Cent cinquante-deux mille. C’est le nombre de demandes de logement social enregistrées dans les Bouches-du-Rhône, en 2024, selon un rapport de l’Association nationale de contrôle du logement social (Ancols), publié fin avril. Parmi elles, seules 8 700 ont abouti à l’attribution d’un logement, soit 5,7%. Au cœur de la chaîne de gestion et valorisation des demandes : les chargés de clientèle, responsables de constituer, aux côtés des potentiels futurs locataires, un dossier de demande solide.

Sandra Mignon, employée chez Erilia depuis quatre ans, fait partie d’entre eux. « Après mon BTS immobilier, j’ai un temps travaillé en agence, puis pour des résidences seniors, avec un public très exigeant. J’ai ensuite décidé de m’orienter vers le logement social, pensant que ça serait peut-être plus intéressant », détaille-t-elle. Après un bref passage chez 13 Habitat, elle est embauchée à son poste actuel, qu’elle dit beaucoup apprécier. « J’ai l’impression d’aider à ma petite échelle. Je ne suis pas chirurgienne, je ne sauve pas des vies, mais je crois pouvoir dire que je me sens utile quotidiennement », admet-elle. Responsable du parc locatif d’Erilia sur les 15e et 16e arrondissements de Marseille, elle assure travailler avec un public très défavorisé. « Souvent, les personnes qui nous sollicitent vivent dans la rue ou dans leur voiture. On côtoie vraiment la misère sociale, des personnes en grande difficulté », se désole-t-elle.

Itinéraire d’une demande
de logement

La majorité des demandes de logement sont transmises à Erilia et par extension à Sandra, par le biais des différents « contingents », c’est-à-dire des différentes collectivités qui subventionnent le bailleur. La quantité de logements réservés à une collectivité chez un bailleur est proportionnelle à la quantité d’argent injectée par cette dernière. Chaque semaine, Sandra reçoit un échantillon de trois ou quatre demandeurs, sélectionnés par une collectivité. Sa mission consiste à préparer efficacement le dossier du potentiel futur locataire, qui sera par la suite étudié par une commission, constituée de six membres désignés librement par le conseil d’administration, dont un représentant des locataires. « Lorsque je reçois les dossiers, je contacte les demandeurs pour en savoir plus sur leur situation, pour collecter toutes les informations qui pourraient être prises en compte lors de la commission », raconte-t-elle. Lorsque Sandra prend connaissance des candidatures, celles-ci sont déjà pré-classées par les collectivités. Une hiérarchisation que la chargée de clientèle ne communique jamais aux demandeurs en avance, car susceptible de changer en commission. « Il s’agit souvent de personnes ou de familles en situation d’extrême pauvreté. Je ne peux pas prendre le risque de leur faire de faux espoirs », assure-t-elle. Le délai entre la réception d’une demande par le bailleur et le résultat d’une commission est d’environ deux semaines. L’annonce des conclusions aux demandeurs se fait par l’intermédiaire de Sandra. Une étape parfois difficile à passer : « J’étais très stressée la première fois que j’ai dû prendre mon téléphone pour annoncer un refus. C’est forcément une mauvaise nouvelle, mais je recroise parfois les demandeurs à l’occasion d’une nouvelle commission favorable. »

Hiérarchiser l’urgence

La majorité des demandeurs dont Sandra s’occupe sont bénéficiaires de la loi Droit au logement opposable (Dalo), qui permet aux personnes mal logées d’être prioritaires pour obtenir un logement ou un hébergement digne. Pour hiérarchiser les demandes, la commission travaille à identifier la situation la plus urgente. « Nous prenons en compte la situation familiale, la présence d’enfants en bas âge, le niveau de revenu, l’état psychologique et bien sûr l’ancienneté de la demande », détaille Karine Palandre, responsable de Sandra. Des informations collectées notamment grâce au travail du chargé de clientèle. Un métier d’« empathie », d’« écoute » et de « rigueur », selon Sandra. « Je travaille au contact de gens normaux, humains, qui ont besoin d’aide. Si on ne les loge pas, ils ne trouveront pas de logement dans le parc privé », conclut-elle.