Il s’agit d’une étape importante. Le président Emmanuel Macron a officiellement reconnu que la France avait mené « une guerre » au Cameroun contre des mouvements insurrectionnels avant et après l’indépendance de 1960, dans un courrier à son homologue camerounais, Paul Biya, rendu public mardi 12 août. Un mot jusqu’ici absent des discours officiels, signalant à nouveau la volonté du chef de l’État d’introduire plus de transparence dans l’histoire coloniale française.

« Il me revient d’assumer aujourd’hui le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements », souligne Emmanuel Macron dans le courrier, actant ainsi un tournant mémoriel entre les deux pays. Le président français endosse ainsi les conclusions d’un rapport d’historiens qui lui avait été remis en janvier et qui a « clairement fait ressortir qu’une guerre avait eu lieu au Cameroun, au cours de laquelle les autorités coloniales et l’armée française ont exercé des violences répressives de nature multiple ».

« Renforcer la relation »

En juillet 2022, Emmanuel Macron avait annoncé au Cameroun le lancement de travaux d’une commission mixte franco-camerounaise visant à faire la lumière sur la lutte de la France contre les mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun entre 1945 et 1971. Le rapport de cette commission, présidée par l’historienne Karine Ramondy, s’inscrit dans la politique mémorielle du président français vis-à-vis de l’Afrique.

Le rapport sur le Cameroun et les recherches appelées à le prolonger « vont nous permettre de continuer à bâtir l’avenir ensemble, de renforcer la relation étroite qui unit la France et le Cameroun, avec ses liens humains entre nos sociétés civiles et nos jeunesses », a-t-il déclaré. Ce document de plus de mille pages étudie notamment le glissement de la répression des autorités coloniales françaises vers une véritable « guerre ». Se déroulant dans le sud et l’ouest du pays entre 1956 et 1961, elle a sans doute fait « des dizaines de milliers de victimes », selon les historiens.

Une indépendance sans « rupture nette »

Le rapport souligne que « l’indépendance formelle (du Cameroun en janvier 1960) ne constitue absolument pas une rupture nette avec la période coloniale ». Ahmadou Ahidjo, premier ministre puis président en 1960, mit alors en place « un régime autocratique et autoritaire avec le soutien des autorités françaises, représentées par des conseillers et administrateurs, qui accordent leur blanc-seing aux mesures répressives adoptées », selon les historiens.

L’actuel président, Paul Biya, âgé de 92 ans et au pouvoir depuis quarante-deux ans, a été un proche collaborateur d’Ahmadou Ahidjo dans les années 1960, jusqu’à devenir premier ministre en 1975, avant d’accéder à la présidence à partir de 1982. Emmanuel Macron, qui suggère la création d’un groupe de travail dédié entre le Cameroun et la France, « s’engage à ce que les archives françaises soient rendues facilement accessibles pour permettre la poursuite des travaux de recherche ».