Trois jours avant le sommet entre Trump et Poutine en Alaska, les Européens en sont réduits à lancer des bouteilles à la mer. Dans une tentative de faire entendre leur voix, les dirigeants des Vingt-Sept – moins la Hongrie – ont appelé, dans une déclaration commune publiée ce mardi 12 août, à donner aux Ukrainiens « la liberté de décider de leur avenir ». « Le chemin vers la paix en Ukraine ne peut être décidé sans l’Ukraine », ont-ils martelé, dans une tentative de convaincre Washington d’inclure Kiev dans ce premier volet de négociations prévues avec Moscou.

Cette revendication – pour l’heure non couronnée de succès – les concerne tout autant. Pas plus que l’Ukraine, ils n’ont été conviés à se joindre aux discussions en Alaska, pourtant censées poser les bases d’un règlement au pire conflit armé sur leur sol depuis la Seconde Guerre mondiale. Alors que l’avenir du Vieux Continent se jouera à plus de 7000 kilomètres de là, sur le territoire américain, les Européens, pourtant incontournables dans la mise en œuvre d’un éventuel processus de paix, sont relégués au rôle de simple observateur.

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Mais ce camouflet est-il si surprenant ? L’aversion du président américain pour l’Union européenne – conçue selon ses dires pour « emmerder les Etats-Unis » – n’est un secret pour personne. Pas plus que son mépris pour le multilatéralisme ou les alliances historiques de l’Amérique. Pour le nouvel hôte de la Maison-Blanche, impatient d’en finir avec ce conflit qu’il avait promis de résoudre en 24 heures, seuls comptent aujourd’hui les rapports de force. Une logique dans laquelle les chancelleries européennes, terrifiées à l’idée de voir le grand frère américain abandonner la sécurité du continent, craignent de rentrer. Quitte à rester sur le banc de touche.

A l’inverse, celles-ci ont multiplié les gages de bonne volonté, dans l’espoir de s’attirer les bonnes grâces du président républicain – comme la hausse vertigineuse des dépenses militaires nationales promise lors du dernier sommet de l’Otan en juin, ou l’engagement mi-juillet de plusieurs pays européens à acheter des armes américaines pour soutenir l’Ukraine. Un mois plus tard, soucieuse de ne pas engager un bras de fer, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, consentait pour sa part à un accord commercial plus qu’inégal entre Washington et Bruxelles, lors d’une entrevue en Ecosse fin juillet. A l’heure des comptes, les résultats de cette politique restent bien maigres.

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Pire, à rebours de la position européenne selon laquelle les frontières internationales ne doivent en aucun cas être modifiées par la force, Donald Trump a affirmé qu’ »il y aura des échanges de territoires », et s’est même dit « un peu contrarié » que Volodymyr Zelensky se montre peu enclin à valider un tel scénario. En clair, un possible « deal » au prix de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et du respect du droit international. Plus de trois ans après le début de son invasion, Poutine ne pourrait pas rêver meilleur cadeau. Tant pis si les Européens, pays baltes en tête, redoutent d’être les prochains à figurer au menu du géant russe.

En attendant fébrilement le résultat de la rencontre entre le chef du Kremlin et son homologue américain, les principaux dirigeants des pays européens, de l’Ukraine, de l’Otan et de l’UE doivent participer à une « réunion virtuelle » mercredi 13 août à l’initiative de l’Allemagne, avant de livrer le résultat de leur consultation à Donald Trump et son vice-président J.D. Vance. L’objectif : forger une position commune avant la rencontre en Alaska. Une ultime tentative pour essayer de peser, sans aucune garantie de succès.