CRITIQUE – Une famille chinoise perturbée par l’arrivée d’un ami de son fils unique, un couple entraîné dans une spirale à la fois horrifique, une octogénaire confrontée à sa dégénérescence… La sélection cinéma du Figaro.
hBrief History of a Family – À voir
Drame de Jianjie Lin – 1 h 40
Dans la cour de récréation, Wei balance un ballon de basket sur la nuque d’un camarade en train de s’exercer aux barres parallèles. Pour se faire pardonner, il invite Shuo chez lui pour partager des jeux vidéo. Les parents proposent à l’adolescent de dîner avec eux. Shuo, discret et laconique, accepte poliment. Quel accueil ! On voit qu’il n’a pas l’habitude. Il a perdu sa mère quand il avait 10 ans et son alcoolique de père n’hésite pas à le rouer de coups. Le couple le prend sous son aile. Un gamin qui étudie avec sérieux, cela les change de leur nigaud qui ne songe qu’à devenir escrimeur professionnel. Wei est insolent et paresseux. Shuo est sérieux et délicat.
Avec M. Tu, qui est biologiste, il partage l’amour de la musique classique, s’extasie devant Le Clavier bien tempéré. Écouter l’épouse, ancienne hôtesse de l’air, raconter ses voyages et ses regrets ne l’ennuie pas une seconde. Wei commence à être jaloux. On devine le propos de Brief History of a Family, un premier film de Jianjie Lin : différences de classe, inconnu s’immisçant dans un milieu qui n’est pas le sien. Il est aussi question des ravages psychologiques créés par la politique de l’enfant unique. Ce Shuo est-il un malheureux, un intrigant, un imposteur ? Le film se garde bien de fournir une réponse ferme. É. N.
Together – À voir
Horreur de Michael Shanks – 1 h 42
Dave Franco et Alison Brie sont mari et femme dans la vraie vie. Les époux hollywoodiens, à peine quadragénaires, sont parfaits pour incarner deux tourtereaux déjà déplumés par une vie de couple qui bat de l’aile. Il est Tim, guitariste has been avant d’avoir connu la gloire, dépressif, en proie à des cauchemars. Elle est Millie, institutrice enjouée et combative malgré la désillusion – le prince charmant se révèle être un loser sans charisme. Les deux citadins sans enfants s’installent à la campagne pour changer d’air.
En explorant les environs, le couple chute dans une cavité étrange. Ils restent une nuit dans cette grotte humide avant de s’en extraire. À partir de ce moment, les premiers signes d’une force surnaturelle se manifestent. Leurs corps sont comme aimantés. Cette attraction n’est pas facile à vivre mais elle pimente une libido en berne. Un baiser bénin se transforme en bouche-à-bouche fougueux et douloureux. Un coït dans les toilettes de l’école de Millie tourne à la figure acrobatique. Faire chambre à part ne suffit pas. Quand Millie et Tim se réveillent un matin les bras collés comme des siamois, elle l’attache à une chaise et s’empare d’une scie électrique en avalant des rasades de whisky pour se donner du courage. Michael Shanks manie l’humour noir et le fantastique avec dextérité. Son « body horror » est un savant mélange entre le cinéma de M. Night Shyamalan et celui de David Cronenberg. É. S.
À feu doux – À voir
Drame de Sarah Friedland – 1 h 30
Bienvenue à Bella Vista, une résidence pour retraités en Californie. Le lieu existe vraiment. Il s’appelle en réalité Villa Gardens et fut fondé en 1920 par la première femme proviseur des États-Unis. Elle voulait promouvoir des méthodes éducatives auprès des personnes âgées. C’est ici que la réalisatrice Sarah Friedland a tourné ce premier film avec des résidents et des comédiens professionnels. Ruth, interprétée par Kathleen Chalfant, cheveux courts et chic intact, a décidé de venir finir sa vie dans ce « country club du troisième âge ». Mais ça, on le comprend, c’était quand elle avait encore toute sa tête.
