En mai, la perte d’un Rafale de l’Indian Air Force [IAF] lors de l’opération Sindoor, lancée par l’Inde pour détruire des camps de groupes terroristes situés au Pakistan deux semaines après l’attaque de Pahagalm [Cachemire indien], a suscité une campagne de dénigrement contre le chasseur-bombardier de Dassault Aviation, orchestrée non seulement par Islamabad mais aussi par Pékin.

Les retours d’expérience [RETEX] de l’opération Sindoor ont précisé les circonstances dans lesquelles ce Rafale a été abattu, alors qu’il évoluait dans l’espace aérien indien. Ainsi, selon une enquête de l’agence Reuters, l’IAF disposait de renseignements erronés sur la portée effective du missile air-air chinois de type BVR [beyond visual range / au-delà de la portée visuelle] PL-15 utilisé par la force aérienne pakistanaise. En outre, elle aurait eu une connaissance de la situation imparfaite.

De son côté, le Centre d’études stratégiques aérospatiales [CESA] de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] a souligné les règles d’engagement restrictives imposées à l’IAF par le pouvoir politique, celui-ci ayant exclu toute frappe contre les défenses aériennes pakistanaises.

« Si la stratégie retenue a atteint les effets recherchés [9 camps terroristes détruits], les annonces émanant des forces armées pakistanaises concernant les pertes aériennes de l’IAF témoignent des risques supplémentaires encourus dans le cadre ainsi fixé, c’est-à-dire sans s’être assuré au préalable de l’acquisition de la supériorité aérienne », a-t-il conclu.

Pour autant, plus de trois mois après l’opération Sindoor, l’IAF est encore obligée de démentir des rumeurs, comme celle ayant récemment prétendu qu’elle était intéressée par le chasseur-bombardier KF-21 Boramae, développé par Korea Aerospace Industries [KAI]. Cet appareil « ne figure pas […] sur la liste restreinte des plateformes évaluées » pour le programme Multi Role Fighter Aircraft [MRFA], a assuré l’un de ses responsables, le 4 août.

Pour rappel, le MRFA doit permettre à l’IAF de se procurer 114 nouveaux avions de combat, avec des transferts industriels et technologiques à la clé, conformément à la politique « Make in India ». Outre le Rafale, dont l’Inde a acquis 36 exemplaires en 2016, le F-21 de Lockheed Martin [un déclinaison du F-16 Viper, ndlr], le JAS-39 Gripen E/F, le F-15EX Eagle II de Boeing, le Typhoon du consortium Eurofighter ainsi que deux avions russes, à savoir le MiG-35 et le Su-35, sont en lice. Et, au début de cette année, il était question de lancer un appel d’offres pour les départager.

Seulement, étant donné qu’elle peine à aligner les 42 escadrons de chasse prévus dans son contrat opérationnel et que cette situation n’ira pas en s’arrangeant avec le retrait programmé de ses MiG-21 « Bison » et de ses Jaguar, la force aérienne indienne veut accélérer le mouvement.

En avril, le portail indien « Bharat Shakti », spécialiste des affaires de défense, avait avancé que l’IAF voulait « acquérir 40 avions de combat Rafale supplémentaires auprès de la France, via un accord G2G », dans le cadre d’un « accord MRFA + accéléré ».

Or, d’après le Times of India, c’est effectivement ce scénario qui est privilégié depuis l’opération Sindoor… Et cela après l’annonce du partenariat entre Dassault Aviation et Tata Advanced Systems pour produire des fuselages de Rafale en Inde, la confirmation de la commande de 26 Rafale Marine pour la marine indienne et le choix du ministère indien de la Défense en faveur de Safran pour le développement du moteur destiné au futur avion de combat de 5e génération AMCA [Advanced Medium Combat Aircraft].

« L’IAF va soumettre le dossier MRFA à l’acceptation initiale de nécessité [AoN], la première étape du long processus d’approvisionnement, au Conseil d’acquisition de la Défense [DAC] dans un mois ou deux », avance Times of India, qui s’appuie sur des confidences faites par des sources proches du dossier.

« Le gouvernement prendra une décision quand le dossier MRFA sera soumis au DAC. Mais oui, l’IAF a un besoin urgent de Rafale supplémentaires pour endiguer la réduction du nombre de ses escadrons de chasse », a précisé l’une de ces sources.

Après le retrait des MiG-21 « Bison », le mois prochain, l’IAF ne comptera plus que 29 escadrons de combat. Soit un « plus bas niveau historique », relève le quotidien indien.

En tout cas, pour l’IAF, il est « bien plus judicieux, d’un point de vue économique et logistique, d’acquérir des Rafale supplémentaires par le biais d’un accord intergouvernemental, dans le cadre du programme MRFA », a déclaré une autre source. Cette façon de procéder sera beaucoup plus rapide que de lancer un appel d’offres « ouvert », a complété une autre.

D’autant plus que les infrastructures nécessaires à la mise en œuvre de ces appareils existent déjà, les bases d’Ambara et de Hasimara ayant chacune les capacités pour accueillir au moins un escadron de Rafale supplémentaire [soit 36 avions au total]. En outre, des synergies seront possibles avec l’Indian Navy et ses 26 Rafale M.

Quoi qu’il en soit, le PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, a récemment laissé entendre qu’il s’attendait à une nouvelle commande de Rafale par l’Inde.

« Je pense que ça arrange beaucoup de monde de croire que le Rafale n’est pas performant. Moi, je vois que la sanction est simple : les Indiens continuent à m’acheter des avions et c’est ce qu’ils disent à leurs collègues. […] Mon problème n’est pas de rassurer le grand public. Mon problème est de servir mes clients. […] Et vous allez le voir, il y a des commandes qui vont continuer à tomber », a-t-il en effet déclaré, le 22 juillet.

Par ailleurs, et alors que le gouvernement indien a écarté le F-35A de Lockheed Martin sur fond de brouille commerciale avec les États-Unis, l’IAF envisage d’acquérir des Su-57E auprès de la Russie. Ce sujet sera abordé lors de la visite qu’effectuera le président russe, Vladimir Poutine, à New Delhi, en septembre prochain. D’après le site spécialisé Indian Defence Research Wing [IDRW], des discussions en cours portent sur une coproduction de 50 à 60 Su-57E, dans le cadre d’un partenariat avec Hindustan Aeronautics Limited [HAL].