«Bonjour Monsieur, c’est la mairie de Bordeaux, je vous appelle dans le cadre du plan canicule niveau 4. Vous savez qu’il y a des points de rafraîchissement, et notamment des échoppes seniors qui existent sur Bordeaux ? Vous pouvez y trouver un espace climatisé et de la boisson si vous le souhaitez. »
L’unité de lutte contre l’isolement de la mairie de Bordeaux, est mobilisée depuis lundi et le début de la vigilance rouge canicule établie par Météo-France sur une grande partie du Sud-Ouest. Quelque 50 agents, bénévoles associatifs et volontaires de la ville, assurent une veille téléphonique auprès des personnes de plus de 70 ans considérées comme fragiles en cette période. Lundi, les 41,6 °C ont été atteints à Bordeaux, établissant un nouveau record pour la capitale de Nouvelle-Aquitaine. La vigilance rouge est maintenue ce mardi.
Un message de téléalerte dès dimanche
Depuis la canicule d’août 2003 – durant laquelle on a déploré une surmortalité d’environ 15.000 décès par rapport à la mortalité habituelle de cette période, touchant particulièrement les personnes âgées – la surveillance et le suivi des personnes âgées, notamment isolées, ont été renforcés dans de nombreuses villes en France. A Bordeaux, un fichier de 3.600 personnes âgées à suivre durant les périodes de forte chaleur a ainsi été établi, et il est remis à jour chaque année. « Ces personnes ont reçu un message de téléalerte dès dimanche, et on rappelle celles qui n’ont pas écouté ce message, pour vérifier que tout va bien, et indiquer les conseils à suivre », explique Stéphane Pfeiffer, adjoint au maire chargé de l’urbanisme et du logement.
« Pour disposer aujourd’hui d’une telle liste de 3.600 personnes âgées à appeler, nos services travaillent sur un fichier de base de 25.000 personnes de plus de 70 ans, poursuit l’élu. Nous fonctionnons en entonnoir, pour déboucher au final sur une liste extrêmement qualifiée de personnes vulnérables. C’est donc un travail engagé bien en amont. »
« Nous ne sommes qu’au début de l’épisode de forte chaleur »
Deborah, coordinatrice à l’unité de lutte contre l’isolement de la mairie de Bordeaux, précise que « l’on a des personnes plus ou moins fragiles, avec notamment une cinquantaine de personnes dites à risque, c’est-à-dire sans entourage. » « Il s’agit de personnes sans famille, sans proche, et qui habitent pour certaines dans des logements qualifiés de bouilloire énergétique », ajoute Stéphane Pfeiffer.
« Ce sont les personnes les plus difficiles à repérer, ce que l’on tente de faire tout au long de l’année, en collaboration avec différents acteurs sur toute la ville, poursuit Deborah. Celles-ci, on les contacte tous les jours durant les périodes de canicule, elles sont prioritaires. Aujourd’hui [lundi] elles allaient bien, mais nous ne sommes qu’au début de l’épisode de forte chaleur, c’est généralement lorsque cela dure que cela devient plus compliqué pour elles. »
« On prend un peu de temps pour discuter »
Pour renforcer l’unité de lutte contre l’isolement, la mairie de Bordeaux fait appel depuis 2022 à des citoyens issus de la réserve citoyenne de Bordeaux Métropole. Comme Cécile, heureuse de « pouvoir aider de façon complémentaire » à son travail, et qui a rejoint la réserve citoyenne après les incendies de Landiras de 2022. « J’ai eu alors envie de me mobiliser, pour aider les populations, au sein d’une structure où l’on est encadré. » « C’est une chance d’avoir ce dispositif qui nous amène sur la semaine plusieurs dizaines de bénévoles, pour compléter le travail de nos agents », souligne Stéphane Pfeiffer.
« Il y a un côté très humain » dans ce travail, poursuit Cécile. « On crée du lien avec ces personnes, puisqu’elles sont ravies que l’on prenne soin d’elles, elles ont le sentiment d’être considérées. On prend un peu de temps pour discuter, et on a des échanges très intéressants. Lundi matin, une personne âgée de 90 ans me racontait que malgré la chaleur elle était partie se baigner à la piscine, et que l’après-midi elle irait à la bibliothèque profiter de l’air climatisé. Et elle a découvert à travers nos échanges qu’un espace senior existait près de chez elle, et je pense que mardi elle ira y faire un tour. » Il existe quelque 19 « échoppes seniors » rafraîchies, accessibles quand il fait très chaud, sur l’ensemble de la ville.
Un camion pour permettre aux sans-abri de prendre des douches
La politique de prévention de la mairie lors des canicules ne concerne pas que les personnes âgées. « Parmi les populations prioritaires, il y a aussi les enfants en bas âge, les personnes à la rue et nos agents, pour qui nous adaptons les horaires de travail, voire nous supprimons certains travaux en extérieur s’ils ne sont pas indispensables », explique Stéphane Pfeiffer.
Le Centre Jean-Moulin, situé à proximité de la mairie, accueille ainsi un espace de fraîcheur pour les personnes sans abri, avec des lits de camp pour se reposer, chaque jour de 13 heures à 22 heures. Cela permet à cette population très exposée lors des canicules, « de se reposer, se ressourcer, et se mettre au frais », explique Nejiba Martin, de la Croix-Rouge.
Accueil de SDF à Bordeaux durant la canicule d’août 2025 avec un camion équipé de douches - M.Bosredon
La Croix-Rouge propose également le service « solidouche », un petit camion équipé de deux douches, pour permettre aux personnes à la rue de faire une toilette et se rafraîchir. L’un d’eux est installé place Pey-Berland depuis samedi midi. « Ça fait du bien », lâche en sortant d’une des cabines un homme à la rue. Une table est posée devant le véhicule, sous un voile d’ombrage, pour permettre également aux sans-abri de se poser un instant, alors que certains sont exténués sous ce soleil de plomb. La distribution de gourdes et d’eau est par ailleurs renforcée, 14 sites sont équipés de dispositifs de brumisation, et de nombreux points d’eau potable sont en accès libre dans toute la ville.
Selon le dernier recensement de la mairie, il y aurait quelque 760 personnes sans abri à Bordeaux.