Lorsque son fils Steve vient la chercher chez elle et l’emmène définitivement, Ruth est désorientée, son caractère farouche resurgit et une forme de fragilité s’installe. Dans cet univers nébuleux, Ruth est traversée d’éclairs de colère, de lucidité aussi. Sa bonne éducation et son intelligence n’ont pas disparu. Elle a de l’humour. Steve marche sur des œufs. Il est ce que nous sommes devant nos proches qui peu à peu perdent la tête. Tiraillé, maladroit, interdit. Sarah Friedland filme avec une infinie délicatesse ce que la société appelle encore et toujours à tort un naufrage. F. D.
L’Épreuve du feu – À voir
Comédie dramatique d’Aurélien Peyre – 1 h 45
Depuis trois mois, Hugo sort avec Queen, une esthéticienne dont l’allure détonne un peu dans la villégiature huppée. Ses copains chuchotent et rigolent. La demoiselle a des piercings et des tatouages, des faux ongles de 3 kilomètres, des maillots aussi minuscules qu’un timbre-poste. Ensemble, ils partageaient le goût des mangas. Hélas, elle ne tarde pas à l’agacer. Il ne tient pas à devenir la risée des habitués en bermuda. Elle fait trop de bruit en tirant sur sa cigarette électronique. De charmant, son accent méridional se transforme en handicap. Et puis pourquoi se trimballe-t-elle avec cette chienne microscopique qu’elle enduit de crème solaire ?
Avec L’Épreuve du feu, Aurélien Peyre dissèque l’air de rien la cruauté des rapports sociaux, les tics de langage, le fossé qui sépare les nantis des « sans-dents ». Sans singer Bourdieu, il donne chair à sa chronique fine et désenchantée, quelque chose entre Les Tricheurs, La Dentellière et Pascal Thomas. Une comédie douce-amère qui en dit long sur l’époque, la jeunesse, les regrets. É. N.
Y a-t-il un flic pour sauver le monde ? – On peut voir
Comédie d’Akiva Schaffer – 1 h 25
Plus de trente ans après la première trilogie des Y a-t-il un flic ? (The Naked Gun), la franchise parodique fait son come-back, avec Akiva Schaffer à la réalisation et le dessinateur producteur (signataire des comédies Ted et Ted 2) Seth MacFarlane. Cette comédie policière tordante prouve que le cinéma hollywoodien peut réussir dans le genre farce grand-guignolesque, tout en se renouvelant.
En reprenant la formule du « buddy movie » chère au cinéma des années 1980, Y a-t-il un flic pour sauver le monde ? ressuscite le sacro-saint tandem de flics qui a fait les belles heures du polar américain. Avec son compère Ed Hocken Junior (Paul Walter Hauser), Frank Drebin Junior enquête à la fois sur un braquage de banque et un mystérieux accident de voiture impliquant un puissant magnat industriel (Danny Huston). L’atout charme de cette pochade estivale, c’est Pamela Anderson, incarnant Beth Davenport, une héroïne qui cherche à tout prix à venger la mort de son frère. Mis à part quelques blagues grivoises téléphonées ou des gags scatologiques un peu trop appuyés, le film s’avère une belle surprise. O. D.
Karate Kid : Legends – On peut voir
Comédie dramatique de Jonathan Entwistle – 1 h 34
Depuis 1984, cinq films et une série télévisée (Cobra Kai) ont fait de Daniel, jeune américain orphelin de père formé par M. Miyagi aux arts martiaux, et ses avatars, des héros populaires. Le héros de Karate Kid : Legends a un profil et une histoire à peu près similaires, sauf qu’il est chinois – préservant ainsi le film de toute critique d’appropriation culturelle. Li Fong (Ben Wang) quitte Pékin pour New York avec sa mère. Un nouveau départ après la mort de son frère, tué lors d’une rixe. Un traumatisme qui le pousse à renoncer à se battre. C’est compter sans Connor, bad boy champion de karaté, ex de sa nouvelle amie, Mia, tenant du titre du tournoi des 5 Boroughs.
Pour l’affronter, Li Fong se forme avec deux maîtres : son oncle Han (Jackie Chan) et Daniel (Ralph Macchio), l’ancien apprenti devenu sensei. Le film s’adresse aux fans de la première heure, adolescents dans les années 1980, et à leurs enfants nés dans les années 2010, génération habituée à scroller les écrans domestiques et réputée incapable de maintenir son attention plus de deux minutes. Les séquences s’enchaînent à toute vitesse. L’intrigue cousue de fil blanc est pliée en une heure et demie et des poussières. É. S.