Depuis qu’Israël a démantelé le système de distribution d’aide
humanitaire dirigé par l’ONU à Gaza, en mai 2025, les médecins opérant sous le
siège ont constaté une corrélation claire entre les pics de blessures par balle
et les jours de distribution de nourriture.
Sur de nombreuses vidéos publiées sur les réseaux sociaux
par des Palestiniens, on constate que les tentatives de collecte de nourriture,
désormais gérées par la très controversée Gaza Humanitarian Foundation (GHF), ont
lieu sous le feu de mitraillettes. D’après l’ONU, depuis le 27 mai 2025, au
moins 1.400 Palestiniens ont été tués alors qu’ils cherchaient de la nourriture,
principalement à proximité des sites de distribution de la GHF ou le long des
routes des convois d’aide.
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Une enquête de The Guardian corrobore les affirmations de longue
date selon lesquelles l’armée israélienne cible les civils palestiniens qui
tentent de récupérer des colis alimentaires, alors que Gaza fait face à une
famine organisée par le gouvernement de Benyamin Netanyahou.
Goulot d’étranglement
C’est en affirmant, contre les conclusions des observateurs
internationaux comme l’USAID, que le Hamas détournait massivement l’aide
humanitaire à Gaza, qu’Israël a obtenu la fermeture du système d’aide
humanitaire géré par l’ONU. Par la suite a été imposée une gestion opaque de maigres et meurtrières
distributions de produits de première nécessité par la GHF, une organisation militaire
privée créée avec le soutien de l’administration Trump.
Désormais seule organisation autorisée à opérer dans la
bande de Gaza, alors que le droit international exige que l’aide soit acheminée
de manière indépendante, impartiale et sécurisée, la GHF visée par des accusations de massacres de civils survenus de façon récurrente lors de distributions alimentaires.
Les quatre sites où ces dernières ont lieu sont situés dans des zones d’évacuation
désignées par l’armée israélienne, et constituent donc des zones de danger
direct.
«Si l’on combine les preuves visuelles des tirs de
mitrailleuses, les témoignages palestiniens, les rapports des médecins
hospitaliers qui décrivent un nombre impressionnant de patients admis avec des
blessures par balle, d’une ampleur sans précédent au cours de toute l’année
précédente de la guerre, avec les preuves très solides fournies par
l’extraction et l’analyse des balles reçues par les patients, on obtient une idée
très claire de la situation», relève Manisha Ganguly, journaliste d’investigation pour The Guardian.
Celle-ci conclut qu’«il existe une quantité écrasante de preuves
suggérant que l’armée israélienne a tiré sans discernement et de manière
extrêmement soutenue sur des Palestiniens qui cherchaient de la nourriture».
Le témoignage du professeur Nick Maynard, chirurgien consultant
aux hôpitaux universitaires d’Oxford, qui travaille régulièrement à Gaza depuis
quinze ans et a mené trois missions à l’hôpital Nasser depuis le début de la
guerre, vient confirmer des tirs délibérés sur les civils, y compris mineurs,
comme le relate la journaliste: «Il a déclaré que certains jours, il
constatait que certaines parties du corps étaient particulièrement visées. Une
nuit où il était de garde, l’hôpital Nasser a admis quatre adolescents, tous
blessés par balle aux testicules. D’autres jours, il a constaté des schémas de
blessures par balle au cou, à la tête ou aux bras, et il m’a dit que la
concentration de blessures similaires en une seule journée suggérait qu’il
s’agissait d’une activité ciblée.»
Vendredi 8 août 2025, le cabinet de sécurité israélien a
approuvé un plan de prise de contrôle de la ville de Gaza, qui marque un nouveau
tournant dans cette guerre de vingt-deux mois contre l’enclave palestinienne
que de nombreux experts internationaux s’accordent désormais à qualifier de «génocidaire»
–un crime contre lequel la Cour internationale de Justice avait mis en garde
dès janvier 2024.
Alors que la majeure partie de Gaza a été détruite et que la
population est plongée dans la famine, la guerre menée par Israël a déjà fait, selon
le ministère de la Santé de la bande de Gaza (dont les données sont jugées
fiables par l’ONU), au moins 60.000 morts palestiniens, parmi lesquels une large
majorité de civils.