La pression à l’intérieur et à l’extérieur des frontières israéliennes s’intensifie. Le plan défendu par Benyamin Netanyahou dimanche pour les suites des opérations militaires dans la bande de Gaza fait l’unanimité contre lui. Appelant à « terminer le travail » en prenant le contrôle de Gaza City, le Premier ministre israélien s’est attiré les foudres de plusieurs alliés historiques de son pays, de son propre peuple et même au sein de son gouvernement.

Pour ce faire, il a détaillé cinq objectifs : désarmer le Hamas ; libérer les otages ; démilitariser Gaza ; exercer un contrôle de sécurité prépondérant ; « mettre en place une administration civile pacifique non israélienne » qui ne soit ni le Hamas ni l’Autorité palestinienne.

Un programme chargé qui demande des moyens humains, militaires, économiques et politiques. Benyamin Netanyahou aura-t-il le soutien suffisant pour mettre en œuvre ses ambitions ? « On a du mal à voir sur quels leviers il peut s’appuyer pour réaliser ses projets », répond de manière lapidaire Dominique Vidal, journaliste historien coauteur de Palestine-Israël : Une histoire visuelle (Seuil).

Peu de soutien politique

L’extrême droite grâce à laquelle il gouverne encore l’Etat hébreu trouve qu’il ne va pas assez loin. Fin 2023 Benyamin Netanyahou avait déjà annoncé son projet de contrôler l’ensemble de l’enclave palestinienne. Se limiter à la ville de Gaza (en plus des 75 % de territoire sous contrôle militaire israélien) est un recul de sa stratégie que regrettent les membres les plus extrêmes de sa coalition. « Le Premier ministre et le cabinet se sont rendus aux faibles », a ainsi fustigé le ministre des Finances, Bezalel Smotrich. « Je veux tout Gaza, le transfert [de sa population] et la colonisation », a renchéri le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, autre figure d’extrême droite.

Opposition populaire

Même s’il entend libérer les otages, leur survie est compromise par la mise en œuvre de ce plan qui doit être mis en place d’ici deux mois, selon les avertissements du chef des Israel Defense Forces (IDF) sur le sort des Israéliens enlevés par le Hamas le 7 octobre 2023. « Le cabinet a décidé du sort des otages : les vivants seront assassinés et les morts disparaîtront à jamais », a accusé Einav Zangauker, mère de l’un d’entre eux, et figure de la mobilisation des familles.

Des parents d’otages ont appelé à une grève générale dimanche prochain. « Si c’est une réussite, cela peut devenir une étape importante, en revanche, si la mobilisation est mitigée, Benyamin Netanyahou aura les mains libres », prévient Thomas Vescovi, doctorant en études politiques sur Israël et la Palestine à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et à l’université libre de Bruxelles (ULB).

Reste qu’une majorité de la population réclame un cessez-le-feu immédiat comme les milliers de personnes qui ont défilé à Tel-Aviv samedi contre le plan de Netanyahou. « L’excès de guerre conduit à la mobilisation populaire », résume Dominique Vidal.

Des limites économiques…

C’est bien connu, l’argent est le nerf de la guerre. Sauf qu’il n’est pas inépuisable. L’offensive que mène Israël en réponse à l’attaque sanglante du Hamas sur son sol coûte cher. Déjà en février 2024, le Bureau central des statistiques d’Israël révélait que la production économique s’était considérablement contractée au cours des derniers mois de 2023, rapportait la BBC.

Un an et demi après, alors que l’Etat a accru ses dépenses de défense de 43,3 % en 2024, cette augmentation des dépenses militaires a poussé le ministre Bezalel Smotrich à accroître la pression fiscale, notamment sur les consommateurs, note le média Areion24.news. « Je ne suis pas convaincu que la société israélienne soit prête à être saignée économiquement et socialement pour cette nouvelle Nakba [l’exode forcé de la population palestinienne] », pointe Dominique Vidal.

D’autant que la mobilisation de quelque 295.000 réservistes depuis le 7 octobre 2023, selon les médias israéliens, c’est autant de « soldats qui ne sont plus employés dans le monde du travail et ne participent pas à la vie de tous les jours », remarque Dominique Vidal. La guerre n’est pas non plus très bonne pour le tourisme. Malgré les discours rassurants du pouvoir, le pays a enregistré une chute de 78 % du nombre de visiteurs étrangers entre janvier et avril 2024, par rapport à la même période de 2023, d’après i24News.

Malgré ces points noirs dans les finances d’Israël, il peut toujours compter sur le soutien de « son parrain, les Etats-Unis, et le pacte européen », nuance Thomas Vescovi selon qui « la guerre à Gaza n’est possible que grâce à ces deux soutiens économiques ».

… Et militaires

L’armée israélienne paraît de moins en moins volontaire pour suivre la politique offensive menée par son gouvernement. Même le chef de l’État-major a émis des réserves sur le « piège » que constituerait une occupation de l’enclave palestinienne. Plus de 100.000 Israéliens auraient cessé de se présenter à leur service militaire de réserve, selon le média américain + 972.

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Le plan demanderait la mobilisation de 430.000 réservistes selon le chef de l’opposition israélienne Yaïr Lapid. Or, après les plus de vingt mois de guerre menée, « l’armée n’a jamais mobilisé autant de soldats aussi longtemps », pointe Dominique Vidal. « L’armée est fatiguée, l’armée est démoralisée. L’armée ne veut pas faire cette guerre… nous ne voulons pas mener cette guerre d’extermination des habitants de Gaza », confie ainsi Shaked Rogel, un universitaire dans le civil, à RFI. Mais l’institution militaire « aura-t-elle la capacité de se mettre en opposition frontale à son donneur d’ordre ? Tout va se décanter dans les jours à venir », avance Thomas Vescovi.

Finalement, il y a « une vraie contradiction entre ce que veut faire Benyamin Netanyahou et ce qu’il peut faire, mais il est dans une fuite en avant devant les nombreuses impasses qu’il rencontre », analyse encore Dominique Vidal. Le jour où il ne sera plus un chef de guerre, le Premier ministre israélien redeviendra un simple homme politique, dont l’avenir est très incertain.