Au bord de la Méditerranée, au pied de la colline du Château, en prime, on pourrait se laisser gagner par des élans poétiques. Cependant, pour trouver un charme particulier à OcéaNice, le nouveau centre de congrès ayant accueilli les délégations internationales du sommet de l’Unoc, en juin dernier, il aurait peut-être fallu siroter quelques verres d’absinthe, comme Baudelaire, Rimbaud ou Zola en leur temps.

Comme on s’est promis de ne pas nous laisser déboussoler pendant le « service », l’affaire était entendue: nous allions devoir faire travailler notre imagination en arrivant sur le port de Nice.

Un an et demi de travail

Et les créations de Junior Fritz Jacquet ont fait le reste, nous incitant à oublier le côté froid de cette grande halle pouvant accueillir jusqu’à 2.500 personnes assises pour des congrès, des séminaires ou des spectacles.

Jusqu’au 14 septembre, L’océan de Léa nous embarque dans un autre monde. Maitre de l’origami, officiellement certifié en 2004, par la Nippon Origami Association, Junior Fritz Jacquet a effectivement pris possession des lieux pour y installer ses impressionnantes sculptures de papier, sur 2.000mètres carrés. Imaginée l’hiver dernier dans la patinoire désaffectée de Saint-Ouen, l’exposition immersive du Francilien pouvait se résumer en chiffres offrant une idée de son ampleur: 10 tonnes de papier sculpté, 150 kilomètres de câble électriques et 1.500 dalles Led, 18 assistants, un an et demi de travail…

Message subtil

La résumer à ces données, ce serait passer à côté du charme de ce parcours onirique peuplé de raies Manta, de posidonies, de méduses et de grottes sous-marines. Réalisées à l’aide de papier sulfurisé « récupéré dans une usine qui fermait, voué à la destruction », les formes délicates de Junior Fritz Jacquet véhiculent un message environnemental. Suggéré, jamais souligné. « J’essaie de sensibiliser sans mots, sans donner une leçon de morale », a assuré l’artiste à nos confrères de Monaco Tribune.

Les visiteurs ont tout loisir de parcourir son œuvre à leur rythme, dans le sens qu’ils préfèrent, en s’asseyant, en rêvant. Et en admirant la technique de Fritz Jacquet, qui sort des sentiers anguleux de l’origami en modelant, froissant et défroissant son fragile matériau avec une certaine grâce.

Tous les jours à OcéaNice, 1430, Quai Amiral Infernet. De 10h à 18h (20h le samedi). 5 euros, gratuit pour les moins de 5 ans. Rens. anneedelamer.nice.fr/agenda/locean-de-lea

Étonnante trajectoire

L’école, ce n’était pas vraiment son truc. Dyslexique, Junior Fritz Jacquet, qui a passé ses premières années à Haïti avec sa grand-mère, avant de rejoindre ses parents stylistes à Saint-Ouen, a longtemps cherché sa place. Et puis un jour, un saut à la médiathèque de sa ville a tout changé. Un médiateur fait une démonstration d’origami. Junior accroche, et il est doué pour le pliage. « Je comprends alors que j’ai la capacité à voir les choses en volume, grâce à la dyslexie », expliquait-il en 2016 dans une vidéo.

Plus posé par la suite, il parvient à devenir éducateur spécialisé chez les Apprentis d’Auteuil, une fondation dont il fut lui-même pensionnaire. En parallèle, il développe sa pratique de l’origami, réalise ses propres créations. Après différentes expositions en France et à l’étranger, puis la décoration du bureau de la maire de Paris, Anne Hidalgo, Junior Fritz Jacquet franchit un cap en 2023 avec Noël au jardin d’Eden, vue par 25.000 personnes à l’Espace Saint-Pierre-des-Minimes, à Compiègne.

L’an passé, dans la même ville, Léa, une pièce réalisée à l’aide de 40mètres carrés de papier, est partie à 50.000 euros aux enchères.