Chaque nouvelle saison apporte son lot d’innovations. En Top 14 et en Pro D2, l’une d’entre elles se cache au fond de la poche des arbitres. Aux cartons jaune et rouge va s’ajouter un troisième petit rectangle synonyme d’exclusion pour un joueur auteur d’un acte de jeu déloyal : le carton orange. Une couleur choisie pour distinguer le carton rouge de 20 minutes instauré par World Rugby dans toutes les compétitions internationales, et désormais généralisé dans les championnats d’élite. Une sanction qui permet aux entraîneurs de remplacer le joueur exclu par un autre à l’issue des 20 minutes d’infériorité numérique.
La question a longtemps été source de polémique. Mais en dépit de l’opposition de la France à une mesure soutenue par des nations telles que la Nouvelle-Zélande et l’Australie, cette nouvelle règle va désormais être déployée dans les deux principales divisions professionnelles du rugby français.
Mathieu Raynal et Romain Poite, tous deux à la tête de la cellule haute performance de l’arbitrage français, ont exposé aux staffs des clubs de Top 14 et de Pro D2 la manière dont elle serait appliquée lors du traditionnel stage des arbitres organisé au début du mois d’août, dans les Pyrénées, à Loudenvielle.
« Le carton rouge de 20 minutes a été introduit pour retrouver un équilibre dans les décisions dans tous les cas qui étaient dans un entre-deux, entre le jaune et le rouge permanent. L’idée est de résoudre les cas où on est partagés », recontextualise Romain Poite. Mais comme il le précise, ce point de règlement ne suivra pas en France le même processus qu’au niveau international, où les actions incriminées sont revisionnées, à froid dans le « bunker », par un arbitre vidéo dédié.
Question de circonstances
« On n’a pas la volonté de mettre en place un système tel que celui-là, qui a un coût important pour seulement quelques appels dans la saison, prolonge Romain Poite. Mais attention, le carton orange n’est pas un palliatif au bunker. C’est une solution lorsqu’il s’agit d’arbitrer du jeu déloyal et que les tendances du jaune et du rouge s’appliquent. Sur un acte de jeu déloyal, avec une circonstance atténuante qui n’est pas assez évidente, on partira sur un carton rouge de 20 minutes. »
« Le rouge de 20 minutes n’est pas une échappatoire, c’est pour des cas singuliers »
Concrètement, l’arbitre central se posera toujours les mêmes questions lorsqu’il reverra les actions. Y a-t-il un contact à la tête ? S’agit-il de jeu déloyal ? Y a-t-il un haut degré de danger ? Y a-t-il des circonstances atténuantes ? Et c’est lorsque la réponse à cette dernière interrogation ne sera pas claire que le carton orange sera susceptible d’être dégainé. Dans le cas, par exemple, où un plaquage haut serait commis à l’encontre d’un joueur qui aurait changé de hauteur juste avant le moment de l’impact.
Et à ceux qui craignent que ce nouveau carton n’augmente le nombre d’appel à l’arbitrage vidéo, Romain Poite répond ceci : « Ces cas étaient déjà traités. Les appels vidéos iront au contraire plus vite puisqu’on aura une solution lorsque la décision sera partagée. »
Garde-fou
Les managers ont pris acte des annonces qui leur ont été faites. Ce qui ne les a pas empêchés de pointer du doigt des effets pervers potentiels. Notamment le fait que les jaunes ne deviennent pas de plus en plus souvent des oranges, avec pour conséquence des périodes d’infériorité numérique plus longues…
« Mathieu Raynal et Romain Poite veulent que le carton orange soit une spécificité française pour qu’on garde un rouge autoritaire, qui préserve la santé des joueurs. Mais le défi, ce sera de bien garder le jaune existant, observe Sébastien Piqueronies, manager de la Section Paloise. En clair, que le jaune hésitant ne se transforme pas en orange. Si on garde notre jaune et notre rouge, ce sera une bonne nouvelle. »
Un point sur lequel Romain Poite se veut rassurant : « Les circonstances du jaune et du rouge s’appliquent d’autant plus avec l’instauration du orange : le rouge de 20 minutes n’est pas une échappatoire, c’est pour des cas singuliers. On a été très directif avec les arbitres. C’est un vrai carton qui ne devrait pas apparaître trop souvent dans la saison. » Une prédiction qui est étayée par l’expérience, prolonge-t-il : « On s’est rendu compte que sur les cas où on était partagés, moins de 20 % sont solutionnés par le carton rouge de 20 minutes. »
Les contours de cette règle sont clairs. Mais comme le relève Yannick Bru, manager de l’UBB, elle va désormais devoir être éprouvée à la réalité du terrain. « Comme toujours, il y a la théorie, qui paraît pleine de sens, et la pratique avec le stress, les stades pleins et des cas qu’on a jamais appréhendés. Il faut se donner un peu de temps avant de formuler un avis définitif. »