A qui appartient une pierre tombée du ciel ? La question secoue le Niger après la vente record, à New York, de la plus grande météorite martienne jamais retrouvée. Pesant environ 25 kg, ce bloc venu tout droit de la planète rouge a été adjugé le 16 juillet par la maison d’enchères Sotheby’s à un acheteur privé anonyme, pour plus de 5 millions de dollars.
Trouvée en 2023 dans la région d’Agadez, au nord du Niger, cette météorite est désormais revendiquée par le pays, qui a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « faire la lumière sur cette affaire ». Niamey, la capitale, estime qu’elle présente « vraisemblablement toutes les caractéristiques d’un trafic international illicite » et a suspendu, vendredi, les exportations de pierres précieuses et météorites « jusqu’à nouvel ordre ».
Des accusations rejetées par Sotheby’s, qui affirme que la roche a été « exportée du Niger et transportée conformément à toutes les procédures internationales en vigueur ». La maison de ventes indique toutefois qu’« un réexamen du dossier est en cours » face à la controverse.
Globe-trotteuse
Selon sa description officielle, la météorite aux reflets ocre a été découverte « le 16 novembre 2023 par un chasseur de météorites dans la région reculée d’Agadez au Niger ». Revendue à un marchand international, elle a été brièvement exposée en Italie avant de traverser l’Atlantique pour rejoindre un catalogue américain.
Pour le paléontologue américain Paul Sereno, qui collabore depuis des années avec les autorités nigériennes, tout laisse à croire que la pierre a quitté le pays « dans l’illégalité ». « Tout le monde est anonyme » dans cette affaire, déplore-t-il. Et d’ajouter : « S’ils avaient attrapé la météorite alors qu’elle fonçait vers la Terre et avant qu’elle n’atterrisse dans un pays, alors ils auraient pu la revendiquer. Mais là, je suis désolé, elle appartient au Niger, même si son origine est Mars. »
Un vide juridique… selon les pays
En l’absence de statut juridique universel, la propriété des météorites dépend à la fois du droit international et des lois locales. Aux États-Unis, elles appartiennent au propriétaire du terrain où elles sont tombées, si celui-ci est privé. Au Niger, elles sont considérées comme des biens culturels protégés, au même titre que les « spécimens rares » de minéralogie.
« Il ne fait aucun doute à notre avis que les météorites doivent être incluses dans les spécimens rares de minéralogie » protégés, estiment Matthieu Gounelle, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle, et son père Max Gounelle, professeur des universités, tous deux spécialistes de la réglementation sur la collecte et la vente des météorites.
Un trésor scientifique
Au-delà de la bataille juridique, cette roche baptisée NWA 16788 représente une valeur scientifique exceptionnelle. Bien plus grande que les autres météorites martiennes connues, elle pourrait livrer des informations inédites sur l’histoire géologique de Mars.
« À mon avis, ce n’est pas quelque chose qui devrait être vendu aux enchères et risquer de disparaître sous le manteau de quelqu’un », plaide Paul Sereno. Le scientifique appelle à sa restitution au Niger, « où elle pourrait être étudiée et exposée au public ».