience) et les synthétiques, 100 % fake. Quoique.
Sous la machinerie et les élans théoriques, des cœurs battent
Là où Alien: Earth réussit plutôt son coup, c’est en n’oubliant pas les racines gore d’Alien, créant des scènes de violence subite assez tétanisantes, pensées comme des trouées fatales dans une mise en scène par ailleurs plutôt contemplative. Le contraste n’est pas désagréable, même si la série provoque une forme de frustration. Sa principale héroïne s’appelle Wendy (Sydney Chandler).
Dans son corps de jeune adulte ont été transférés l’âme et les sentiments d’une enfant malade. C’est le twist d’Alien: Earth, qui montre un étrange laboratoire où de jeunes patient·es vivent dans le corps de personnes plus âgées, référence directe à Neverland et Peter Pan incluse. “Les enfants ont accès à un monde d’imagination infinie”, entend-on dans l’épisode 3, comme pour souligner le programme implicite de la série, qui confronterait l’idée des monstres à celle de l’enfance.
Cela passe par les retrouvailles entre Wendy et son frère humain, qui la croit morte, un nœud émotionnel des premiers épisodes incapable de produire les effets escomptés. Sous la machinerie et les élans théoriques, des cœurs battent, semble vouloir nous crier Noah Hawley, sans parvenir encore à inscrire Alien: Earth dans une démarche véritablement hybride (ce serait à propos), où le mélodrame renforcerait la science-fiction horrifique. On espère que ces limites s’effaceront avec le temps. Le temps de grandir.
Alien: Earth de Noah Hawley, avec Sydney Chandler, Alex Lawther, Timothy Olyphant. Sur Disney+.